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Approvisionnement exclusif et position dominante : une combinaison à risques

Approvisionnement exclusif et position dominante : une combinaison à risques

Exclusivité et position dominante ne font pas bon ménage, c’est ce que l’Autorité de la concurrence (ADLC) a très clairement rappelé au leader français de fourniture de zinc. Ainsi, dans une décision 16-D-14 du 23 juin 2016, l’entreprise Umicore a été sanctionnée à hauteur de 69,2 millions d’euros pour avoir abusé de sa position dominante en imposant un approvisionnement exclusif à ses distributeurs.

Pour rappel, les clauses d’approvisionnement exclusif (ou le monomarquisme) sont répréhensibles :

  • d’une part, sur le fondement des articles 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L.420-1 du Code de commerce prohibant les ententes anticoncurrentielles ;
  • et, d’autre part, sur celui des articles 102 du TFUE et L.420-2 du Code de commerce prohibant les abus de position dominante.

En présence d’une entreprise en très nette position dominante, Umicore détenant 70% du marché, c’est sur ce dernier fondement que l’ADLC a tout d’abord examiné les accords d’exclusivité litigieux.

A la fin des années 1990, dans un contexte instable qui voit naître la nouvelle concurrence des façonniers et une flambée des cours du zinc, le groupe Umicore a adopté une stratégie de fidélisation de ses distributeurs auxquels étaient accordé le statut de centres « VM Zinc ». Ainsi, de 1999 à 2003, via une clause de promotion, les distributeurs s’engageaient à « assurer la promotion des produits de la marque Umicore à l’exclusion des produits et marques concurrentes ». Le terme « promotion », qui n’était pas défini dans le contrat, était interprété par les cocontractants comme une interdiction de vendre des produits de marque concurrente.

A partir de 2004, cette clause de promotion a été rédigée de façon plus ambiguë puisqu’elle imposait aux distributeurs une interdiction de vendre des produits de marque concurrente en utilisant « la marque VM Zinc, ses produits, ses services et ses supports ». Du côté d’Umicore, elle était néanmoins toujours interprétée comme une clause d’approvisionnement exclusif puisqu’elle servait de fondement aux rappels à l’ordre qui étaient effectués à l’encontre de distributeurs qui s’étaient approvisionnés auprès d’autres fournisseurs. Les effets de cette clause de promotion étaient renforcés par une clause de stock et une clause de prévision unilatérale d’achat qui, détournées de leur objectif affiché, permettaient d’assurer une surveillance des achats des distributeurs. Ainsi, la clause de stock était le prétexte à des visites inopinées de responsables Umicore qui recherchaient la présence de produits concurrents chez les distributeurs, tandis que la clause de prévision unilatérale d’achat était utilisée comme un indicateur de la vente éventuelle de produits concurrents. Les représailles en cas de non-respect de cette exclusivité allaient du retrait des bonifications au retrait du statut de centre « VM Zinc ».

En outre, les deux plus grands distributeurs de produits en zinc, Point P Saint Gobain (via son enseigne asturienne) et Larivière SAS faisaient l’objet d’incitations supplémentaires sous forme de bonifications accordées en contrepartie du déréférencement de Rheinzink, le concurrent allemand d’Umicore.

L’ADLC a estimé que ces pratiques caractérisaient un abus de position dominante de la part d’Umicore.

Deux autres griefs étaient encore reprochés à l’entreprise Umicore. Le premier, fondé sur l’appréciation de ces accords d’exclusivité sous l’angle de l’interdiction des ententes, qui a été écarté par l’ADLC laquelle, tout en ayant rappelé que les griefs d’entente et d’abus de position dominante peuvent être retenus cumulativement, n’a pas jugé nécessaire de l’examiner. Le second grief concernait l’interdiction des importations parallèles mais a été lui rejeté faute de preuves suffisantes.

Ayant retenu le grief d’abus de position dominante, l’ADLC a ensuite suivi les étapes classiques menant à l’évaluation de la sanction : après avoir appliqué un taux de gravité de 10%, retenu une durée de neuf ans, refusé le qualificatif d’entreprise « monoproduit » et appliqué une majoration de 10% en raison de l’appartenance à un groupe de taille mondiale, l’ADLC a prononcé une sanction de 69,2 millions d’euros à l’encontre d’Umicore France et de sa société mère établie en Belgique. Cette décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris.

Auteur

Marine Bonnier, avocat en droit de la concurrence et droit de la distribution.