La pratique d’audit de logiciels d’Oracle sanctionnée par la cour d’appel de Paris
Dans le cadre d’un contrat passé entre Oracle et l’Association (devenue Agence) nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), l’éditeur de logiciels a diligenté un audit concernant l’usage des licences par son client. Au terme de celui-ci, il a réclamé à l’AFPA une régularisation au titre de l’usage de 885 licences, qui selon lui étaient hors du périmètre du contrat conclu. L’Association ayant refusé de payer les sommes demandées, Oracle l’a assignée en contrefaçon.
Le tribunal de grande instance de Paris a considéré que le litige ne relevait pas d’une action en contrefaçon, mais d’un contentieux lié au périmètre d’application du contrat conclu, dès lors qu’il « n’est à aucun moment soutenu que l’AFPA aurait utilisé un logiciel cracké ou implanté seule un logiciel non fourni par [l’intégrateur], ni même que le nombre de licences ne correspondrait pas au nombre d’utilisateurs » (TGI Paris, 6 novembre 2014, n°12/04940). Il a débouté Oracle de ses demandes.
La cour d’appel de Paris, saisie du litige, ramène le débat sur le terrain de la contrefaçon… pour aboutir à la même conclusion que le juge de première instance (CA Paris, 10 mai 2016, n°14/25055).
Elle indique tout d’abord que, nonobstant l’absence de mention expresse du logiciel Purchasing dans la proposition de service déterminant le périmètre du contrat, un certain nombre d’autres éléments démontrent que ce logiciel était bien inclus dans le périmètre du contrat (plan de formation proposé par Oracle, facturation, offre de renouvellement, etc.). Dès lors, aucune qualification de contrefaçon ne saurait être retenue à l’encontre de l’AFPA.
Plus que le fond, ce sont les formulations de la Cour d’appel qui frappent. Elle indique que l’ensemble des éléments communiqués démontrent qu’Oracle a agi « avec mauvaise foi et déloyauté », que « par deux fois, la société Oracle France a entendu profiter de son droit contractuel de procéder à un audit pour faire pression sur l’AFPA et obtenir la souscription par celle-ci de nouvelles licences incluses dans l’offre personnalisée qu’elle lui avait faite », que la société « avait attendu de savoir qu’elle n’avait pas été retenue par l’appel d’offre pour faire pression sur l’AFPA » et qu’elle avait engagé la procédure contentieuse « avec une légèreté blâmable [et] en gonflant démesurément [ses] demandes d’indemnisation ».
La Cour en conclut que la société Oracle a causé un préjudice à l’AFPA et à son intégrateur, Sopra, tant en termes d’image que de mobilisation des équipes, détournées de leurs missions habituelles. Elle la condamne donc à payer à chacun de ses contradicteurs une indemnité de 100 000 euros. Oracle devra également verser deux fois 100 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ce qui correspond exactement à la somme qu’elle avait demandée à ce titre, dans ses conclusions. Tel est pris qui croyait prendre…
Auteurs
Prudence Cadio, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies.
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management.