Actions gratuites et management packages : du mariage d’amour au mariage de raison
Les dispositifs permettant d’associer les dirigeants des sociétés cibles à la prise de valeur de ces dernières (aussi appelés management packages) constituent un des leviers essentiels de la réussite d’une opération de private equity. Si leur raison d’être est avant tout stratégique et financière, encore faut-il que le régime fiscal applicable au gain réalisé par leurs bénéficiaires ne les prive pas de tout attrait et qu’une relative sécurité juridique et fiscale soit associée à ces outils.
Depuis 2012 et le passage d’une imposition des plus-values d’un taux proportionnel à un taux progressif, sous réserve cependant d’un abattement pour durée de détention calculé à compter de l’acquisition de l’action, la pratique s’est orientée vers une structuration des management packages autour de « supports actions ». Les promesses et bons de  souscription d’actions étaient ainsi délaissés, car ils devenaient pénalisants fiscalement (imposition du gain au taux marginal maximal de 64,5%). L’interdiction légale de loger des bons de souscription d’actions ou des actions de préférence sur des plans d’épargne en actions (PEA) à partir de 2014 renforçait ce mouvement.
C’est dans ce contexte que la réforme des actions gratuites (AGA) introduite par la loi dite Macron, qui a profondément assoupli les régimes juridique, social et fiscal applicables1, a renouvelé la pratique des management packages. Ce support avait en effet pour lui un régime juridique désormais adapté, un régime social et fiscal plutôt équilibrés et, surtout, une relative sécurité fiscale et sociale quant au traitement applicable au gain de sortie réalisé par le bénéficiaire. Ces atouts ont conduit investisseurs, dirigeants et conseils à intégrer ce nouvel outil dans leur pratique, par exemple en attribuant gratuitement des actions dites « de préférence » permettant de ne figer le gain qu’à la date de sortie des investisseurs, le cas échéant en les couplant avec des actions ordinaires souscrites par les dirigeants afin d’assurer une mise de fonds de ces derniers permettant d’aligner pleinement les intérêts financiers des différents associés.
Las ! Un durcissement du régime social et fiscal des AGA a été voté fin 2016, applicable aux seules actions attribuées en application d’une autorisation votée en assemblée générale postérieurement au 30 décembre 2016. En substance, si le régime social applicable à la société attributrice comme au bénéficiaire reste préférable aux bonus ordinaires, le régime fiscal est surtout attractif en deçà de 300 000 euros de gain d’acquisition par an (i.e., la valeur des actions gratuites à la date à laquelle elle sont définitivement acquises par le bénéficiaire).
Pour autant, quelques simulations financières simples permettent aisément de se convaincre de l’intérêt conservé des AGA pour structurer nombre de management packages. Encore faut-il adapter sa pratique pour tenir compte de ce nouvel environnement. Ainsi, les sociétés attributrices pourront être tentées de se tourner vers des plans avec une durée d’acquisition réduite (durée de vesting limitée). La pratique consistant à attribuer gratuitement des actions de préférence, dont les caractéristiques aléatoires peuvent, le cas échéant, entraîner une valorisation moins élevée que les actions ordinaires au cours des premières années, devrait également être préservée.
Restera cependant à apprécier convenablement le seuil de 300 000 euros dans certaines situations complexes, que la loi n’explicite pas (cession d’actions d’un même plan sur plusieurs années, cession d’actions de plans relevant de règles fiscales différentes sur une même année, appréciation du seuil de 300 000 euros en cas de réalisation d’une moins-value de cession). En attendant une nouvelle réforme des AGA, instabilités législative, juridique et fiscale obligent…
Note
1 Voir «Le retour en grâce des actions gratuites», par Geneviève Olivier et Jean-Charles Benois ici
Auteurs
Jean-Charles Benois, avocat counsel en droit fiscal.
Vincent Forestier, avocat en fiscalité directe