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Rupture des relations commerciales établies : pleine efficacité d’une clause attributive de juridiction au juge anglais

Rupture des relations commerciales établies : pleine efficacité d’une clause attributive de juridiction au juge anglais

Un contrat de concession conclu entre une société anglaise et un distributeur français contenait une clause ainsi libellée : « Le présent contrat est soumis à la loi anglaise et les parties se soumettent de façon irrévocable à la compétence exclusive des juridictions anglaises ». Le contrat est résilié et le distributeur français saisit un tribunal français en invoquant la rupture brutale dont il aurait été victime, fondant son action sur l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce. La Cour d’appel le déboute en constatant qu’elle est incompétente pour connaître du litige du fait de la clause attributive de juridiction aux tribunaux anglais.
Le litige est porté devant la Cour de cassation qui trouve là, une nouvelle fois, l’occasion de préciser sa position (Cass. 1re civ., 18 janvier 2017, n°15-26.105).

Le premier consistait à plaider que la clause devait être neutralisée parce qu’elle liait la compétence du juge anglais à l’application du droit anglais. Elle faisait donc échec, selon lui, aux dispositions impératives de l’article L.442-6 I 5°.

La Cour de cassation écarte le raisonnement en recourant à une formule déjà utilisée pour traiter d’une telle question : la clause attributive doit s’appliquer « des dispositions impératives constitutives de lois de police fussent-elles applicables au fond du litige ». Par deux fois au moins, une telle motivation avait été développée par la Haute juridiction pour valider des clauses attribuant compétence soit aux juridictions de San Francisco (Cass. 1re civ., 22 octobre 2008, n°07-15.823) soit aux juridictions allemandes (Cass. com., 24 novembre 2015, n°14-14.924) dans de semblables litiges. La solution est techniquement logique car l’existence éventuelle d’une loi de police n’intervient pas pour déterminer la juridiction compétente ; la qualification sera à envisager lorsque le litige sera traité au fond (par le juge anglais donc) et, en pratique, au stade de l’exécution en France de la décision judiciaire anglaise. On rappellera que, à ce jour, la Cour de cassation s’est toujours gardée de se prononcer sur le caractère de loi de police de l’article L.442-6 I 5°.

Un second argument avancé, pour tenter d’invalider la clause, consistait à prétendre que celle-ci ne pouvait jouer en présence d’une « action en responsabilité délictuelle fondée sur la rupture brutale d’une relation commerciale établie ». En réalité, si la Cour de cassation considère bien que l’action prenant appui sur l’article L.442-6 I 5° est de nature délictuelle (Cass. com., 6 février 2007, n°04-13.178), la Cour de Justice de l’Union européenne estime quant à elle que le contentieux de la rupture brutale ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle (CJUE, 14 juillet 2016, C-196/15).

Le débat importait peu en l’espèce, puisqu’il s’agissait seulement de savoir si le libellé de la clause était suffisamment large pour englober les litiges survenant non seulement pendant la relation contractuelle mais aussi ceux naissant à l’issue de celle-ci. La Cour d’appel avait jugé que la clause s’appliquait en cas de rupture brutale. La Cour de cassation n’interfère pas dans cette appréciation souveraine.

Cet arrêt est une nouvelle occasion d’attirer l’attention sur la nécessité de rédiger avec une grande minutie les clauses attributives de juridiction.

 

Auteur

Arnaud Reygrobellet, Avocat of Counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre