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Céder une créance à titre de garantie n’équivaut pas au paiement de la créance garantie

Céder une créance à titre de garantie n’équivaut pas au paiement de la créance garantie

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt qu’elle signale elle-même comme important (Com. 22 mars 2017, FS-P+B+I, n° 15-15.361). Il contribue à renforcer l’efficacité d’une cession Dailly à titre de garantie effectuée en période suspecte et alors que la société cédante est désormais soumise à une procédure de liquidation judiciaire.


Deux considérations techniques doivent être rappelées avant de présenter l’apport de cette décision.

D’une part, lorsqu’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte, le tribunal doit fixer la date de cessation des paiements du débiteur et peut, à cet effet, remonter dans le temps jusqu’à 18 mois en arrière à compter de la date du jugement. Cette date définit une « période suspecte », qui court jusqu’au jugement d’ouverture. Pendant cette période, un certain nombre d’opérations peuvent être annulées. Il en va en particulier ainsi de « tout paiement, quel qu’en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement » (art. L. 632-1, 3° C. com.).

D’autre part, la cession de créances par voie de bordereau Dailly peut intervenir selon deux modalités : soit la cession s’opère sous une forme qui s’apparente à un escompte ; soit la cession est effectuée à titre de garantie. Dans cette seconde configuration, il s’agit pour le banquier cessionnaire de garantir, grâce aux créances mentionnées sur le bordereau, le remboursement d’une dette (souvent un crédit de trésorerie) contractée par le cédant. Certes, dans les deux cas, la cession transfère au cessionnaire la propriété des créances cédées (art. L. 312-24 C. mon. fin.). Mais les effets juridiques de ce transfert de propriété diffèrent. Plus exactement, la propriété, dans l’hypothèse d’une cession à titre de garantie, est une propriété fiduciaire. Ce qui induit des conséquences très originales que met en lumière l’arrêt commenté.

Au cas particulier, un crédit de trésorerie avait été consenti à une société sur la base d’une convention-cadre mise au point quelques années auparavant. Pour garantir ce crédit, la banque avait demandé que lui soient cédées par bordereau Dailly diverses créances. Ce qui fut fait. Peu de temps après, une liquidation judiciaire est ouverte contre le cédant et la cessation des paiements est fixée à une date antérieure à celle où la cession Dailly était intervenue. Pour récupérer les sommes représentatives de ces créances, le liquidateur a prétendu que la cession Dailly devait s’analyser comme le paiement d’une dette non échue, puisque le crédit de trésorerie que garantissait la cession venait à échéance quelques semaines plus tard.

La tentative échoue. La Cour de cassation affirme très nettement, et pour la première fois, que la cession Dailly à titre de garantie « ne constitue pas le paiement de la créance garantie ». Pourquoi ? A cela une raison simple : l’opération n’éteint pas la créance garantie (ici, le crédit de trésorerie). La Cour de cassation donne une explication très éclairante : la cession à titre de garantie « implique la restitution du droit cédé au cas où la créance garantie viendrait à être payée » – ce qui suppose qu’elle n’induise, en elle-même, aucun paiement ; elle « n’opère qu’un transfert provisoire de la titularité de ce droit, la restitution de la créance au cédant restant subordonnée à l’épuisement de l’objet de la garantie consentie ». De deux choses l’une : soit, à l’échéance convenue, le client sera en mesure de rembourser le crédit dont il a bénéficié, et la banque restituera les créances dont elle avait la propriété fiduciaire ; soit le client ne peut rembourser et la banque pourra exercer sa garantie, c’est-à-dire percevoir le montant des créances cédées en restituant le surplus.

Dans tous les cas, la cession de créance à titre de garantie aura échappé aux nullités de la période suspecte, renforçant ainsi la position du banquier cessionnaire et améliorant, ce faisant, l’accès au crédit pour les entreprises qui en ont le plus besoin. Une excellente décision donc.

Auteur

Arnaud Reygrobellet, Avocat of Counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre

 

Céder une créance à titre de garantie n’équivaut pas au paiement de la créance garantie – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 24 avril 2017