MIF2 : clarifications sur les frais de recherche
Une des évolutions importantes introduites par la directive MIF21 concerne les frais de recherche qui peuvent être considérés comme des incitations, et donc potentiellement interdits lorsqu’une entreprise d’investissement en bénéficie dans le cadre de la fourniture de prestations de conseil indépendant ou de la gestion de portefeuille, à moins que ces travaux de recherche soient2 :
- des avantages mineurs;
- payés directement à partir des ressources propres de l’entreprise; ou
- supportés par les clients de de celle-ci à partir d’un compte de frais affectés à ce type de travaux le research payment account (RPA).
S’agissant du RPA, l’entreprise d’investissement est tenue d’informer son client :
- ex ante, de l’évaluation du budget prévu pour la recherche et le montant des frais de recherche estimés; et
- ex post, des coûts totaux encourus pour la recherche tierce.
L’ESMA a récemment clarifié le traitement de cette réglementation de la recherche3.
Tout d’abord, le régulateur européen rappelle qu’en cette matière, le choix des prestataires doit également être fondé sur le principe de meilleure exécution/meilleure sélection. Cela impose à l’entreprise d’investissement d’apprécier la qualité de la recherche et son coût et, à cet égard, de s’assurer de l’absence de lien entre le volume/total des frais liés aux services d’exécution et la facturation de la recherche.
Par ailleurs, ce que l’on ne peut considérer comme heureux, l’ESMA exclut le corporate access, c’est-à-dire l’organisation privilégiée de rencontres avec les émetteurs, des services relevant des frais de recherche. Dès lors, l’entreprise d’investissement ne peut utiliser les sommes affectées au RPA pour paiement de cet accès mais doit, au contraire, s’assurer que l’accès qui lui est offert n’est pas de nature à constituer un avantage non mineur. En effet, à moins de payer sur ses propres ressources un tel avantage ou que ce dernier puisse être considéré comme mineur, elle s’expose à une violation du principe d’interdiction de réception des rétrocessions, en particulier si cet accès lui est donné par un broker.
De manière moins controversée, l’ESMA considère que la recherche macro-économique constitue généralement de la recherche au sens de la réglementation MIF2 dès lors qu’elle concerne un ou plusieurs instruments financiers et qu’elle suggère, de manière implicite ou explicite, la conduite d’une stratégie. Dès lors, à moins qu’elle ne soit en accès libre, elle peut soit relever du régime des RPA, soit du régime des incitations mineures.
Cette approche permet à l’ESMA de prendre position sur la recherche sur les produits fixed income, devises ou marchandises (FICC4) pour lesquels il n’y a généralement pas de frais d’exécution associés à la transaction mais un spread, une modalité ne permettant pas de distinguer facilement les frais de recherche associés à la communication d’informations. En ligne avec l’analyse susvisée, l’ESMA recommande d’appliquer le régime général, lorsque cela est possible à cette recherche. Cela implique pour les entreprises d’investissement d’ évaluer de manière précise le coût associé à cette recherche, par exemple en concluant des accords de souscription à l’accès à une telle information, une modalité permettant d’autant plus facilement de répartir le coût associé entre les différents clients en bénéficiant.
Ainsi, les précisions de l’ESMA qui inscrivent clairement les frais de recherche dans le cadre rigide des incitations imposent aux entreprises d’investissement de réaménager leurs accords avec leurs brokers. L’avenir dira si cette évolution apportera réellement un bénéfice appréciable aux clients. On peut en douter…
Notes
1 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil
2 Directive déléguée (UE) 2017/593
3 ESMA, Questions and Answers on MIFID II, ESMA35-43-349
4 Fixed income, currencies or commodities (FICC)
Auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers