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Forfaits en jours : les apports de la loi Travail

Forfaits en jours : les apports de la loi Travail

La « loi Travail » 1 codifie la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l’obligation de prévoir des mesures de contrôle du temps et de la charge de travail dans les accords collectifs dédiés aux forfaits en jours, et instaure des règles supplétives pour les accords incomplets.

Elle renforce en outre l’exigence de respect des temps de repos en créant un « droit à la déconnexion » en faveur de l’ensemble des salariés.

La jurisprudence relative au contrôle de la charge de travail est codifiée

Le mécanisme des forfaits en jours consiste à appliquer une durée du travail exprimée en jours sur l’année, sans décompte horaire. Ces forfaits – réservés aux salariés qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps – doivent être encadrés par un accord collectif d’entreprise, ou à défaut de branche, et faire l’objet d’une convention conclue avec le salarié.

La Cour de cassation estime que les forfaits en jours peuvent conduire à une durée et une charge de travail excessives, faute de durée maximale de travail.

Aussi, elle vérifie que les accords collectifs conclus sur ce thème contiennent des mesures propres à garantir la santé et la sécurité des salariés, par le biais d’un contrôle de la charge et de la durée de travail ainsi que des temps de repos.

La loi Travail reprend ces exigences. Avant tout, elle complète la liste des mentions obligatoires des accords collectifs dédiés aux forfaits-jours : ceux-ci doivent préciser les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention de forfait, la durée annuelle de travail – plafonnée à 218 jours – et sa période de décompte, les caractéristiques principales des conventions individuelles ainsi que les conditions de prise en compte, pour la rémunération, des absences, arrivées et départs en cours d’année.

Mais surtout, ces accords collectifs doivent désormais définir les modalités selon lesquelles 2 :

– l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail ;

– l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération et l’organisation du travail dans l’entreprise ;

– le salarié peut exercer un droit à la déconnexion.

Comme la jurisprudence auparavant, ces dispositions imposent à l’employeur de s’assurer que les salariés soumis à un forfait en jours bénéficient des temps de repos légaux et que la charge et l’amplitude de travail restent raisonnables, par le biais de mesures prévues par accord collectif.

Le plus souvent, ces mesures prendront la forme d’un décompte des jours travaillés et non travaillés, d’un suivi des temps de repos, d’entretiens réguliers et d’un dispositif par lequel le salarié peut s’exprimer sur sa charge de travail, l’employeur devant remédier à une situation de surcharge constatée.

La loi instaure des mesures supplétives

Cependant, afin d’éviter la nullité de conventions de forfait en jours encourue lorsque l’accord collectif qui les régit est incomplet, la loi Travail instaure des règles supplétives.

Ainsi, une convention de forfait sera valable même si elle est fondée sur un accord collectif ne prévoyant pas de suivi de la charge de travail, sous réserve 3 :

– qu’un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées soit établi, sous la responsabilité de l’employeur ;

– que l’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

– qu’un entretien annuel dédié à la charge et à l’organisation du travail soit organisé.

Ces mesures supplétives reprennent en substance celles exigées par la jurisprudence.

Toutefois, si leur instauration apporte une sécurité bienvenue, elles restent peu précises, ce qui devrait inciter les entreprises à négocier par accord collectif des modalités personnalisées.

Et crée un droit à la déconnexion

Par ailleurs, la loi Travail crée un « droit à la déconnexion », c’est-à-dire un droit à un usage des outils numériques raisonnable et limité au strict temps de travail.

A compter du 1er janvier 2017, la négociation annuelle obligatoire sur les thèmes de l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail devra également porter sur le droit à la déconnexion et la mise en place de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, aux fins d’assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que de la vie personnelle et familiale4.

A défaut de conclusion d’un accord collectif, l’employeur devra mettre en place des mesures par le biais d’une charte intégrant des actions de formation et de sensibilisation des salariés.

Si tous les salariés sont éligibles à ces mesures, ceux soumis à un forfait en jours seront les premiers concernés, ce qui explique l’obligation d’aborder aussi le droit à la déconnexion dans les accords collectifs dédiés aux forfaits sans attendre 2017 (ou, de façon supplétive, d’informer les salariés des modalités d’exercice de ce droit).

L’équilibre entre l’autonomie propre aux forfaits en jours et la nécessité d’assurer aux salariés une charge de travail raisonnable est délicat à trouver. En calquant la jurisprudence existante, la loi Travail n’apporte que peu de solutions. Elle laisse toutefois une large place à la négociation collective – les accords d’entreprise pouvant d’ailleurs déroger aux dispositions de la branche – afin d’aboutir à des mesures personnalisées.

 

Notes
  1. Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (loi « El Khomri »)
  2. Article L.3121-64 du Code du travail
  3. Article L.3121-65 du Code du travail, et article 12 de la loi pour les accords collectifs antérieurs à son entrée en vigueur
  4. Article L.2242-8 du Code du travail en vigueur le 1er janvier 2017

 

Auteurs

Xavier Cambier, avocat en droit social

 

Forfaits en jours : les apports de la loi Travail – Article paru dans Les Echos Business le 16 août 2016