Le droit à l’antenne-relais : à la croisée d’autres droits
L’implantation des antennes-relais sur les immeubles est aujourd’hui de plus en plus fréquente. Néanmoins, cette installation doit être conciliée tout à la fois avec le droit de l’urbanisme, le droit de la copropriété et le droit des tiers, qui peuvent souvent faire valoir la notion de trouble anormal de voisinage.
L’installation d’antennes de téléphonie mobile sur des propriétés privées ou publiques suppose de prendre en compte différentes problématiques juridiques.
Une problématique liée au droit de l’urbanisme tout d’abord. En effet, l’installation d’antennes-relais est soumise à la délivrance d’une déclaration préalable1 ou d’un permis de construire2. La délivrance de cette autorisation par le maire n’est pas sans susciter en pratique quelques réticences dès lors que ce dernier est susceptible d’invoquer, au titre de ses pouvoirs de police, le principe de précaution prévu par l’article 5 de la Charte de l’environnement.
La mise en avant de ce principe au sujet de l’implantation d’antennes-relais a fait l’objet d’un nombre non négligeable de contentieux3. Sur ce point, le Conseil d’État a toutefois considéré sans ambiguïté qu’un maire ne peut s’opposer à la délivrance d’une autorisation d’urbanisme en l’absence d’éléments circonstanciés sur l’existence, en l’état des connaissances scientifiques, de risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus d’autorisation. Il appartient au maire d’apporter les éléments de preuve de nature à justifier l’application de ce principe4. Ce faisant, le refus d’autorisation d’urbanisme afin d’implanter des antennes-relais sur le fondement du principe de précaution semble aujourd’hui exclu. En revanche, il est toujours possible aux maires de s’opposer à leur installation en application de l’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme5 pour des motifs liés à la protection des paysages, à  l’intérêt des lieux avoisinants, etc.
Ensuite, même si elle est autorisée en application du droit de l’urbanisme, l’installation d’antennes-relais est de nature à faire naître un contentieux particulier lié aux troubles qu’elle engendre et à son démantèlement.
Ce contentieux spécifique a conduit le juge à  s’interroger sur la compétence juridictionnelle.  Ainsi, par un arrêt en date du 14 mai 2012, le Tribunal des conflits a considéré que le juge administratif était compétent pour trancher les questions relatives à  l’interruption de l’émission, l’interdiction de ’implantation, l’enlèvement ou le déplacement d’une station radioélectrique installée sur le domaine public ou sur une propriété privée, au motif qu’elle serait susceptible de porter atteinte à la santé des voisins6.
Le juge judiciaire reste quant à lui compétent pour statuer sur les dommages causés aux tiers : indemnisation du dommage lié à l’implantation  d’une station radioélectrique, cessation des troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière, à un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables. Cette solution a été confirmée par la Cour de cassation7.
La compétence du juge judiciaire est ainsi limitée aux troubles anormaux du voisinage causés par l’implantation irrégulière et au fonctionnement non conforme d’une antenne-relais. Or, dans la mesure où le trouble anormal de voisinage exige un dommage actuel et certain et que la certitude du dommage est particulièrement difficile à établir en matière d’exposition aux ondes, le pouvoir du juge judiciaire revient en définitive à statuer sur la question du « préjudice d’angoisse » suscité par le risque, hypothétique, de l’atteinte de ces antennes-relais à la santé8.
Notes
1 Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants : une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ; une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ; une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés.
2 Par une lecture a contrario, les constructions ne répondant pas aux critères alternatifs de la déclaration préalable (emprise supérieure à cinq mètres carrés, surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés).
3 CE, 23 novembre 2005, n°262105 ; CE, 10 juillet 2010, n°328687 ; CE, 8 octobre 2012, n°342423.
4 CE, 21 octobre 2013, n°360481.
5 Ancien article R. 111-21 du Code de l’urbanisme.
6 TC, 14 mai 2012, n°3844, 3846, 3848, 3850, 3852, 3854, Sté Orange France.
7 Cass., 1re civ., 17 octobre 2012, n°10-26 854.
8 P. Jourdain, Les préjudices d’angoisse JCPG 2015, doctr. 739.
Auteurs
Céline Cloché-Dubois, avocat Counsel en droit de l’énergie, environnement, droit public, droit immobilier & construction
Géraldine Machinet, avocat en droit immobilier