Appréhension des profits de construction : reconnaissance fiscale de la méthode à l’avancement ?
La méthode d’appréhension des profits de construction à l’avancement est aujourd’hui privilégiée par de nombreux opérateurs d’un point de vue comptable.
Au plan fiscal, la question se posait de savoir s’il convenait nécessairement de s’aligner ou de privilégier la méthode historique de l’achèvement. De récentes décisions de jurisprudence, sans répondre expressément à cette question, semblent admettre l’application de la méthode à l’avancement au plan fiscal.
Pour la détermination du résultat imposable des profits de construction, l’article 38-2 bis du Code général des impôts (CGI) prévoit que les produits correspondant à des créances sur la clientèle sont rattachés à l’exercice de livraison des biens. Dans ses commentaires concernant les profits de construction (BOI-BIC-CHAMP-20-40-40 n°20), l’administration fiscale précise que le profit est acquis l’année au cours de laquelle il remet les clés à l’acquéreur, cette règle étant applicable aux ventes d’immeubles à construire et aux ventes d’immeubles achevés.
L’article 38-2 bis du CGI n’évoque pas spécifiquement le cas du rattachement des produits et du résultat au fur et à mesure de l’avancement des travaux et n’a pas à ce jour été amendé pour tenir compte de cette méthode comptablement admise, voire privilégiée, pour les contrats dits à long terme.
Certes, l’administration fiscale a pu admettre par voie de tolérance administrative (BOI-BICPDSTK-20-20-20 n°50) que le résultat fiscal soit aligné sur le résultat comptable des opérations appréhendé à l’avancement, au fur et à mesure de l’exécution des travaux, dans le cas particulier des entreprises du bâtiment ou des travaux publics ainsi que des entreprises de constructions navales.
Cette tolérance ne vise toutefois pas expressément le secteur de la promotion et les entreprises de construction-vente.
De ce fait, les pratiques du secteur sont diverses et, lorsque le résultat comptable est pris à l’avancement, l’hésitation est permise entre l’appréhension du résultat fiscal à l’achèvement par application littérale de l’article 38-2 bis du CGI ou à l’avancement en connexité avec la méthode adoptée au plan comptable. Cette dernière approche vient, précisément, de faire l’objet de deux décisions de jurisprudence récentes et remarquées.
Le 13 avril 2015, un jugement du tribunal administratif de Montreuil (n°1307208, Sté Sofinel) a estimé que le recours à la méthode de l’avancement, lorsqu’elle n’est pas incompatible avec la réglementation comptable, est constitutif d’une décision de gestion opposable à l’entreprise pour la détermination de son résultat imposable. Certaines particularités de ce jugement ont toutefois fait douter de sa portée.
Le 17 novembre 2016, la cour administrative d’appel de Versailles (n°14VE02672, Areva NP) s’est prononcée dans le même sens, de manière semble-t-il plus probante. Certes, comme dans l’affaire Sofinel, le cas jugé par la Cour ne concernait pas des opérations de construction-vente, mais des prestations d’ingénierie. Néanmoins, la solution, concernant un contrat à long terme non visé par la tolérance administrative susmentionnée, semble transposable aux contrats de promotion.
En l’occurrence, Areva NP avait appréhendé le résultat à l’avancement au plan comptable et fiscal. La Cour lui a donné raison, en rappelant que, conformément aux dispositions de l’article 38-2 bis du CGI, elle devait normalement attendre l’achèvement de la prestation pour appréhender l’ensemble des produits du contrat, mais qu’elle pouvait toutefois, s’agissant d’un contrat à long terme, appréhender le résultat selon la méthode à l’avancement, dès lors qu’elle justifiait la pertinence de sa méthode, et cela indépendamment des facturations effectuées selon le calendrier contractuel.
Si cet arrêt ne consacre pas formellement un principe de connexité fiscalo-comptable en la matière, il permet de ne pas nécessairement exclure la possibilité d’appliquer la méthode à l’avancement au plan fiscal quand elle l’est au plan comptable.
Auteurs
Christophe Frionnet, avocat associé en droit fiscal
Frédéric Gerner, avocat associé en droit fiscal