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Offices du tourisme et taxe de séjour : une réforme inachevée

Offices du tourisme et taxe de séjour : une réforme inachevée

Dans la nouvelle répartition des compétences issue de la loi NOTRe (loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République), le tourisme occupe une place singulière n’étant pas affecté à une catégorie particulière de collectivité territoriale, mais voyant toujours son exercice partagé entre les communes, les départements, les régions et les collectivités territoriales à statut particulier (CGCT, art. L.1111-4) et l’Etat aussi (code du tourisme, art. L.111-1).

C’est au niveau du « bloc communal » que la réforme est la plus sensible dès lors que la compétence « tourisme » va être obligatoirement transférée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propres auxquels elles appartiennent. Ce transfert va remettre en cause les conditions de fonctionnement et de financement des offices de tourisme, structures locales polymorphes de la promotion du tourisme et de l’accueil des touristes, à compter du 1er janvier 2017.

La migration des offices de tourisme

Les communautés de communes sont désormais obligatoirement compétentes, au titre du développement économique, en matière de « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme », cette compétence devant être transférée au plus tard le 1er janvier 2017 (cf. art. 68 de la loi NOTRe modifiant l’article L.5214-16 du CGCT). Ainsi, avec la compétence relative à la promotion du tourisme, ce sont les structures publiques ou privées qui en assurent la mise en œuvre qui sont transférées à l’intercommunalité.

Le code du tourisme précise les conditions de ce transfert prévoyant qu’à « l’occasion du transfert de cette compétence aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, les offices de tourisme des communes touristiques et des stations classées de tourisme sont transformés en bureaux d’information de l’office de tourisme intercommunal, sauf lorsqu’ils deviennent le siège de cet office. L’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut cependant décider, au plus tard trois mois avant l’entrée en vigueur du transfert de la compétence, de maintenir des offices de tourisme distincts pour des stations classées de tourisme, en définissant les modalités de mutualisation des moyens et des ressources des offices de tourisme intercommunaux existant sur son territoire » (art. L.134-2).

La loi a pour conséquence la constitution d’un seul office de tourisme à l’échelle du territoire communautaire, les offices de tourisme des Communes membres pouvant survivre à la réforme sous la forme de simples bureaux d’information, évidement sans personnalité morale.

Des exceptions ont toutefois été prévues. D’abord, il est possible de maintenir des offices de tourisme distincts sur le territoire des stations classées de tourisme, moyennant une délibération au plus tard trois mois avant l’entrée en vigueur du transfert de la compétence, au 1er janvier 2017, et à la condition que le conseil communautaire définisse des modalités de mutualisation des moyens.

De même, l’article L.133-1 alinéa 2 du code de tourisme prévoit que « lorsque coexistent sur le territoire d’une même commune ou d’un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre plusieurs marques territoriales protégées distinctes par leur situation, leur appellation ou leur mode de gestion, la commune est autorisée à créer un office de tourisme pour chacun des sites disposant d’une marque territoriale protégée ». Mais cette exception est en réalité d’une portée plus limitée.

En effet, il appartient au seul conseil communautaire de décider si des offices de tourisme distincts seront maintenus sur le territoire des communes stations classées, ou de celles disposant d’une marque territoriale protégée.

Ensuite, et surtout, lorsque l’intercommunalité délibère en ce sens, les offices de tourisme distincts n’en demeurent pas moins rattachés à la communauté de communes et non aux communes sur le territoire desquelles ils se situent. Dès lors, la désignation des représentants au sein du conseil d’exploitation de l’office de tourisme relève du conseil communautaire et non du conseil municipal.

Inéluctablement, les communes seront, à compter de 2017, dessaisies de la gestion de leurs offices de tourisme, y compris lorsque des offices de tourisme distincts sont maintenus sur leur territoire ; ce qui n’a pas manqué de provoquer un émoi dans les communes touristiques les plus importantes et les plus attachées à leur office. A la suite de la protestation de nombre d’élus locaux des communes de montagne, le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, en discussion devant le Parlement, prévoit la possibilité pour les communes stations classées de s’opposer au transfert de la compétence « promotion du tourisme et des offices de tourisme » et de conserver leurs offices de tourisme.

Pourtant, certaines d’entre elles ont de longue date anticipé cette réforme en réorganisant l’exercice de cette compétence au niveau d’un territoire offrant une meilleure visibilité et une plus grande attractivité. Il convient en effet de souligner que cette démarche peut aussi favoriser, par la mutualisation des moyens qui en résultera, la professionnalisation de ces structures qui pourront se consacrer à leur « cœur de métier » : la promotion d’un territoire et l’accueil des touristes, laissant au niveau communal nombre d’autres activités relevant de l’animation locale, notamment. Si cette réforme peut créer des difficultés pour des stations importantes notamment en montagne, elle peut constituer une opportunité pour des territoires moins favorisés.

Que faire des missions ne relevant pas de la compétence obligatoire des EPCI ?

Au sens strict, les intercommunalités ne seront compétentes que pour les missions liées à la promotion du tourisme, ainsi que pour la création, la gestion et l’entretien des zones d’activité touristique.

Or, les offices de tourisme disposent généralement de compétences plus vastes que la seule promotion du tourisme, comme l’illustre l’énumération des missions qui leur sont confiées par l’article L.133-3 du Code de tourisme. Certes, il est prévu que « l’office de tourisme assure l’accueil et l’information des touristes ainsi que la promotion touristique de la commune ou du groupement de communes », et « contribue à coordonner les interventions des divers partenaires du développement touristique local », ce qui relève des missions obligatoirement transférées au niveau intercommunal.

Néanmoins, l’office de tourisme peut également « être chargé, par le conseil municipal, de tout ou partie de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique locale du tourisme et des programmes locaux de développement touristique, notamment dans les domaines de l’élaboration des services touristiques, de l’exploitation d’installations touristiques et de loisirs, des études, de l’animation des loisirs, de l’organisation de fêtes et de manifestations culturelles », ou être habilité à commercialiser des prestations de services touristiques.

A ce titre, nombre d’offices de tourisme municipaux exercent aujourd’hui tout ou partie de ces missions, inscrites ou non dans leurs statuts. Il pourra ainsi s’agir de l’exploitation d’installations touristiques et de loisirs, de l’animation de fêtes, de l’organisation de manifestations culturelles, de la gestion d’équipements touristiques, ou de la commercialisation de prestations touristiques. Ces missions facultatives ne sont pas obligatoirement transférées à l’intercommunalité par la loi NOTRe.

Or, à supposer qu’un office de tourisme distinct soit maintenu sur le territoire d’une commune, cette décision n’implique en tant que telle aucune modification statutaire. Une fois transféré à l’intercommunalité, cet office de tourisme distinct aura toujours dans son objet, paradoxalement, des missions relevant de la compétence communale.

Cette situation pose des problèmes de légalité évidents. Du côté communal, il convient de déterminer comment l’office de tourisme peut mettre en œuvre des missions qui relèvent de la compétence de la commune, le seul moyen étant conventionnel. Du côté intercommunal, le risque évident d’incompétence est compensé par le fait que l’office de tourisme distinct est explicitement habilité par les textes à mettre en œuvre de telles missions.

Sous cette réserve, la communauté de communes serait ainsi en mesure de maîtriser, via l’office de tourisme distinct qui lui est rattaché, des missions qui ne lui sont pas transférées au titre de ses compétences obligatoires. A ce titre, il est probable que les communes souhaitent modifier les statuts de leurs offices de tourisme avant leur transfert à l’intercommunalité pour conserver ces missions facultatives. Inversement, des EPCI pourront faire le choix de transférer au niveau intercommunal de telles missions, afin qu’elles puissent toujours être mises en œuvre par les offices de tourisme.

Au-delà des stricts problèmes de compétences, c’est le financement des offices de tourisme qui déterminera les organisations territoriales.

La perception de la taxe de séjour : une foire d’empoigne ?

Le produit de la taxe de séjour ou de la taxe de séjour forfaitaire étant affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune (CGCT, art. L.2333-27), le législateur a prévu la possibilité pour certaines intercommunalités de l’instituer à l’échelle de leur territoire (CGCT, L.5211-21). Celle-ci peut être instituée par les groupements de communes touristiques et de stations classées de tourisme, mais aussi par tous « les établissements publics de coopération intercommunale qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que ceux qui réalisent, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels ».

Avec la loi NOTRe, qui transfère aux EPCI à fiscalité propre des missions en matière de promotion du tourisme, toutes les communautés de communes sont donc en capacité d’instituer la taxe de séjour à l’échelle de leur territoire, pour autant qu’elles mettent effectivement en œuvre des actions en matière de promotion du tourisme. Or, une fois que la taxe de séjour est instituée au niveau intercommunal, les communes-membres en perdent la maîtrise.

Le législateur a néanmoins prévu qu’une commune ayant déjà institué la taxe de séjour peut s’opposer par délibération à la mise en place de la taxe de séjour intercommunale sur son territoire (En ce sens : RM, JO Sénat, 24 décembre 2015, p. 3582, n°17777). Dans ce cas, la taxe de séjour ne sera instituée par l’intercommunalité qu’à l’échelle des communes qui ne s’y sont pas opposées.

Il est donc loisible à une commune de conserver la taxe de séjour au niveau municipal pour financer les missions demeurées communales, à la condition toutefois que l’office de tourisme intercommunal, ou l’office de tourisme distinct, ne soit pas constitué sous la forme d’un établissement public industriel et commercial (EPIC). En effet, dans l’hypothèse d’un office de tourisme constitué sous la forme d’un EPIC, la taxe de séjour est affectée de plein droit à son fonctionnement, comme le prévoit l’article L.133-7 du Code de tourisme (En ce sens : RM, JO Sénat, 26 mars 2015, p. 2845, n°14376).

Combinée avec le transfert obligatoire des offices de tourisme au niveau intercommunal, cette règle pourrait contraindre une commune à affecter intégralement la taxe de séjour à l’office de tourisme intercommunal constitué sous forme d’un EPIC.

Deux cas de figure peuvent, en conséquence, être distingués.

D’abord, celui des offices de tourisme municipaux qui ont déjà le statut d’EPIC. S’ils sont maintenus en tant qu’offices de tourisme distincts, la commune continuera d’affecter l’intégralité de la taxe de séjour à leurs missions, même si elle a repris les activités facultatives, d’animation, par exemple. Toute tentative de récupération d’une partie de la taxe de séjour par la commune se heurterait à différents principes. Les subventions de l’EPIC vers la commune seront à exclure d’autant qu’il ne lui est plus rattaché. Au-delà, le principe d’équilibre budgétaire s’oppose au reversement d’un excédent trop important de l’EPIC à sa collectivité de rattachement. Enfin, la taxe de séjour ne peut pas être prise en compte dans le calcul des attributions de compensation car elle ne figure pas dans la liste des recettes transférées à l’intercommunalité ; ce, à raison puisque, si elle est conservée par la commune, cette dernière continue d’en fixer le taux (CGI, art. 1609 nonies c).

Dans cette hypothèse, il semble plus pertinent pour la commune, avant le transfert à l’intercommunalité, de changer le statut de son office de tourisme, en choisissant par exemple un statut associatif, pour conserver la maîtrise de l’affectation de la taxe de séjour.

Ensuite, au-delà de cette hypothèse, une intercommunalité pourra toujours tenter de transformer en EPIC son office de tourisme, ou même un office de tourisme distinct, afin de récupérer les taxes de séjour versées sur son territoire. Cette affectation directe de la taxe de séjour permet ainsi aux communautés de communes de faire obstacle à l’éventuelle opposition d’une commune à l’échelle intercommunale. Il pourra néanmoins être opposé à l’intercommunalité, le cas échéant, qu’elle n’est compétente qu’en matière de promotion du tourisme, mission qui en tant que telle ne présente pas un caractère industriel et commercial, justifiant le recours au statut d’EPIC.

Les règles d’affectation de la taxe de séjour ne sont donc pas satisfaisantes, laissant la porte ouverte à des combinaisons au sein du bloc communal sans grand rapport avec le développement touristique en vue de conserver la maîtrise d’une recette qui peut s’avérer essentielle en période de disette budgétaire.

Auteur

Yves Delaire, avocat associé, Droit public, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon

Benjamin Achard, avocat, Droit public, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon