Concentrations et non-respect d’engagements : le Conseil d’Etat entérine la sanction et les injonctions sous astreinte prononcées par l’ADLC en mars 2017
Par un arrêt du 28 septembre 2017, le Conseil d’Etat vient de confirmer la décision n°17-D-04 du 8 mars 20171 de l’Autorité de la concurrence (ADLC) qui avait sanctionné Altice et SFR Group pour ne pas avoir respecté certains engagements souscrits dans le cadre de la décision d’autorisation de l’opération de concentration (décision 14-DCC-160).
Outre une amende de 40 millions d’euros, l’ADLC avait en particulier assorti sa décision de plusieurs injonctions sous astreinte avec un nouveau calendrier d’exécution, mesures d’injonction qui recevaient ainsi leur première application depuis leur instauration par la loi Macron du 6 août 2015.
Sans revenir ici sur le détail des engagements spécifiques pris et considérés comme non tenus, on notera de la décision du Conseil d’Etat que ce dernier a, pour apprécier la pertinence de ces mesures, retenu la méthode suivante. Il a d’abord cherché à s’assurer que l’ADLC n’avait pas commis d’erreur de qualification juridique en estimant à partir des faits que les engagements n’avaient pas été respectés. Tout en constatant que les parties notifiantes n’avaient pas enclenché de démarche de réexamen de leurs engagements, le Conseil d’Etat en a profité pour rappeler que les intéressées ont la faculté de solliciter, en faisant état de circonstances de droit ou de fait nouvelles (« évolution de la situation des marchés pertinents et des conséquences pouvant en résulter sur la pertinence des engagements (…) »), d’être déliées par une décision de l’ADLC de tout ou partie des engagements pris. Les lignes directrices de l’ADLC sur le contrôle des concentrations prévoient d’ailleurs le principe d’une telle possibilité de réexamen des engagements « dans des circonstances exceptionnelles » (point 306), alors que le Conseil d’Etat fait pour sa part a priori plutôt référence à des « circonstances de droit ou de fait nouvelles ».
Puis, le Conseil d’Etat a porté son analyse sur les sanctions et principalement sur les injonctions (la sanction financière stricto sensu ne donnant cependant pas lieu à de véritables développements). Il a ainsi considéré que les injonctions, n’ayant pas qu’une portée punitive mais visant aussi à préserver l’ordre public économique, doivent « être proportionnées à la gravité des manquements constatés et aux exigences de maintien ou de rétablissement d’un niveau de concurrence suffisant sur les marchés ». Il a estimé que les engagements non tenus étaient déterminants car ils étaient « au cœur du dispositif des engagements » et ils répondaient « à des enjeux concurrentiels majeurs » sur le marché concerné et que les manquements avaient été « importants et durables ». Il a ensuite considéré que le périmètre des injonctions n’était pas distinct de celui des engagements et a même relevé que les injonctions étaient assorties d’une réserve applicable en cas de difficultés d’exécution dûment justifiées.
En définitive, le Conseil d’Etat en a déduit que la sanction pécuniaire et les injonctions n’étaient pas disproportionnées au cas d’espèce. Cette décision illustre à nouveau la nécessité d’un suivi vigilant des engagements souscrits auprès de l’ADLC et l’existence, parmi les nombreux outils à la disposition de celle-ci en cas de manquements, des mesures coercitives que constituent les injonctions sous astreinte.
Note
1 Voir Elisabeth Flaicher-Maneval « Concentrations : les engagements ne doivent pas être pris à la légère » dont le titre reste donc toujours d’actualité (Option Finance 15 mai 2016 n°1414).
Auteur
Denis Redon, avocat associé en droit douanier et droit de la concurrence, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris