Illicéité de la sous-licence de brevet pour défaut d’autorisation préalable de son titulaire. A débattre !
Dans cette décision, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris prononce l’annulation d’un contrat de sous-licence de brevet en raison du caractère illicite de son objet.
Celui-ci porte en effet sur la fabrication et la commercialisation d’inserts oculaires. Or l’exercice de cette activité est soumis à une autorisation préalable de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), devenue depuis Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), dont ne bénéficiait pas le sous-licencié.
Pour justifier sa décision, le tribunal invoque deux anciennes dispositions du Code civil à savoir l’article 1128 selon lequel seules les choses qui sont dans le commerce peuvent faire l’objet de conventions, et l’article 1133 qui disposait que la cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public (TGI Paris, 18 novembre 2016, n°13/16409, Laboratoires Thea c/ Inteyes et autres).
Pourtant ce n’est pas tant l’objet du contrat de sous-licence – les inserts oculaires-, pas plus que la cause de la convention, qui est illicite ou contraire à l’ordre public, mais le fait que la personne du sous-licencié ne réunisse pas les qualités nécessaires. La motivation est donc tout à fait surprenante.
En revanche le tribunal ne fait état, à aucun moment, des dispositions de l’article 4 quater de la Convention d’union de Paris (CUP) qui proclame que « la délivrance d’un brevet ne pourra être refusée et un brevet ne pourra être invalidé pour le motif que la vente du produit breveté ou obtenu par un procédé breveté est soumise à des restrictions ou limitations résultant de la législation nationale ».
Ce principe de l’indépendance du brevet par rapport à son objet, qui existe aussi pour les autres droits et notamment les marques (article 7), est pourtant une règle fondamentale du droit international de la propriété industrielle et intellectuelle. Il signifie tout simplement que la nature du produit ne fait pas obstacle à la protection du droit de brevet, de marque ou de modèle. Il est ainsi possible à une personne physique d’enregistrer en son nom une marque pour désigner des produits pharmaceutiques alors même qu’elle ne pourra ni les fabriquer ni les commercialiser à défaut de disposer des autorisations administratives nécessaires.
Certes cet article 4 quater de la CUP concerne la concession du titre mais il nous semble qu’il devrait s’appliquer aux conventions conclues à son sujet et partant, aux licences et sous-licences dont il serait l’objet.
C’est donc une triple critique qu’il convient d’adresser à ce jugement du tribunal de grande instance de Paris.
Auteur
José Monteiro, of Counsel, droit de la propriété intellectuelle