Vente d’immeubles bâtis et TVA : la vigilance s’impose
La TVA appréhende les mutations d’immeubles bâtis dans le cadre des règles issues de la loi du 9 mars 2010 qui, dans ce domaine, a mis notre législation en conformité avec le droit communautaire.
Le régime de la vente doit être défini par référence aux critères de droit commun différents de ceux relatifs aux droits de mutation, dont la mise en oeuvre peut soulever des difficultés d’appréciation. Or, une exonération appliquée à tort expose le vendeur à un risque de rappel et une imposition erronée peut être sanctionnée par un rejet du droit à déduction exercé par l’acquéreur. La TVA illégalement facturée est due du seul fait de sa facturation (art. 283-3 du Code général des impôts – CGI) et n’est pas pour autant déductible (art. 271 II 1 a du CGI).
Au-delà de l’exacte application des règles d’imposition, une complexité complémentaire apparaît dans le traitement des ventes d’immeubles affectés à une activité locative poursuivie par l’acquéreur.
Les dispositions légales
Les ventes d’immeubles bâtis ne sont imposables que si elles sont effectuées par un assujetti, en d’autres termes par une personne physique ou morale agissant dans le cadre d’une activité économique lui procurant des recettes ayant un caractère de permanence. La qualification de l’activité exercée par le vendeur implique une attention spécifique lorsqu’il s’agit d’un particulier, d’un organisme de droit public ou d’une personne morale qui aurait détenu l’immeuble dans le cadre d’une vocation patrimoniale. Les commentaires formulés sur ce point par l’administration fiscale pourront être utilement consultés1. Si le cédant agit en qualité d’assujetti, la vente sera :
- imposable de plein droit si l’immeuble est «neuf», c’est-à-dire achevé depuis moins de cinq ans (construction neuve ou rénovation lourde) ;
- exonérée s’il est ancien. Mais le vendeur peut opter pour l’imposition. La taxe est alors assise sur le prix total si l’achat du bien a été grevé de TVA et aucune régularisation n’est due si des droits à déduction ont été initialement exercés (art. 207 annexe II au CGI). Si l’acquisition n’a pas été soumise à la TVA, celle exigible au titre de la cession est due sur la marge (art. 268 du CGI). L’imposition par option formulée dans l’acte reste sans incidence sur la base des droits d’enregistrement. L’option peut être privilégiée par le vendeur pour préserver ses droits à déduction.
L’intérêt et les conséquences de l’option relèvent de la négociation des parties. Les clauses fiscales de l’acte refléteront les dispositions applicables et les choix exercés dans ce cadre.
La vente d’un immeuble affecté à une activité locative poursuivie par le cessionnaire
Une attention particulière est requise. La situation traduit, selon l’administration fiscale, un transfert d’universalité de biens2. La mutation est alors réputée «inexistante» (art. 257 bis du CGI). La TVA ne doit pas être liquidée de plein droit ou par option qui ne peut être exercée, aucune régularisation de droits à déduction ne doit être opérée, le cessionnaire venant aux droits et obligations du cédant.
L’attention doit être attirée sur deux difficultés rencontrées :
- celle de la vacance locative préalable à la vente qui est admise dans l’approche de l’Administration. Mais la frontière entre une situation temporaire et une cessation d’activité n’est pas toujours évidente à tracer ;
- celle de la revente du bien par le cessionnaire qui exclut, selon l’Administration, le bénéfice du régime. Le Conseil d’Etat retient une analyse inverse si le sous-acquéreur poursuit l’activité3.
La question de savoir si la cession initiale peut en bénéficier n’est pas tranchée. Le vendeur s’en tiendra par prudence au droit commun.
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Notes
1 BOI-TVA-IMMO-10-10-10-10.
2 BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10.
3 Conseil d’Etat 23 novembre 2015, n°375054.
Auteur
Patrick Danis, avocat associé en TVA