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Le droit de vote, nouvel outil de la performance financière ?

Le droit de vote, nouvel outil de la performance financière ?

La performance financière passerait-elle désormais par l’exercice effectif du droit de vote ? Longtemps les voies utilisées par les investisseurs ont oscillé essentiellement entre la prise de contrôle capitalistique et le placement privé de valeurs mobilières composées ou d’actions de préférence.

La première garantit un alignement des intérêts ; les secondes peuvent conférer un accès privilégié à la performance économique et/ou financière de l’émetteur.

Or entre ces deux voies, l’exercice du droit de vote dans les assemblées générales d’actionnaires de la cible s’affirme dans le paysage français comme une voie particulièrement efficiente. Les institutionnels s’engagent de plus en plus dans cet activisme, en particulier dans le contrôle des éléments de fixation des rémunérations et autres avantages de toute nature, particulièrement les stock-options et les actions gratuites attribuées aux mandataires sociaux.

Le législateur français a œuvré ces dernières années pour faciliter l’exercice du droit de vote voire en augmenter le poids en contrepartie d’une présence minimum au sein du capital et d’une inscription des titres au nominatif, j’entends ici le droit de vote double devenu le principe dans les sociétés cotées sur un marché réglementé1. On le sait ce mécanisme ne reçoit pas les faveurs des institutionnels étrangers, réticents à l’inscription au nominatif, et qui, à tort ou à raison, y voient une discrimination fondée sur leurs horizons d’investissement et attentatoire à la liberté d’investissement. Pour autant, les institutionnels années après années ont investi le champ du vote en assemblées générales2 y compris en renforçant leurs ressources internes ou en externalisant ces fonctions.

A cet égard, il est des points d’attention connus. Ainsi les critiques nourries à l’endroit de la composition des conseils d’administration (proportion d’administrateurs indépendants ; aspects qualitatifs de la composition du conseil) continuent de prospérer. Si la consanguinité, marqueur historique du capitalisme français, a cessé, l’entre soi continue de jeter une suspicion sur la qualité des travaux en conseil. D’où la multiplication d’initiatives –consacrées ou non par la loi– qu’il s’agisse de la création de comités présidés par un administrateur indépendant ; de l’augmentation de la proportion d’administrateur indépendants ou de la promotion de la diversité sous tous ses aspects.

Force est de constater que la gouvernance des émetteurs français peine encore parfois à faire sienne les attentes des investisseurs institutionnels par exemple s’agissant de la nomination d’un administrateur en cas de cumul des fonctions de directeur général et de président. Nous avions ici souligné3, il y a quelques années, combien le droit français se révèle pourtant ductile pour penser et organiser la représentation de ces administrateurs au sein de l’organe collégial et définir leurs attributions et leur rémunération. Or la prévention des conflits d’intérêts et l’amélioration du fonctionnement du conseil sont devenues un marqueur incontournable pour les investisseurs institutionnels dans leur politique de vote, a fortiori dans le capital de sociétés internationales.

Plus récemment, le sujet de la responsabilité éthique des émetteurs est devenu prégnant, à l’instar des procédures judiciaires américaines mettant en cause des violations d’embargo qui ont interféré avec l’ordre juridique français et ont en même temps questionné l’adéquation des processus de contrôle interne. Les attentes clairement exprimées par les institutionnels doivent inciter les conseils d’administration à interroger le management, à évaluer les procédures internes notamment de reporting et à renforcer, s’il y a lieu, les exigences en matière d’éthique. Sur ce sujet, les administrateurs doivent désormais adopter une démarche proactive de questionnement du management sous peine d’engager leur responsabilité et celle de l’émetteur, y compris réputationnelle.

La nouvelle directive Droit des actionnaires ouvre en matière de droit de vote des perspectives stimulantes. Elle porte en elle la volonté d’œuvrer à la facilitation de l’exercice des droits des actionnaires notamment au profit des institutionnels. Désintermédier l’information sur la société cible telle est la démarche du nouveau texte européen en faveur d’une information qualitative sur la stratégie d’engagement et la politique d’investissement. Comment ? En imposant par exemple aux intermédiaires auxquels ont recours les institutionnels de fournir aux actionnaires, de manière harmonisée et en temps opportun, toutes les informations concernant l’entreprise permettant ainsi un exercice éclairé et facilité du droit de vote. On ne peut que souscrire à cette inflexion, d’une logique court-termiste vers un horizon moyen ou long terme incitant aux investissements de recherche et développement structurants. Si le chemin est encore long, la direction est pertinente.

Notes

1 Article L225-123 alinéa 3 du Code de commerce.
2 Exercice des droits de vote par les sociétés de gestion en 2016, AFG, avril 2017, 15ième éd.
3 L’administrateur référent, illustration de la ductilité du droit français, Analyse juridique, Option Finance du 9 décembre 2013.

 

Auteur

Bruno Zabala, avocat counsel au sein du département de la doctrine juridique.

 

Le droit de vote, nouvel outil de la performance financière ? – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 19 juin 2017