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Conventions de management fees : un assouplissement en trompe l’œil ?

Conventions de management fees : un assouplissement en trompe l’œil ?

Un assouplissement bienvenu mais encore précaire de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de convention de management fees.

Deux sociétés anonymes, appartenant au même groupe, ont conclu avec leur société holding (avec laquelle elles partagent le même dirigeant) des conventions de prestations de services respectivement en 1996 et 2003. En décembre 2010, ces deux sociétés anonymes résilient lesdites conventions. Elles réclament par ailleurs à la société holding la restitution des sommes d’ores et déjà versées au titre de ces conventions (sans toutefois en demander l’annulation) en arguant notamment du fait que ces conventions étaient contraires à la répartition des pouvoirs érigée par le droit des sociétés. Autrement dit, ces conventions faisaient « doublon » avec les fonctions incombant de droit aux mandataires sociaux. Les sociétés anonymes entendaient de ce fait obtenir répétition de l’indu.

Traditionnellement, la jurisprudence applicable aux sociétés anonymes sanctionne par la nullité, sur le fondement de l’absence de cause (ou bien dorénavant la contrepartie illusoire ou dérisoire de l’article 1169 du Code civil), les conventions portant sur des prestations de direction générale rendues à leur profit par un tiers (Cass. com., 14 septembre 2010, n°09-16084 et Cass. com., 23 octobre 2012, n°1123376). A l’appui de cette jurisprudence, la Cour de cassation souligne que, le directeur général d’une société anonyme tirant ses pouvoirs directement de la loi, il ne peut pas être décidé que ceux-ci seront exercés par un tiers, sans quoi l’obligation dudit tiers de rendre des prestations de services au profit d’une société dotée d’un directeur général légalement tenu de diriger la société, serait dénuée de cause.

A cet égard, il convient de noter que cette jurisprudence n’a, à priori, pas vocation à être fidèlement transposée aux sociétés par actions simplifiées, dans la mesure où les dispositions légales applicables aux sociétés par actions simplifiées laissent aux statuts la faculté de fixer les conditions dans lesquelles elles sont dirigées (alors que la loi prévoit qu’une société anonyme est nécessairement dirigée par son directeur général personne physique). En d’autres termes, si les statuts prévoient que les fonctions de direction d’une société par actions simplifiées seront de la compétence du président, le fait de confier ces pouvoirs à une société tierce devient suspect. En revanche, l’exercice par une société tierce des fonctions de direction d’une société par actions simplifiée ne serait pas nécessairement dénué de contrepartie si les statuts n’attribuent pas spécifiquement les pouvoirs de direction au président personne physique (Cass. com., 24 novembre 2015).

Dans sa décision du 6 décembre 2016, la Cour de cassation relève que les prestations effectuées par la société holding au titre des conventions considérées « ne recouvraient pas l’ensemble des fonctions de direction générale exercée au sein » des sociétés concernées (sans nous dire, malheureusement, si les prestations considérées relevaient majoritairement de la compétence du directeur général ou pas). On aurait alors pu logiquement penser que la Cour remettrait en cause le paiement des prestations recouvrant les fonctions de direction générale (pour défaut de contrepartie) sans s’attaquer à celles ne recouvrant pas des fonctions de direction générale. Pour autant, de façon étonnante, la Cour de cassation refuse de faire droit aux demandes des sociétés anonymes si bien, qu’in fine, elle ne remet en question aucune des prestations.

Pour autant, faut-il en tirer une règle d’ordre général qui permettrait de se prémunir d’un risque de nullité des conventions de management fees en intégrant, parmi les services rendus, des services ne recouvrant pas les fonctions de direction générale ? Nous ne le pensons pas. Dans cet arrêt, la Cour ne se prononce pas sur une éventuelle nullité de ces conventions mais seulement sur la répétition des sommes versées. Il convient donc de faire preuve de prudence en la matière et de ne pas se laisser abuser par un assouplissement qui n’est peut-être qu’apparent.

Cass. com. 6 décembre 2016 n°15-11.105

 

Auteur

Alexandre Morel, avocat Counsel en Corporate/Fusions & Acquisitions

 

Conventions de management fees : un assouplissement en trompe l’œil ? – Analyse juridique parue dans CapitalFinance le 18 avril 2017