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Modernisation de la définition des marchés de la distribution au détail : prise en compte des ventes en ligne

Modernisation de la définition des marchés de la distribution au détail : prise en compte des ventes en ligne

Au terme d’un examen approfondi (passage en phase II), l’Autorité de la concurrence (ADLC) a autorisé l’acquisition de la société Darty par le groupe Fnac, sous réserve de la cession de six magasins à Paris et en région parisienne destinée à maintenir une concurrence effective sur le marché de la distribution au détail de produits électroniques.

Afin d’apprécier le pouvoir de marché qui résulterait de ce rapprochement, l’ADLC a, pour la première fois, définit le marché pertinent de produits en y incluant à la fois les ventes en magasin et les ventes en ligne. Jusqu’alors, elle considérait en effet que ces deux types de ventes appartenaient chacun à des marchés pertinents distincts (décision n°11-DCC-87 du 10 juin 2010).

Cette approche inédite repose sur le constat d’une substituabilité des deux canaux de distribution, laquelle, sans être parfaite, apparaît suffisante pour considérer que les ventes en ligne exercent une pression concurrentielle telle sur les ventes en magasin que ces deux canaux doivent aujourd’hui être considérés comme faisant partie du même marché.

Pour l’ADLC, cette substituabilité ressort en effet d’une série d’indices précis et concordants :

  • la pénétration des ventes en ligne des produits électroniques (20 à 30% des ventes totales des produits concernés ; direction commerciale unique ; prise en compte des « pure players » dans l’élaboration des stratégies commerciales et tarifaires) ;
  • l’analogie des gammes de produits et services disponibles en ligne et en magasin (produits communs représentant l’essentiel du chiffre d’affaires des parties à l’opération ; concurrents exploitant très majoritairement un site de vente en ligne ; tendance à la digitalisation de leurs magasins par les enseignes traditionnelles de la distribution ; tendance à l’amenuisement des distinctions entre les services offerts sur chaque canal) ;
  • l’uniformisation tarifaire des différents canaux (convergence croissante des conditions tarifaires ; fixation des prix principalement en fonction des tarifs des pure players ; faibles écarts entre les prix pratiqués en ligne et en magasin) ;
  • le développement d’un modèle de distribution omnicanal caractérisé par un achat en ligne et un retrait en magasin (consultation par les consommateurs des deux canaux de distribution avant leur achat ; développement des pratiques de « Research Online, Purchase Offline » ou ROPO consistant à rechercher le produit en ligne et à l’acheter en magasin ou, à l’inverse, de « showrooming » consistant à venir examiner en magasin le produit et son tarif et à l’acheter en ligne);
  • les reports de demande inter-canaux (pure players considérés par les acteurs du marché comme des concurrents crédibles des parties ; risque significatif de report des consommateurs vers les pure players en cas d’augmentation des prix de 5 à 10% par la nouvelle entité).

Pour autant, concernant la dimension géographique du marché pertinent, l’ADLC a estimé ne pas devoir faire l’impasse sur l’analyse concurrentielle au niveau local, traditionnellement appliquée dans le secteur du commerce de détail en magasins.

En effet, alors que la partie notifiante soutenait que la dimension géographique du marché de la vente au détail de produits électroniques était identique à celle de la vente à distance de produits électroniques, à savoir nationale, l’Autorité a considéré que la pression concurrentielle exercée par les sites de vente en ligne sur les points de vente physiques n’impliquait pas d’analyser exclusivement un marché national. Le marché des produits électroniques nécessitent au contraire une analyse locale des positions concurrentielles des différents acteurs, compte tenu notamment de la préférence largement majoritaire des consommateurs pour l’achat en magasins et des stratégies commerciales et tarifaires des distributeurs tenant compte des paramètres locaux de concurrence. L’ADLC a donc souhaité procéder à une analyse tant locale que nationale du pouvoir de marché des parties à la concentration.

Si la reconnaissance pour les produits électroniques d’un marché pertinent intégrant les ventes en ligne aux côtés des ventes en magasins traduit une adaptation nécessaire de la pratique décisionnelle de l’ADLC à l’évolution des canaux de distribution, reste à savoir si cette nouvelle approche sera généralisée à l’ensemble des secteurs ou, ce qui est sans doute plus probable, exclue pour les marchés de produits moins pénétrés par Internet.

Décision 16-DCC-111 du 18 juillet 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac

Auteurs

Virginie Coursière-Pluntz, avocat counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris, en droit de la concurrence et en droit européen tant en conseil qu’en contentieux.

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris