Bailleurs, soyez vigilants : un bail commercial peut cacher un contrat d’adhésion
Le nouvel article 1110 du Code civil a créé une summa divisio que les praticiens des baux commerciaux doivent maîtriser. Désormais, il convient de distinguer deux catégories de contrats : d’une part, les contrats de gré à  gré et, d’autre part, les contrats d’adhésion.
Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties. Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties.
Déterminer si un contrat peut être qualifié de contrat d’adhésion est essentiel dès lors que, dans un tel contrat, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ; dans le doute, le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé. On ne peut exclure le risque qu’un bail commercial soit qualifié par un juge de contrat d’adhésion, en particulier s’il s’agit d’un bail de centre commercial ou d’un bail type  investisseur.
Certains bailleurs et praticiens ont d’ailleurs déjà pris la mesure du risque. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, le 1er octobre 2016, apparaissent des clauses inédites dans les baux commerciaux à conclure ou à renouveler et de nouvelles méthodes de négociation. C’est ainsi qu’est mentionnée dans certains baux la clause suivante : « Le présent bail constitue un contrat de gré à gré au sens de l’article 1110 alinéa 1er du Code civil, dont l’ensemble des conditions ont été librement négociées par les parties ».
En outre, certains bailleurs ont abandonné la présentation de leurs baux en deux parties – conditions générales/conditions particulières – pour ne présenter qu’un document homogène.
Enfin, la pratique qui consistait à indiquer aux preneurs que les conditions générales étaient intangibles et que seules les conditions particulières pouvaient faire l’objet de modifications tend à disparaître. Pour autant, les bailleurs ne semblent pas prêts à lâcher certaines clauses qui constituent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l’article 1171 du Code civil. Les clauses qui, à  notre avis, pourraient être considérées comme abusives, au sens de ce texte, sont celles qui prévoient que :
- le loyer de base en cours au moment de la cession du fonds de commerce subira une augmentation automatique de 15% ;
- la clause résolutoire ne peut être invoquée que par le bailleur ;
- en cas de destruction partielle des locaux loués, le preneur ne peut obtenir qu’une réduction du loyer en fonction des surfaces détruites à l’exclusion de la résiliation du bail, alors que de son côté le bailleur peut résilier le bail sans indemnité ;
- les congés donnés par le preneur devront respecter un préavis de 9 mois alors que ceux du bailleur sont limités à un préavis de 6 mois ;
- la renonciation du preneur à exercer son droit d’option, alors que la réciproque n’est pas prévue pour le droit du bailleur.
Il convient de garder à l’esprit que ces clauses ne seront réputées non écrites que si, et seulement si, le contrat de bail est qualifié de contrat d’adhésion. Pour éviter la qualification du bail commercial en contrat d’adhésion, deux conditions cumulatives sont à remplir : les conditions générales ne doivent pas avoir été soustraites à  la négociation et ne pas avoir été déterminées à  l’avance par l’une des parties. Il en résulte que les bailleurs doivent désormais s’assurer de la libre et réelle négociation des clauses du bail avec le preneur et se ménager impérativement une preuve irréfutable de cette négociation.
Auteur
Aline Divo, avocat associée en matière de Droit Immobilier, Droit de la construction et Droit des baux.