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La nouvelle loi fiscale sur les transmissions d’entreprises en Allemagne est-elle conforme à la constitution ?

La nouvelle loi fiscale sur les transmissions d’entreprises en Allemagne est-elle conforme à la constitution ?

Jusqu’à une décision de 2014 de la Cour constitutionnelle, la loi allemande portant sur les droits de donation et succession prévoyait le principe général d’exonération à 85% voire 100% des transmissions d’entreprises. Cette exonération était soumise à certaines conditions en termes de délais de détention des entreprises transmises et d’engagements à satisfaire en matière de maintien de l’emploi, pour les seules entreprises de plus de 20 salariés.


Dans sa décision du 17 décembre 2014, si la Cour constitutionnelle n’a pas remis en cause fondamentalement le caractère constitutionnel du principe d’exonération en vigueur, elle a en revanche conclu que certains aspects de la loi posaient problème au regard de la Constitution. Elle a alors donné un délai de 18 mois au législateur pour qu’il modifie la loi en conséquence. Plus précisément, la Cour constitutionnelle a notamment critiqué les points suivants :

  • un champ d’application trop large de la loi : alors que l’objectif initial était de viser les entreprises de petite ou moyenne taille, elle trouve à s’appliquer à toute transmission d’entreprise, sans considération de taille ou de besoins ;
  • l’absence de condition de maintien d’emploi pour les entreprises de 20 salariés, favorisant donc ces dernières ;
  • une extension du principe d’exonération au-delà du raisonnable, la loi permettant à l’entreprise d’avoir jusqu’à 50% de son patrimoine non directement utile à son exploitation. En outre, le fait que le seul franchissement des 50% soit exclusif du bénéfice de l’exonération crée une rupture abrupte et injustifiée.

Après de longs échanges entre le gouvernement et le parlement, la loi réformant l’impôt sur les successions et sur les donations a été publiée au journal officiel le 9 novembre 2016. La nouvelle loi s’applique à compter du 1er juillet 2016.

La transmission d’actifs professionnels (« Betriebsvermögen ») demeure, comme auparavant, exonérée à hauteur de 85% à condition notamment que la valeur de ces biens n‘excède pas 26 millions d’euros et que le bénéficiaire respecte un délai de conservation de 5 ans. Une exonération totale est même possible si ce dernier s’engage à conserver ces biens sur une durée de 7 ans. Au-delà de 26 millions d’euros, le pourcentage d’exonération décroît progressivement jusqu’à disparaître au-delà de 90 millions d’euros. Dans le cadre de ces transmissions importantes, la réforme apparaît donc défavorable. Afin de limiter les effets de la réforme dans ces derniers cas, le législateur a prévu d’accorder une réduction fiscale à condition d’une part d’investir plus de 50% de sa fortune personnelle pour payer l’impôt et d’autre part de dévoiler l’intégralité de son patrimoine aux autorités fiscales.

Contrairement à la règle jusqu’alors en vigueur, la transmission des biens de l’entreprise qui ne sont pas directement utiles à son activité (« Verwaltungsvermögen« ) n’est plus soumise à aucun régime de faveur. Elle sera désormais imposée selon les règles de droit commun, à l’exclusion d’une portion de 10% de la valeur de l’entreprise ou de la société qui les détient. Les biens dont il est question sont ceux qui n’ont pas de lien direct avec l’activité professionnelle. Il s’agit par exemple de yachts, d’avions, mais aussi de titres et plus globalement de « moyens financiers » non nécessaires à l’exploitation.

Par ailleurs, la transmission de certaines entreprises familiales « qualifiées » peut bénéficier d’un abattement jusqu’à 30% si les statuts remplissent les prescriptions posées par la loi, c’est-à-dire s’ils restreignent la possibilité de distributions et de cession des titres et s’ils prévoient une indemnité compensatrice inférieure à la valeur vénale des titres en cas de perte de la qualité d’associé. Ces stipulations statutaires doivent être maintenues sur une longue période, allant de deux ans avant la transmission d’entreprise jusqu’à vingt ans après celle-ci.

En cas de succession, il devient possible de reporter l’imposition sur la transmission des biens professionnels sur sept ans. Des intérêts de retard de 6% seront toutefois dus à compter de la 2e année de report de paiement. Notons enfin qu’une autre condition importante pour pouvoir bénéficier des exonérations précitées est le maintien de l’emploi sur une durée de temps minimum. La loi étend même à présent cette condition aux entreprises dont l’effectif serait compris entre 6 à 20 salariés.

Enfin, s’agissant des règles légales pour l’évaluation des entreprises, une mesure favorable a été introduite : le taux de capitalisation à appliquer pour la méthode de la valeur de rendement simplifiée, qui était fixé à 18, a été abaissé à 13,75, ce qui aboutira à réduire l’assiette imposable.

Le législateur n’a répondu que partiellement aux critiques soulevées par la Cour constitutionnelle. Les commentateurs pointent le risque d’un nouveau contentieux devant cette dernière, ainsi qu’une possible qualification d’aide d’État en regard du droit de l’Union européenne.

 

Auteurs

François Hellio, avocat associé en fiscalité internationale

Dr. Annett Kenk, avocat counsel et Steuerberaterin, CMS Hasche Sigle Francfort sur le Main

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