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Le projet de Loi dite Sapin II, une réforme des relations commerciales entre professionnels ?

Le projet de Loi dite Sapin II, une réforme des relations commerciales entre professionnels ?

Le 14 juin dernier, le projet de Loi Sapin II a été adopté, en première lecture, par l’assemblée nationale.

Alors qu’initialement, le projet de loi ne devait concerner que marginalement les pratiques entre professionnels, le projet actuel comporte de nombreuses dispositions relatives au Titre IV «De la Transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d’autres pratiques prohibées» du Livre IV du Code de commerce.

Ces dispositions sont de nature à impacter substantiellement les négociations commerciales et les pratiques réglementées entre professionnels.

Ainsi :

La Convention écrite récapitulant le résultat de la négociation commerciale de l’article L. 441-7 du Code de commerce :

  • pourrait être pluriannuelle : d’une durée annuelle, biennale ou triennale, elle devrait indiquer, lorsqu’elle serait conclue pour une durée supérieure à une année, les modalités selon lesquelles le prix convenu serait révisé ;
  • devrait être conclue avant le 1er février et non plus le 1er mars ;
  • devrait mentionner le nom du négociateur.

La sanction du non-respect des dispositions relatives aux délais de paiement par les personnes morales serait considérablement renforcée :

  • Le montant de l’amende serait porté de 375.000 euros à 2 millions d’euros (tant s’agissant du non-respect des délais de paiement «de droit commun», de leur mode de computation, du taux des pénalités de retard… que s’agissant du non-respect des délais de paiement réglementés par l’article L. 443-1 du Code de commerce) ;
  • La décision de sanction qui serait prise par l’administration serait, en outre, «toujours publiée»;

La pratique consistant à obtenir d’un partenaire un avantage ne correspondant à aucun service ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service serait étendue:

  • Au financement d’une opération de promotion (ce qui pourrait inclure les Nouveaux Instruments Promotionnels) ;
  • A la rémunération de services rendus par une centrale d’achat internationale.

– Une nouvelle pratique restrictive de concurrence serait créée. Serait ainsi sanctionnée la soumission ou la tentative de soumission d’un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure ;

– La loi encadrerait expressément les délais de paiement applicables pour les achats effectués en franchise de TVA, en application de l’article 275 du CGI, destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’UE : les délais qui devraient être stipulés expressément par contrat, seraient plafonnés à 90 jours à compter de la date d’émission de la facture. Cette disposition ne serait néanmoins pas applicable aux «achats effectués par les grandes entreprises»

– Une injonction sous astreinte, d’un montant pouvant atteindre 2% du CA journalier moyen HT réalisé en France au titre de l’activité concernée, pourrait être prononcée afin de contraindre les sociétés commerciales transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires de déposer leurs comptes sociaux.

Des dispositions spécifiques concerneraient plus particulièrement certains produits agricoles :

Le montant des avantages consentis au titre des NIP ne pourrait dépasser 30% de la valeur du barème des prix unitaires, frais de gestion compris pour les produits agricoles mentionnés à l’article L. 441-2-1 du Code de commerce (principalement, les fruits et légumes destinés à être vendus à l’état frais, les viandes fraîches et congelées de volaille et de lapin, le miel et les œufs), le lait et les produits laitiers.

Une transparence accrue serait imposée dans les CGV de l’industriel de produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles non transformés (principalement les fruits et légumes frais, le lait de vache, les produits de la pêche maritime et de l’aquaculture) : l’industriel devrait indiquer le prix prévisionnel moyen proposé au producteur de ces produits agricoles pendant la durée d’application des contrats conclus avec ce dernier ;

– Un article L. 441-10 visant également à renforcer la transparence dans les contrats serait créé dans le Code de commerce : ce nouvel article imposerait, dans les contrats portant sur la conception et la production de produits alimentaires selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur (contrats MDD principalement), d’une durée inférieure à un an, que soient mentionnés, le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des produits agricoles non transformés (principalement les fruits et légumes frais, le lait de vache, les produits de la pêche maritime et de l’aquaculture) entrant dans le composition de ces produits alimentaires ;

– Les dispositions de l’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime (qui concernent principalement les contrats conclus avec les producteurs de produits agricoles) seraient enrichies :

  • Les critères et modalités de détermination du prix devraient faire référence à un ou plusieurs indices publics de coûts de production en agriculture qui reflètent la diversité des bassins et des modes de production au regard de la triple performance économique, sociale et environnementale des exploitations ainsi qu’à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires.
  • Le contrat devrait également faire référence à un ou plusieurs indices publics du prix de vente des principaux produits fabriqués par l’acheteur.
  • Des obligations nouvelles seraient applicables lorsque la conclusion ou la proposition de contrat aurait été rendue obligatoire par décret et qu’une organisation de producteurs ou une association d’organisation de producteurs serait habilitée à négocier les contrats au nom et pour le compte de ses membres en vertu d’un mandat donné à cet effet.

– Un article L. 631-24-1 serait créé imposant une interdiction de principe, pendant une période de 7 ans, de céder à titre onéreux les obligations nées des contrats entre producteurs et acheteurs qui portent sur l’achat de lait de vache.

 

Auteur

Olivier Leroy, avocat associé en droit de la concurrence et droit de la distribution, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon