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Imposition des plus-values : une nouvelle refonte significative

Imposition des plus-values : une nouvelle refonte significative

Le régime d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières a fait l’objet, dans la loi de finances rectificative pour 2016, d’importantes mises à jour, à la suite notamment de prises de positions de l’administration fiscale, de décisions jurisprudentielles ou d’avis du Comité de l’abus de droit fiscal.

L’impact de ces modifications n’est pas à négliger en ce qui concerne le private equity car elles peuvent modifier la structuration d’une opération pour les managers qui y participeraient.

Des précisions concernant les réinvestissements éligibles dans le cadre du report d’imposition de l’article 150-0 B ter

Rappelons que l’article 150-0 B ter du Code général des impôts (CGI) prévoit un report d’imposition lorsqu’un actionnaire apporte ses titres à une société qu’il contrôle. Ce report est maintenu en cas d’apport-cession : si la société bénéficiaire de l’apport cède les titres dans les trois ans de l’apport, un réinvestissement par la holding d’au moins 50% du produit de cession est toutefois exigé.

La loi est venue préciser les contours de chacune des trois formes de réinvestissement possibles pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2017 :

  • au sujet du premier mode de réinvestissement prenant la forme du financement d’une activité opérationnelle, la loi intègre désormais la condition suivant laquelle le produit de cession doit être affecté au financement de moyens permanents d’exploitation (sans toutefois définir cette notion). Cette modification met davantage en lumière la question, déjà soulevée par les commentaires administratifs en vigueur qui comportaient cette précision, de l’éligibilité des réinvestissements effectués dans des immeubles présentant la nature de stock dans le cadre des activités de marchands de biens et de promotion immobilière ;
  • s’agissant du second mode d’investissement qui consiste en l’acquisition du contrôle d’une société, le texte prévoit désormais la possibilité d’investir dans des sociétés situées dans un autre Etat de l’Union européenne, en Islande, au Liechtenstein ou en Norvège (la loi était jusqu’ici muette sur la localisation de la société dont le contrôle est acquis) ;
  • concernant le troisième mode de réinvestissement prenant la forme d’une souscription au capital d’une société respectant certaines conditions, l’ambiguïté passée quant à l’investissement réalisé dans des sociétés nouvelles est levée de sorte que l’éligibilité de tels investissements est confortée.

Par ailleurs, la loi vient préciser la durée pendant laquelle la holding doit conserver l’objet de son réinvestissement : ce délai est fixé à douze mois. Il est intéressant de relever que la doctrine administrative prévoyait jusqu’alors une durée de vingt-quatre mois.

De plus, la réalisation d’opérations successives d’apport est désormais autorisée sans limite, à condition que ces apports bénéficient d’un différé d’imposition. La limite précédemment fixée à deux opérations pouvait surprendre, en particulier dans les opérations de LBO successives.

Enfin, la loi comporte une mesure de clarification applicable dès son entrée en vigueur au sujet des situations dans lesquelles le prix de cession des titres par la holding comporte un complément de prix. A cet égard, les modalités d’application de la condition de réinvestissement, tant en ce qui concerne le délai que le montant du réinvestissement, étaient ambiguës. La loi énonce le principe suivant lequel le produit de cession, dont 50% doit être réinvesti, intègre les compléments de prix et précise que pour chaque complément de prix perçu, la holding dispose d’un nouveau délai de deux ans pour réinvestir le reliquat nécessaire au maintien du seuil minimal de 50%.

Les soultes deviennent imposables

En cas d’apport ou d’échange de titres, le sursis d’imposition (CGI, art. 150-0 B), ou le report d’imposition (CGI, art. 150-0 B ter), s’applique même si une soulte est prévue, sauf si elle excède 10% de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l’apport.

Pour les opérations d’apport réalisées à compter du 1er janvier 2017, la soulte effectivement perçue ne bénéficiera toutefois plus du différé et sera immédiatement imposable comme une plus-value. Cette mesure intervient dans le prolongement des contrôles menés récemment par les services vérificateurs visant à requalifier les soultes de « pure convenance », versées uniquement pour permettre la perception de sommes en franchise d’impôt. La première expression « jurisprudentielle » de ces contrôles est d’ailleurs intervenue récemment avec quatre avis du Comité de l’abus de droit (séance du 13 octobre 2016) dans lesquels le Comité a considéré les soultes en cause comme abusives.

Il convient de noter toutefois que la limite du montant de la soulte fixée à 10% de la valeur nominale des titres reçus subsiste, et ce malgré l’imposition de la soulte effectivement perçue. Par ailleurs, le texte de loi ne dit pas si l’existence d’une soulte imposée vient limiter l’obligation de réinvestissement dans le cas d’un apport placé en report d’imposition avec cession des titres dans les trois ans, précision qui pourrait venir des commentaires administratifs.

L’imposition future des plus-values en report précisée

La loi précise enfin la règle d’imposition des plus-values en report et ajoute qu’elles doivent être mentionnées sur chaque déclaration annuelle jusqu’à la fin du report, soit en principe jusqu’à la cession des titres reçus en apport. Elle prévoit désormais, pour tenir compte des précisions apportées par le Conseil constitutionnel, que les plus-values mises en report dans le cadre de l’article 150-0 B ter, sont imposées, lorsque le report prend fin, selon le taux effectif d’imposition qui aurait frappé la plus-value si elle n’avait pas bénéficié du différé. Mais ce taux pourrait toutefois s’appliquer sur une assiette moindre si la plus-value est réduite par l’imputation des moins-values existantes au moment de l’imposition. Pour les plus-values en report en application d’autres dispositions, l’assiette de la plus-value est corrigée de l’évolution de l’inflation.

Le plan d’épargne en actions (PEA) encore plus encadré

On avait connu fin 2013 une première salve de restrictions quant à l’usage du PEA dans les management packages avec l’interdiction d’y placer des bons de souscription d’actions (BSA) ou des actions de préférence.

La loi a mis en place plusieurs mesures anti-abus pour les titres acquis au sein d’un PEA ou d’un PEA PME depuis le 6 décembre 2016.

Le premier point concerne la limite de détention des titres : en effet, le contribuable ne peut détenir plus de 25% des droits dans les bénéfices des sociétés figurant dans le plan, seul mais également avec son conjoint et leurs ascendants et descendants. La difficulté nouvelle est que ce seuil s’apprécie désormais en tenant compte de toutes les détentions indirectes, même en l’absence de contrôle des sociétés intermédiaires.

Le second point à noter concerne la vente à soi-même de titres. Une décision du Conseil d’Etat du 14 octobre 2015 avait créé la surprise en considérant qu’une cession à soi-même de titres, pour les placer au sein du PEA, pouvait être valablement réalisée. Cet arrêt venait ainsi en contradiction avec les avis du Comité de l’abus de droit fiscal qui avait à plusieurs reprises considéré comme abusives les cessions croisées de titres de sociétés non cotées entre membres de la même famille pour permettre de les placer au sein d’un PEA.

Là encore, la loi clôt le débat en inscrivant le principe de la «jurisprudence» du Comité dans la loi : désormais, les sommes placées au sein d’un PEA ne pourront avoir pour objet l’acquisition de titres déjà détenus par le titulaire du plan hors de son PEA, ou (ce qui paraît particulièrement sévère) détenus par son conjoint et leurs ascendants ou descendants.

Auteurs

Florian Burnat, avocat en droit fiscal

Matias Labé, avocat en droit fiscal

Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale

 

Imposition des plus-values : une nouvelle refonte significative – Article paru dans La Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity, supplément du magazine Option Finance du 27 mars 2017