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Indemnité de recouvrement d’un prêt en cas de sauvegarde : interdiction de tirer sur l’ambulance !

Indemnité de recouvrement d’un prêt en cas de sauvegarde : interdiction de tirer sur l’ambulance !

L’égalité entre créanciers, du moins ceux qui ont des droits comparables, est un principe structurant du droit des entreprises en difficultés. Lorsque la procédure est ouverte, tous les créanciers doivent être traités identiquement et aucun d’eux ne doit pouvoir prétendre échapper à la loi du concours, qui va imposer des sacrifices plus ou moins importants à tous.

C’est encore plus vrai lorsque la procédure est une sauvegarde et que les chances de survie de l’entreprise sont, théoriquement, plus grandes.

Sur le plan technique, ce principe d’égalité se traduit notamment par la règle selon laquelle doit être neutralisée toute clause d’un contrat en cours d’exécution, prévoyant sa résiliation ou sa résolution du seul fait de l’ouverture d’une sauvegarde (art. L. 622-13, I, du C. com.). Interprétant largement cette prohibition, la Cour de cassation en a déduit qu’« est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire » (Com., 14 janv. 2014, n°12-22.909, à propos d’un contrat d’assurance excluant toute garantie en cas, notamment, d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire).

Que penser, dans ces conditions, d’un contrat de prêt prévoyant une indemnité de 5% au cas où la banque serait obligée de recouvrer sa créance « par voie judiciaire ou extra-judiciaire ou de produire celle-ci à un ordre judiciaire quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire » ? La question vient de se poser dans un litige où, après mise en sauvegarde de la société emprunteuse, la banque entendait déclarer non seulement la créance correspondant à l’intégralité du capital prêté à échoir, mais aussi l’indemnité de recouvrement (Com. 22 févr. 2017, FS-P+B+I). Les juges du fond ayant rejeté sa demande d’admission au titre de l’indemnité contractuelle, la banque s’est pourvue en cassation.

Elle plaidait que la clause ne contrevenait nullement au principe d’égalité, dès lors qu’elle sanctionnait tout débiteur, qu’il fasse ou non l’objet d’une procédure collective, de sorte qu’elle n’aggravait pas la situation de celui faisant l’objet d’une telle procédure. Telle était, du reste, la solution retenue par la Cour de cassation à propos d’une clause pénale similaire à celle analysée dans l’arrêt commenté, prévoyant que toute somme impayée au titre du prêt produirait des intérêts de retard au taux du prêt majoré de trois points (Cass. com., 2 juill. 2013, n°12-22.284, F-P+B, estimant que la clause sanctionnait tout retard de paiement, que le débiteur soit ou non soumis à une procédure collective, de telle sorte qu’elle ne portait pas atteinte à l’égalité entre créanciers dans une sauvegarde).

Mais, au cas particulier, l’analyse était nécessairement différente. La Cour de cassation, pour rejeter le pourvoi, procède en deux temps. D’abord, elle relève que le prêt n’était pas exigible à la date du jugement d’ouverture et que l’emprunteur n’était pas défaillant dans l’exécution de ses obligations. Ce qui est assez logique puisque, en sauvegarde, le débiteur doit ne pas se trouver en cessation des paiements, mais seulement justifier de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Ensuite, elle estime qu’une telle clause aggravait les obligations de la débitrice « en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde ». De fait, en l’espèce, la banque prétendait faire jouer une pénalité contractuelle qu’elle n’aurait pu invoquer en l’absence de sauvegarde. Il y avait bien aggravation de la situation du débiteur du seul fait de sa mise en sauvegarde.

On retiendra que ce type de clause conserve un intérêt, même lorsque l’emprunteur est soumis à une procédure collective, mais à condition de pouvoir établir sa défaillance au jour du jugement d’ouverture. En l’absence de défaillance, la banque ne pourra invoquer la stipulation pour augmenter le montant de sa déclaration.

 

Auteur

Arnaud Reygrobellet, Avocat of Counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre

 

Indemnité de recouvrement d’un prêt en cas de sauvegarde : interdiction de tirer sur l’ambulance ! -Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 3 avril 2017