Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

Acquisition de titres de société et assurance de garantie de passif : quelles modalités pratiques ?

Acquisition de titres de société et assurance de garantie de passif : quelles modalités pratiques ?

De plus en plus utilisées pour des opérations extrêmement variées, les  assurances de garantie de passif ne sont plus réservées aujourd’hui aux acteurs du capital investissement qui ne souhaitent pas accorder des garanties.

En pratique, ces assurances sont aussi très majoritairement souscrites par des acheteurs qui peuvent y voir un outil permettant de distinguer leur offre dans des contextes d’acquisitions concurrentiels. L’assurance « acheteur », outre l’avantage qu’elle présente d’offrir à l’acquéreur un recours direct contre l’assureur sans avoir à exercer au préalable un recours contre le vendeur, permet de l’indemniser à hauteur des conséquences pécuniaires résultant du non-respect ou de l’inexactitude de l’une des déclarations effectuées par le vendeur au titre de la garantie.

Nous rappellerons ici que le risque couvert porte sur les faits non connus, mais faisant l’objet d’une déclaration dans la documentation contractuelle de cession.

Les assureurs bénéficient dorénavant de données permettant de mieux analyser les risques afférents aux déclarations usuelles. Selon des données statistiques établies par certains assureurs, à l’échelle mondiale, entre 2011 et 2014, 28% des cas de mise en jeu des assurances de garantie de passif concernaient les états financiers et 13% des cas étaient relatifs aux déclarations fiscales. La taille des opérations semble non seulement influer sur les proportions d’usage mais aussi sur les taux de mise en jeu de ces assurances, ceux-ci allant de 15% pour des transactions dont la valeur est inférieure à 100 millions d’euros, à 19% (soit près d’une assurance sur cinq) pour les transactions dont la valeur dépasse le milliard d’euros.

La négociation de la garantie de passif entre les parties et leurs avocats est une étape sensible du processus de cession, d’autant plus qu’elle intervient peu de temps avant la finalisation de la documentation contractuelle, voire même parfois après la signature du contrat de cession.

En menant ses propres due diligences afin d’être pleinement informé du contexte de l’opération avec pour objectif d’apprécier les risques existants et couverts par la garantie de passif, l’assureur devient alors une véritable partie de l’opération d’acquisition, sans pour autant être nécessairement convié à s’asseoir à la table des négociations du vendeur et de l’acheteur.

De manière générale, plus les garanties négociées avec le vendeur sont clairement délimitées et plus l’audit réalisé par l’acheteur est étendu et de qualité, plus la couverture par l’assurance pourra être large.

La négociation des termes de l’assurance est plus ardue lorsque les déclarations sont très générales et/ou que les diligences des auditeurs ne portaient pas sur les sujets usuels, voire ne portaient pas du tout sur certains aspects garantis par le vendeur dans ses déclarations.

Au cours d’un underwriting call, l’assureur et ses conseils posent toute une série de questions dont une partie est usuelle et récurrente et d’autres résultent de l’étude spécifique des rapports d’audit et de la documentation de cession afin de définir au mieux le périmètre raisonnable de la couverture d’assurance.

A l’issue de cette étape préalable, l’assureur soumet un projet d’assurance avec les exclusions standards et celles qui paraissent nécessaires compte tenu du résultat de ses propres diligences. Bien rodés à l’exercice, les assureurs peuvent être très réactifs et sont capables de s’adapter au calendrier des parties à l’opération.

Deux sujets requièrent souvent une analyse plus poussée, compte tenu des risques généralement encourus, et permettent d’illustrer la nécessité pour l’acquéreur d’assurer au préalable un exercice d’audit de qualité : le fiscal et l’environnement.

Procédure de négociation de la couverture des garanties fiscales

Objet d’une attention toute particulière, les clauses de garanties fiscales du contrat d’acquisition des titres de société donnent lieu à des négociations spécifiques dans le cadre de la police d’assurance. Le mode opératoire est alors le suivant : l’assureur obtient communication des rapports de due diligence réalisés pour le compte de l’acheteur et, assisté de ses propres conseils, il va ensuite revoir minutieusement le travail réalisé par les conseils de l’acheteur, le but étant de vérifier si la procédure normale d’un « audit fiscal standard » a bien été suivie. En revanche, compte tenu des délais souvent très courts au sein desquels s’inscrit la négociation de la police d’assurance, le travail de l’assureur ne consiste pas à refaire intégralement l’audit fiscal de la société à assurer.

L’assureur va ainsi vérifier quels ont été les exercices et les impôts couverts par le rapport de due diligence et quels ont été les documents revus par les conseils de l’acheteur. Au terme de ce travail, il va adapter sa police en prévoyant soit des exclusions spécifiques, si des impôts ou des exercices n’ont pas fait l’objet d’une revue par l’acheteur, soit des garanties particulières avec des « de minimis » ou des plafonds adaptés en fonction de la zone de risque considérée, étant rappelé que certains risques fiscaux précisément identifiés sont par nature difficiles à assurer, à moins de négocier une couverture d’assurance pour risque fiscal spécifique.

Procédure de négociation de la couverture des garanties environnementales

Souvent exclu en pratique par les assureurs, le passif environnemental fait presque systématiquement l’objet d’un traitement particulier.

Au cours des due diligences tout d’abord, différents rapports sont fréquemment établis : l’un juridique, par une étude notariale et/ou un cabinet d’avocats ; l’autre plus technique par un bureau d’études spécialisé en environnement.

Dans ce cadre, l’analyse porte tant sur la régularité administrative de l’actif analysé (est-ce que l’ensemble des autorisations a été délivré ? Est-ce que l’actif respecte les prescriptions qui lui sont applicables ? Etc.) que sur sa situation environnementale (éventuelle pollution de l’actif, présence d’amiante notamment).

Au regard des déclarations souscrites ensuite. En effet, outre l’obligation générale d’information prévue par le Code civil, le Code de l’environnement précise que le vendeur d’un actif immobilier doit informer l’acquéreur de la situation environnementale de l’actif. Cette information est très spécifique, tenant entre autres à l’éventuelle exploitation passée d’installations classées dans l’actif, aux dangers, aux inconvénients importants et à la manipulation ou au stockage de substances chimiques ou radioactives.

Enfin, des clauses de garantie de passif environnemental sont souvent souscrites, visant à transférer tout ou partie du passif environnemental à l’acquéreur. Lesdites clauses peuvent ainsi prévoir un transfert total de la charge de dépollution de l’actif. Elles peuvent aussi ne prévoir qu’un transfert partiel de la responsabilité environnementale. Les déclarations et garanties figurant dans l’acte de cession seront rédigées et adaptées en conséquence, en fonction des discussions –généralement longues– entre les parties sur l’étendue des déclarations et garanties environnementales et indemnisations spécifiques éventuelles, ainsi que sur la durée et le plafond de la garantie.

Une fois l’ensemble des due diligences accompli et une fois les déclarations et garanties souscrites entre les parties, l’assureur peut, après vérification de ces différents éléments, décider ou non d’étendre l’assurance à l’éventuel passif environnemental.

 

Auteurs

Thierry Granier, avocat associé, en fiscalité internationale

Alexandra Rohmert, avocat associé, département Corporate/Fusions & Acquisitions

Céline Cloché-Dubois, avocat Counsel en droit de l’énergie, environnement, droit public, droit immobilier & construction

 

Acquisition de titres de société et assurance de garantie de passif : quelles modalités pratiques ? – Article paru dans La Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity, supplément du magazine Option Finance du 27 mars 2017