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La Cour des comptes tire un premier bilan sur les réseaux fixes haut et très haut débit

La Cour des comptes tire un premier bilan sur les réseaux fixes haut et très haut débit

Le 31 janvier 2017, la Cour des comptes a publié son rapport sur le déploiement du très haut débit, qui mobilise le Plan France très haut débit (THD) à hauteur de 20 milliards d’euros pour une couverture totale du territoire en très haut débit d’ici à 2022.

Quarante-sept projets territoriaux de réseaux haut et très haut débit ont ainsi été examinés, non pas pour analyser la politique publique en faveur de la transformation numérique, mais pour rendre compte des objectifs fixés, des modes de gestion retenus et des risques financiers éventuels.

La Cour met en avant le caractère complexe de l’environnement technique et juridique lié au déploiement du THD. D’une part, elle relève que le choix de la France de favoriser le recours à la technologie de la fibre optique a conduit à négliger les technologies alternatives parfois moins coûteuses et plus rapides pour offrir du très haut débit aux abonnés. D’autre part, la Cour souligne que le caractère subsidiaire de l’action publique par rapport à l’initiative privée, le respect nécessaire des lignes directrices de la Commission européenne du 26 janvier 2013 et la longue attente de la décision de la Commission européenne portant approbation du Plan France THD –initialement prévue en 2015 mais rendue le 7 novembre 2016 (voir notre article supra)- sont autant de facteurs qui n’ont pas simplifié la mise en œuvre des projets de réseaux d’initiative publique (RIP) par les collectivités locales.

La Cour constate par ailleurs que les spécificités géographiques de la France ont conduit les acteurs publics à financer la réalisation de réseaux dans les zones délaissées par les opérateurs nationaux (dites « zones blanches »), dont la commercialisation ne correspond pas toujours aux plans d’affaires initiaux. Si l’on ajoute à cela le manque de mutualisation des ouvrages avec les infrastructures existantes de l’opérateur historique et des gestionnaires d’infrastructures tous secteurs confondus, la Cour doute de la possibilité d’atteindre les objectifs annoncés dans les contraintes de délais et de coût.

Enfin, la Cour souligne que le Plan France THD n’a pas intégré le coût de raccordement final des abonnés en fibre optique en zone rurale (estimé à 4,5 milliards d’euros) et qu’en 2022, sept millions de foyers n’auront pas encore été desservis (ce qui représentera un coût supplémentaire de 10,4 milliards d’euros).

Afin de combler ces lacunes, la Cour recommande fortement d’améliorer le pilotage des projets territoriaux. De même, en complément du constat dressé par les chambres régionales des comptes du manque de rentabilité des réseaux déployés à l’échelle infra-départementale, voire départementale, la Cour recommande le regroupement à l’échelle régionale.

S’agissant du Plan France THD lui-même, la Cour va plus loin et appelle à une modification de celui-ci en renonçant à l’objectif de couverture intégrale de territoire, en augmentant le recours aux technologies alternatives à la fibre optique jusqu’à l’abonné, en intégrant un objectif de pénétration du numérique dans les entreprises et en alignant les objectifs du plan sur le terme des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (SDAN) prévus en 2030.

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En attendant de voir de quelle manière le Gouvernement actuel, puis son successeur, vont tenir compte des onze recommandations de la Cour des comptes, la secrétaire d’Etat chargée du numérique et de l’innovation et le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ont contesté en tout ou partie les conclusions de ce rapport.

Axelle Lemaire a ainsi annoncé l’arrivée progressive de fonds privés pour financer en majorité les projets de RIP (interview donnée au Monde le 31 janvier 2017). Elle a précisé par ailleurs que, s’il est exact qu’il serait difficile de financer la connexion de 100% de la population à la fibre, cela n’est pas le postulat de départ du Plan France THD.

Sébastien Soriano a quant à lui rappelé, dans un courrier du 23 décembre 2016, que la fibre optique était la seule technologie susceptible de permettre une évolutivité des débits. En outre, dans le contexte du marché unique numérique européen, les objectifs de couverture du Plan ne devraient, selon lui, pas être revus à la baisse.

Le président de l’Autorité de régulation rejoint toutefois les conclusions de la Cour sur l’émergence d’offres de gros activées à même d’animer le marché des entreprises et a confirmé avoir entrepris des démarches en ce sens. Il entend par ailleurs s’appuyer sur le rapport de la Cour pour que l’ARCEP regroupe ou mette en œuvre au niveau régional certaines fonctions et renforcer le suivi des projets territoriaux, et donc des engagements de déploiement des opérateurs privés.

En revanche, il a relativisé le doublon inefficace de l’infrastructure constaté par la Cour dans quelques zones géographiques limitées et a rappelé que le principe de concurrence par les infrastructures ne permet pas au régulateur de juger de l’opportunité des investissements et, a fortiori, de les interdire.

 

Auteur

Audrey Maurel, avocat, Droit des communications électroniques