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10 questions sur… le bail commercial en état futur d’achèvement

Le dispositif du bail commercial en l’état futur d’achèvement (Befa) s’est développé depuis une douzaine d’années, les opérations en blanc (sans preneur) se raréfiant. Sa singularité réside essentiellement dans la période séparant la date de la signature du bail de celle de la mise à disposition des locaux. Une rédaction rigoureuse de ce contrat est donc primordiale. L’expérience révèle que ce type de montage, impliquant classiquement un promoteur-vendeur, un investisseur-bailleur et un utilisateur-preneur, soulève plusieurs difficultés juridiques évoquées ici.

Contexte
Le Befa est une création de la pratique. Ce montage puise son inspiration et une partie de sa substance dans la vente en l’état futur d’achèvement (Vefa). Il n’est pas prévu d’intervention du législateur pour le réglementer.

1 – Pourquoi recourir au bail commercial en l’état futur d’achèvement ?
La validité de la vente d’un immeuble à construire est reconnue de longue date et a été consacrée par le législateur qui organise ce type de vente, notamment lorsqu’elle porte sur un immeuble d’habitation dit du « secteur protégé » (articles L 261-1 et L 261-10 du code de la construction et de l’habitation). Les ventes d’immeubles commerciaux et tertiaires à construire empruntent d’ailleurs certains éléments de ce dispositif. Dans ce contexte, il apparaît difficile de trouver des obstacles à la validité et à l’efficacité d’un Befa pour les motifs suivants.

Prétendre que la détermination de l’objet du Befa ferait défaut ne laisse pas de surprendre. Les éléments descriptifs de l’objet du Befa, qu’ils soient déterminés ou déterminables (aménagements à définir, variantes ou options), constituent par ailleurs un engagement du vendeur vis-à-vis du futur bailleur. La thèse selon laquelle le Befa pourrait seulement revêtir la forme d’une promesse de bail traduit une volonté délibérée de refuser, son efficacité à un contrat qui possède la plénitude des éléments constitutifs d’un bail.

Les récentes évolutions jurisprudentielles sur la possible rétractation, certes fautive, du promettant dans les promesses unilatérales de vente suffisent à écarter la préférence de la promesse unilatérale de bail (à laquelle serait alors annexé le projet de bail, signé définitivement lors de l’entrée dans les lieux) au profit du Befa. En outre, la promesse de bail non liée à l’avant-contrat souscrit par le bailleur se révèle fragile (Cour de cassation, 3e ch. civ., 19 septembre 2012, n° 10-12024).

La « promesse synallagmatique de bail ne valant pas bail » n’entraîne pour les parties qu’une obligation de faire, dont l’inexécution est sanctionnée seulement par des dommages-intérêts à l’exclusion de toute exécution forcée. En considération des intérêts en jeu, cette solution n’est pas pratiquée en matière de Befa.

L’allégation reprochant au Befa sa soumission à de nombreuses conditions suspensives n’infléchit pas non plus le bien-fondé de son choix par rapport à une promesse : les conditions dont est affecté un contrat ne déterminent pas la nature de celui-ci. Le promoteur/vendeur est souvent le négociateur du bail et n’est pourtant pas celui qui l’exécutera. C’est l’acquéreur en Vefa qui se substituera au promoteur et s’engagera à mettre l’immeuble à disposition.

Les parties réticentes à l’égard du Befa peuvent choisir de se lier par un bail seulement à compter de la livraison de l’immeuble. Elles demeurent alors réciproquement exposées à l’aléa de la défaillance de l’autre, sans solution réellement efficace de protection.

2 – En quoi la structure duale d’un Befa est-elle déterminante ?
La Vefa mêle obligation de construire et vente. De son côté, le découpage du Befa s’opère en une première phase de construction, de la signature jusqu’à la mise à disposition des locaux ; une seconde phase de bail proprement dite lui succède. L’obligation de construire pèse rarement sur le bailleur, lequel est plus souvent simple acquéreur des futurs locaux.

Le Befa lie immédiatement les parties qui déterminent librement leurs rapports jusqu’à la date d’achèvement. La constatation de l’achèvement des locaux emportera prise d’effet du bail.

Lors de la phase initiale, les relations contractuelles sont régies par le droit commun des contrats et ne sont pas soumises aux règles d’ordre public du statut des baux commerciaux (Cour de cassation, 3e ch. civ., 8 janvier 1997, n° 95-11014, Société Ufifrance immobilier c/Société Générale). Ainsi la possibilité offerte au preneur de renoncer au cours de cette période à poursuivre l’exécution du contrat moyennant une contrepartie financière n’est pas analysée au regard des dispositions du statut (même arrêt). Les spécificités de cette période initiale, celles de la constatation de l’achèvement et l’organisation de l’année de « parfait achèvement » impliquent une rédaction spécifique (voir questions 9 et 10). S’agissant de la phase postérieure à l’achèvement, les dispositions du statut des baux commerciaux, si les conditions de l’article L145-1 du code de commerce sont remplies, et les stipulations habituelles (dérogations éventuelles au statut, et au droit commun du louage) retrouvent leur prééminence : la négociation de ces dernières ne se distingue pas de celle du bail d’un immeuble existant.

La présentation du Befa traduit généralement cette dualité de périodes relevant chacune d’un régime juridique distinct :

  • période antérieure à la constatation de l’achèvement et mise à disposition des lieux ;
  • période consécutive à cette dernière avec les conditions générales et particulières y afférentes.

3 – Quelles sont les différentes qualités que le bailleur peut endosser en Befa ?
Le Befa peut recouvrir différentes situations au regard de la qualité du bailleur :

  • le bailleur est maître d’ouvrage avec un éventuel recours à un contrat de promotion immobilière ;
  • le bailleur, signataire initial du Befa, est aussi vendeur en Vefa des locaux à construire. Mais l’acquéreur deviendra le bailleur définitif. En pareil cas, le preneur négocie avec le maître d’ouvrage, mais très rapidement (dès la phase de construction) le bail aura vocation à être exécuté par l’acquéreur. Ce dernier ne disposera alors ni des mêmes prérogatives, ni des mêmes droits, qu’un bailleur maître d’ouvrage. La rédaction du bail devra en tenir compte ;
  • Enfin, le bailleur signataire a déjà acquis les locaux en Vefa, la rédaction du Befa s’en trouve alors simplifiée d’autant.

Dans tous les cas, le bailleur s’engage à l’égard du preneur de telle sorte que tout ce qui est prévu au Befa soit exécuté, sans qu’il ne puisse invoquer une quelconque discordance avec les engagements « amonts » souscrits à son égard. Il convient dans ces conditions d’adopter un principe de « transparence » dans la conclusion des différents contrats.

4 – L’objet du Befa : que constitue son achèvement ?
Nombreux sont les Befa conclus avant même l’obtention du permis de construire : la description précise de l’immeuble impose alors un important travail documentaire. Corrélativement, le preneur doit pouvoir s’assurer à temps que l’ensemble des pièces administratives et descriptives contractuelles s’inscrira dans les prévisions de la documentation du Befa et que ces pièces ne font pas apparaître de différences anormales par rapport aux prévisions du bail.

Aucun dispositif n’impose une méthode de calcul des surfaces. Cependant, le Befa doit définir avec précision les surfaces, leur mode de calcul (initial sur plans, puis final à l’achèvement), l’inévitable tolérance (du même ordre que celle admise dans les Vefa) ainsi que la modification corrélative du montant du loyer qui s’y attache.

Idéalement, la définition de l’immeuble tel que délivré par le bailleur doit reprendre à l’identique celle de l’immeuble considéré comme livrable dans la Vefa. Il s’agit, le plus souvent, de celle de l’article R261-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) au titre de la Vefa du « secteur protégé ». L’immeuble sera considéré comme pouvant être mis à disposition (le preneur devant alors en prendre possession), lorsque seront exécutés les ouvrages et installés les éléments d’équipement qui seront indispensables à l’utilisation, conformément à la destination de l’immeuble. L’immeuble ne sera donc pas achevé au sens contractuel du terme. La jouissance du preneur devra débuter même s’il existe des défauts de conformité (pourvu qu’ils ne présentent pas un caractère substantiel) ou des malfaçons (dès lors qu’elles ne rendent pas les ouvrages ou les éléments précités impropres à leur utilisation). L’emprunt à l’article R261-1 du CCH se poursuit souvent en précisant que la constatation de cet « achèvement » n’emportera pas par elle-même reconnaissance de la conformité aux prévisions du contrat.

5 – Comment prévoir la progression et l’évolution du projet en Befa ?
Étant considérés la date de signature, la nécessité d’informer le preneur sur l’avancement de la construction et l’impératif d’apporter des modifications à l’initiative de preneur, le Befa doit prévoir la survenance de causes d’évolutions indépendantes de la volonté des parties.

Le Befa peut aussi envisager sous certaines conditions (nature, époque, incidences ou chiffrage) des modifications à l’initiative du preneur, assorties d’une détermination anticipée des conséquences sur le montant du loyer.

Une annexe déterminera opportunément les « confirmations de projet » à savoir tout ce qui doit faire l’objet de choix d’ores-et-déjà prévus dans leur principe : choix de revêtements, de peintures, de quincaillerie, etc. Ce document technique recensera toutes les prestations déjà prévues dans leur principe et quantités prévisionnelles sur lesquelles le preneur sera invité à opérer ses choix définitifs (les qualités et performances étant déjà prévues dans le contrat). Peut aussi être envisagée l’hypothèse où, à l’occasion de ses choix, le preneur accompagne ceux-ci, en définitive, d’une demande de modification de qualité ou de performance.

Dans le Befa, le principe et les modalités de l’intervention des entreprises auxquelles seront confiés les travaux demandés par le preneur, alors que l’opération de construction immobilière ne sera pas encore terminée donnent lieu en pratique à des négociations difficiles. Une solution permet d’optimiser la date d’installation du preneur à condition d’être acceptée par le maître d’ouvrage de l’immeuble et par le bailleur : elle consiste à confier ces travaux aux entreprises intervenant déjà sur site pour le compte du maître de l’ouvrage.

Souvent des aménagements et agencements initiaux sont effectués, ou supportés, par le preneur. Ce faisant ces travaux participent de l’obligation de délivrance, dont la charge se trouve alors transférée au preneur. Par définition, ils ne modifient pas les lieux loués, mais les complètent et les achèvent.

Au regard des débats que sont susceptibles de soulever ces questions en référence aux articles R145-5 et R145-8 du code de commerce, il est conseillé de veiller à ce que le Befa aborde explicitement quel sera le sort de ces travaux et leur incidence sur le loyer (motivant ou non un déplafonnement sur ce fondement). Les parties sont en effet libres d’organiser dans le bail, les conditions financières du renouvellement, puisque ni la règle du plafonnement, ni les critères de définition de la valeur locative ne sont d’ordre public.

6 – Quelles conditions suspensives inscrire dans le Befa ?
Le Befa peut être signé à des stades très variables d’avancement du projet. Plus la signature interviendra en amont de l’opération, plus le bail sera assorti de conditions suspensives. Mais une fois ces conditions levées le bail deviendra définitif et efficace.

Les conditions les plus fréquentes sont afférentes à l’obtention du permis de construire, à la purge du retrait et du recours des tiers, à l’obtention des autorisations des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), etc. Toutes autres conditions suspensives peuvent également être envisagées. Il convient cependant de prévoir des délais adaptés, des justifications des diligences et démarches nécessaires à leur réalisation (tel que l’audit dossier PC/PCM avant dépôt et la justification documentée de leur réalisation) ainsi que les conséquences du défaut de réalisation de ces conditions dans les délais prévus.

Ces conditions suspensives, le plus souvent stipulées au profit du seul preneur, sont autant de portes de sortie offertes à ce dernier. Elles peuvent concerner :

  • des faits juridiques (avant-contrat non conclu par le bailleur dans un certain délai, puis absence de signature du contrat dans le délai prévu dans l’avant-contrat) ;
  • des faits matériels (absence d’achèvement de fondations dans un certain délai par exemple).

Les conditions suspensives peuvent aussi comprendre, dans autant de délais distincts, le dépôt d’un dossier complet de demande de permis de construire, conforme aux exigences légales et réglementaires ainsi qu’aux dispositions locales d’urbanisme, l’obtention d’un permis de construire et l’acquisition du caractère définitif de ce dernier.

7 – Comment s’opèrent la constatation de l’achèvement et la vérification de la conformité des travaux ?
Les parties déterminent librement les modalités de la constatation de l’achèvement des locaux emportant prise d’effet du bail. Les clauses doivent non seulement clairement définir la notion d’achèvement des lieux loués, mais surtout organiser la vérification de la conformité des travaux (contractuelle et administrative) :

  • ses modalités (notamment préavis minimal) ;
  • sa chronologie ;
  • son articulation avec la réception (par le maître d’ouvrage) ;
  • son articulation avec la livraison (à l’acquéreur en Vefa, valant état des lieux).

Ces modalités doivent s’inscrire dans un cadre temporel réaliste, eu égard notamment à la surface des lieux loués, à l’ensemble des investigations à mener, à l’articulation de ces trois opérations consécutives : réception (contrat d’entreprise), livraison (Vefa) et mise à disposition (Befa) ainsi que l’articulation avec les éventuelles réserves formulées dans les trois cadres contractuels respectifs.

Ces trois opérations, totalement distinctes, n’ont pas le même fondement juridique et ne concernent pas les mêmes intervenants. Elles doivent pourtant être réalisées quasiment concomitamment, et il est préférable que les éléments réservés soient identiques, étant supposé que les descriptifs contractuels sont concordants. L’absence de possibilité pour le preneur d’intervenir dans le cadre du procès-verbal de réception explique la prévision d’un pré-état des lieux en parallèle des opérations préalables à la réception (OPR) ou à la livraison (OPL).

8 – Le loyer du Befa présente-t-il des particularités ?
Comme dans tout bail commercial statutaire, les parties déterminent librement le montant du loyer initial. À de nombreux égards, les problématiques du Befa ne se distinguent pas, au titre de la période de jouissance, de celles d’un bail d’immeuble existant.

Pour la période commençant à courir à compter de la mise à disposition, le bail portant sur une construction future, le plus souvent les parties conviennent d’adopter un loyer déterminable en fonction de la surface de plancher.

Lors de la conclusion du bail, le loyer est davantage fixé en fonction d’un ratio purement financier (tel que la rentabilité des capitaux investis dans la construction ou l’acquisition de l’immeuble), plutôt qu’en fonction de la valeur locative.

L’insertion d’une clause d’actualisation est assez fréquente, puisqu’une durée importante sépare la conclusion du Befa de sa prise d’effet.

L’actualisation est un mode de détermination du loyer qui permet au bailleur de se protéger des risques de l’inflation en procédant à une revalorisation le jour de la prise d’effet du loyer. Elle ne doit donc pas être confondue avec l’indexation, qui est « une modalité imprimée à l’obligation de somme d’argent par une convention (clause d’indexation), une décision de justice ou par la loi qui tend à faire varier le montant de l’obligation en fonction d’un élément objectif de référence nommé indice » (Vocabulaire juridique de l’Association Henri Capitant). Ainsi, est une actualisation, non une indexation, le mécanisme par lequel le montant initial du loyer est fixé en tenant compte des indices de référence entre la date de la convention et celle de l’entrée dans les lieux (cour d’appel de Paris, 27 janvier 1979, JurisData n° 1979-165009 ; Cour de cassation, 3e ch. civ., 23 février 1983, n° 81-13547).

Cette différence de nature a pour corollaire une distinction de régime applicable puisque les dispositions qui encadrent l’indexation dans les contrats à exécution successive (article L112-1 du code monétaire et financier) sont d’interprétation stricte et visent exclusivement les clauses d’indexation.

Le Befa stipule donc le plus souvent :

  • une clause d’actualisation du loyer sur la base de la variation d’un indice (qui peut être le BTO1) entre la date de conclusion du bail et sa date de prise d’effet ;
  • une clause d’indexation du loyer ainsi actualisé, par référence à l’évolution de l’indice Insee du coût de la construction à compter de la date de prise d’effet du bail.

Or l’article L145-39 du code de commerce dispose que si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. Pour l’application de cet article au Befa, faut-il apprécier l’augmentation du loyer de plus du quart par les jeux successifs de la clause d’actualisation puis de la clause d’indexation ? La cour d’appel de Paris répond par la négative (1er février 2012, n° 10/00319). Les juges estiment, logiquement, que seule constitue une clause d’échelle mobile la clause d’indexation applicable au loyer entré en vigueur. La clause d’actualisation ne constitue pour sa part qu’un mode de détermination du prix initial intervenant en amont de l’exécution du bail (caractérisée par la jouissance des lieux et le paiement effectif d’un loyer).

9 – La prise d’effet du bail : quelles en sont les modalités ?
La levée des conditions suspensives et l’achèvement des locaux n’entraînent pas la signature impérative d’un nouvel acte d’« avenant ». Aucun motif juridique objectif ne justifie l’exigence d’une telle signature. Que pourrait motiver cette obligation, alors qu’aucun nouvel acte n’est signé entre le bailleur-acquéreur en Vefa et son vendeur.

Le nécessaire constat de l’achèvement vaut mise à disposition des lieux et corrélativement prise d’effet de la période de jouissance du preneur.

Dans le rapport de force opposant le bailleur au preneur, ce dernier doit faire preuve de persévérance pour que le bailleur accepte de tirer les conséquences de ce que pourrait être sa potentielle défaillance (ou celle de son vendeur) : délivrance hors délai ou immeuble substantiellement non-conforme. En réalité cela peut, le plus souvent s’expliquer, par le fait qu’usant de la liberté contractuelle qu’offre le Befa régi par le droit commun des contrats, ce montage aura ouvert au preneur, au cours de la période de construction, une (ou plusieurs) faculté(s) de sortie. Tel est le cas dans les hypothèses d’un démarrage de l’opération (dépôt du permis de construire, obtention du permis purgé, démarrage des travaux, etc.) plus tardif que prévu, un retard dans les travaux (autre que celui justifié par un cas de force majeure ou des causes légitimes de prorogation contractuellement définies) ou une modification substantielle des ouvrages.

En pratique, alors que l’acquéreur en Vefa auquel il est proposé de prendre livraison d’un immeuble « achevé » peut consigner le solde (ou une fraction de celui-ci) exigible à la livraison, la possibilité pour le preneur en Befa de consigner une partie des premiers loyers exigibles implique de plus âpres discussions. Un compromis peut consister dans la consignation, totale ou partielle, du dépôt de garantie.

10 – L’année de parfait achèvement : une période sensible ?
Le bail énonce, le plus souvent, que pour permettre au bailleur d’exercer ses garanties, le preneur devra lui signaler tous désordres susceptibles d’être réparés dans le cadre des garanties des constructeurs. Le Befa impose en particulier au preneur de signaler immédiatement tous désordres relevant de la garantie de parfait achèvement. Néanmoins, cette dernière est rarement due au bailleur par l’(ou les) entreprise(s) ayant réalisé les locaux, elle est due au maître d’ouvrage vendeur.

Fréquemment, d’un commun accord entre le promoteur-vendeur, le preneur et l’entreprise générale qui a réalisé les travaux (liée au maître d’ouvrage-vendeur), cette dernière met en œuvre un dispositif de « plateforme » que chacun des protagonistes, et notamment le preneur, est invité à alimenter pendant l’année durant laquelle l’entreprise est débitrice de la garantie de parfait achèvement. Le preneur dénonce ainsi immédiatement les désordres dont il a connaissance.

Ce dispositif, s’il est séduisant d’un point de vue « fonctionnel », ne traduit cependant pas la réalité des rapports juridiques et des devoirs qui s’imposent à chacun pour faire valoir ses droits. Il est en effet essentiel que le Befa précise que le bailleur accepte que la dénonciation à son égard soit présumée faite dès lors que le preneur aura « renseigné » ladite plateforme.

Inversement, il est essentiel que le bailleur s’engage, par « transparence » à dénoncer à son vendeur tout ce que lui signale son preneur. Cependant, dès lors que le preneur aura alimenté la « plate-forme » le preneur doit-il dispenser son bailleur de faire diligence auprès du promoteur-vendeur ? En l’absence de lien de droit entre le preneur et le vendeur, et encore moins entre le preneur et l’entreprise générale (débitrice de garantie d’achèvement exclusivement vis-à-vis du vendeur), seuls des dispositifs contractuels explicites contenus dans le Befa et dans la Vefa, cohérents entre eux, peuvent aboutir à un dispositif efficace protecteur de chacun. Si la réception prononcée à l’égard de l’entreprise par le maître d’ouvrage-vendeur purge les vices et défauts alors apparents, tel n’est pas le cas de la prise de livraison par le bailleur acquéreur en Vefa. Cette différence d’effet entre la réception et la livraison peut conduire le vendeur à devoir s’acquitter d’obligations dont aucun intervenant ne sera plus redevable à son égard (par exemple, une réserve émise au titre d’un vice apparent, qu’il n’a pour sa part pas formulée en sa qualité de maître d’ouvrage). Le preneur du Befa ne peut ignorer une réalité technique et juridique incontournable : s’il survient un dommage de nature décennale, le bailleur n’aura pas les pouvoirs ni les moyens de le corriger tant que l’assureur dommages ouvrage n’aura pas confirmé la prise en charge à ce titre et prescrit les mesures préventives, puis correctives. Dans l’hypothèse où les vices ou les défauts sont en définitive corrigés à l’initiative du vendeur (qui conserve à cet effet des pouvoirs de maître d’ouvrage), il en résulte nécessairement une perturbation de jouissance pour le preneur.

Le preneur devra donc veiller scrupuleusement à ce que son bailleur s’engage à prendre toutes les dispositions nécessaires pour que son vendeur (seul redevable de la charge que constituent ces corrections) répare les vices apparents et défauts de conformité. À cet égard, le preneur sera attentif à l’insertion d’une clause imposant à son bailleur d’introduire l’action prévue à l’article 1648 alinéa 2 du code civil, cette action devant être exercée avant que n’expire le délai d’un an suivant la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents (un mois après la prise de possession par l’acquéreur). Il peut être opportun de rappeler qu’en cas de carence du bailleur dans l’exercice de cette action, celui-ci devra alors s’acquitter vis-à-vis du preneur d’obligations dont son propre vendeur ne sera plus redevable à son égard.

Anticiper et gérer la défaillance du preneur
La défaillance du preneur est une source d’attention particulière dans le dispositif du bail commercial en l’état futur d’achèvement. Le plus souvent, le contrat prévoit que le preneur sera convoqué pour l’état des lieux (remise des clefs) et qu’au cas où il ne viendrait pas sur première convocation, il sera de nouveau convoqué par une voie plus solennelle (exploit d’huissier). Dès lors que l’immeuble aura été déclaré achevé par l’expert (ou l’homme de l’art), le plus souvent désigné dans le contrat, le bail sera considéré comme ayant pris effet. En cas de carence du preneur dans son obligation de prendre possession et de défaut de paiement du premier loyer corrélativement exigible, le comportement fautif du preneur pourra impliquer le jeu d’une clause pénale. S’ouvre alors aussi pour le bailleur la possibilité d’actionner la clause résolutoire pour non-paiement des loyers, mais les dispositions de l’article L145-41 du code de commerce devront alors être respectées. Le bail peut aussi être de ce seul fait résilié de plein droit aux torts du preneur, avec la même réserve. Les sanctions prévues en cas de défaut de prise de possession des locaux à leur achèvement sont variables : pénalité n’excédant pas le plus souvent neuf mois de loyer, clause pénale équivalant à deux ans de loyer assortie d’une garantie à première demande de même montant ou indemnité de retard identique à celle prévue en cas de défaut en cours de bail.

 

A propos de l’auteur

Jean-Luc Tixier, avocat associé. Il intervient notamment (conseil et contentieux) dans les de nombreux domaines : droit des contrats administratifs, droit de l’urbanisme et de l’expropriation, droit des avant-contrats immobiliers, ventes immobilières, VEFA…, droit des baux emphytéotiques et à construction et des baux commerciaux, droit des contrats administratifs (notamment les marchés publics, les délégations de services publics, les conventions d’occupation du domaine public), droit public économique, droit de l’urbanisme et de l’expropriation, droit de l’environnement, droit des titres constitutifs de droits de superficie, le contentieux des baux commerciaux (contentieux judiciaire, administratif), partenariats public-privé et statut des programmes de PPP au regard du droit de l’urbanisme, statut du foncier mis à disposition dans le cadre des contrats de partenariat.

 

Article paru dans la revue Opérations immobilières d’Avril 2013

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