Action en justice du syndicat et respect de la liberté individuelle du salarié
2 janvier 2014
La mise en œuvre d’une politique des salaires peut donner lieu à des contentieux. Ils invitent à distinguer l’action en justice du salarié et celle du syndicat agissant dans l’intérêt collectif de la profession.
La reconnaissance d’un droit individuel relève du conseil de prud’hommes
La loi reconnaît une compétence exclusive au conseil de prud’hommes pour connaître des litiges nés du contrat de travail. Il tranche donc des litiges de nature individuelle (précisément ceux qui visent à faire reconnaître un droit individuel).
Pour sa part, le Tribunal de grande instance est compétent pour trancher les litiges de nature collective : ceux à l’occasion desquels aucune prétention de nature individuelle n’est développée.
Cette distinction entre l’objet de l’action individuelle et celui de l’action collective est essentielle.
Il a ainsi été jugé, à titre d’exemple, que l’action en contestation du transfert d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié. La juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître à cet égard des actions individuelles des salariés (Cass. Soc. 11 septembre 2012).
Le syndicat peut exercer l’action collective en matière de salaire
La loi reconnaît aux syndicats professionnels le droit d’agir en justice, ce dans l’intérêt collectif.
Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent (article L. 2132-3 du code du travail).
Ils agissent le plus souvent sur des questions de principe (exécution et interprétation de la loi, d’une disposition conventionnelle, application du principe d’égalité de traitement, etc.), l’action n’ayant pas pour objet le calcul et le paiement de sommes déterminées à des salariés nommément désignés.
Nul ne plaide par procureur
Le syndicat peut également agir en se substituant au salarié.
Le syndicat peut exercer l’action individuelle dans certains domaines déterminés par la loi : travail intérimaire, égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, contrat à durée déterminée, prêt illicite de main d’œuvre et marchandage, licenciement économique, emploi irrégulier des travailleurs étrangers, discrimination et harcèlement.
Toutefois, la loi (article L. 1144-2 du code du travail) prévoit, parce que nul ne plaide par procureur, de strictes conditions pour agir : l’information du salarié et la possibilité pour lui de s’opposer à l’action en justice. De plus, l’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat.
L’action collective contre la liberté individuelle ?
La frontière entre l’action collective et l’action individuelle est parfois mal aisée à définir.
Cette difficulté est patente dans les actions du syndicat en « régularisation » d’un élément de salaire.
Ces actions peuvent impliquer un grand nombre de salariés et concerner des domaines très différents (minima légaux et conventionnels, application du principe « à travail égal, salaire égal », etc.).
Le plus souvent, ces actions en « régularisation », exercées devant le Tribunal de Grande Instance, ne peuvent se résumer à une demande de paiement d’un avantage à caractère collectif. Elles supposent l’examen de situations personnelles. Elles touchent donc à un droit exclusivement attaché à la personne du salarié et caractérisent ainsi un litige de nature individuelle.
Dans les litiges relatifs à la rémunération, la jurisprudence admet l’action du syndicat lorsqu’il s’agit de déterminer un principe, et le cas échéant de condamner à ce titre (Cass. soc. 12 février 2013). Elle la rejette lorsqu’il s’agit d’exercer un droit attaché à la personne du salarié ou d’obtenir l’octroi d’avantages individuels.
L’action du syndicat en régularisation du salaire fondée sur « l’intérêt collectif de la profession » peut soulever une réelle difficulté constitutionnelle et mettre en cause des droits fondamentaux.
Ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n°89-257 DC du 25 juillet 1989 :
« Les modalités de mise en œuvre des prérogatives reconnues aux organisations syndicales doivent respecter la liberté personnelle du salarié qui, comme la liberté syndicale, a valeur constitutionnelle ».
Toujours selon le Conseil constitutionnel :
« S’il est loisible au législateur de permettre à des organisations syndicales représentatives d’introduire une action en justice à l’effet non seulement d’intervenir spontanément dans la défense d’un salarié mais aussi de promouvoir, à travers un cas individuel, une action collective, c’est à la condition que l’intéressé ait été mis à même de donner son assentiment en pleine connaissance de cause et qu’il puisse conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts et de mettre un terme à cette action ».
Ainsi, un élargissement excessif de l’action judicaire des syndicats dans l’intérêt collectif de la profession peut se heurter à un principe de valeur supérieure.
A propos de l’auteur
Laurent Marquet de Vasselot, avocat associé spécialisé en matière de relations sociales. Sa grande expertise du droit social l’ont amené, depuis plus de 20 ans, à être le conseil régulier de grandes entreprises et institutions, pour la conduite de leur politique sociale et des ressources humaines, et la mise en œuvre de leur restructuration.
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