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Réforme de la prescription pénale : impacts pratiques en droit des affaires

Réforme de la prescription pénale : impacts pratiques en droit des affaires

Après plusieurs navettes parlementaires, l’Assemblée nationale a définitivement adopté, le 16 février dernier, la proposition de loi portant réforme de la prescription pénale. Publiée au Journal officiel du 28 février 2017, la loi n°2017-242 est entrée immédiatement en vigueur, soit le 1er mars dernier.

Cette réforme couvre de très nombreux aspects (délai de prescription des peines, prescription de certains délits ou crimes particuliers, etc.), dont certains sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur la vie et le droit des affaires, comme le doublement des délais de prescription et la définition du régime des infractions occultes et dissimulées.

I- Les délais de prescription de l’action publique sensiblement allongés

Il s’agit du changement le plus emblématique de la réforme : le doublement des délais de droit commun, portant la prescription de l’action publique à vingt ans pour les crimes (contre dix ans aujourd’hui), et à six ans pour les délits (contre trois ans aujourd’hui), le délai de prescription des contraventions restant inchangé.

Les parlementaires ont en effet considéré ces délais, issus du Code de l’instruction criminelle de 1808, comme « extrêmement brefs », leur durée ne répondant pas, selon eux, aux impératifs actuels de répression d’une part, et aux moyens techniques nouveaux permettant la recherche de preuves plusieurs années après la commission des faits, d’autre part.

Cet allongement est source d’insécurité, compte tenu de l’application immédiate des nouveaux délais.

Ainsi, les infractions qui seront, à l’entrée en vigueur de la loi, sur le point d’être prescrites se verront appliquer le nouveau délai. Le risque pénal en matière délictuelle perdurera donc jusqu’à six ans après la commission des faits.

Cette insécurité pose des difficultés notamment en matière de garanties d’actif et de passif, lesquelles, conclues en considération de la prescription ancienne, ne couvriront pas les conséquences des infractions dont la poursuite serait permise en application de la loi nouvelle.

Les praticiens devront également prendre en considération le nouveau délai lors des opérations futures, ce dont il résultera certainement un allongement de la durée des garanties assortissant habituellement ces opérations.

II- Le régime des infractions occultes et dissimulées enfin consacré et clarifié

La jurisprudence avait créé de toute pièces un régime dérogatoire, qualifié par de nombreux praticiens de contra legem, pour des infractions dites « occultes ou dissimulées », en reportant le point de départ de la prescription non pas au jour de la commission de l’infraction, comme le prévoit pourtant la loi, mais « à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique ».

Cette jurisprudence était essentiellement appliquée dans le cadre des infractions d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance et permettait de poursuivre des infractions financières, de très nombreuses années après les faits. La réforme consacre ce report du point de départ du délai de prescription.

Elle lui donne également un cadre légal en définissant les infractions :

  • occulte, infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime, ni de l’autorité judiciaire ;
  • et dissimulée, infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher sa découverte.

Ces définitions couvrent potentiellement un spectre très large d’infractions. En effet, il est rare que l’auteur d’une infraction agisse au grand jour et ne cherche pas à dissimuler ses actes.

Il appartiendra certainement à la jurisprudence d’en préciser les contours.

Enfin, la réforme répond à une critique majeure qui était faite par les praticiens. Le report du point de départ aboutissait de fait à une quasi imprescriptibilité des infractions. Le législateur a donc fixé un délai butoir – douze ans en matière délictuelle – à compter de la commission de l’infraction, délai au-delà duquel les infractions ne pourront plus être poursuivies. Toutefois, ce délai ne s’appliquera qu’aux infractions qui n’auront pas fait l’objet d’un acte de poursuite avant son entrée en vigueur.

Cette réforme ne manque pas d’étonner après que le législateur a considérablement réduit en 2008 les délais de prescription en matière civile. Elle répond néanmoins aux objectifs de répression fixés par le législateur. L’avenir dira s’il s’agit d’un vœu pieux ou si elle sera réellement suivie d’effet, compte tenu du manque de moyens chroniques dont souffre la justice, et notamment les services d’enquête.

 

Auteur

Antoine Landon, avocat, département contentieux et arbitrage

 

Réforme de la prescription pénale : impacts pratiques en  droit des affaires – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 27 mars 2017