Annulation partielle du décret organisant l’ouverture des données du registre du commerce et des sociétés
L’article 60 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 dite loi Macron a modernisé le rôle de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) en indiquant qu’il « assure la diffusion et la mise à la disposition gratuite du public, à des fins de réutilisation, des informations techniques, commerciales et financières qui sont contenues dans le registre national du commerce et des sociétés et dans les instruments centralisés de publicité légale ».
Pour mémoire, avant l’adoption de cette loi, l’INPI assurait un simple rôle de sauvegarde et d’archivage des données transmises par les greffiers des tribunaux de commerce, lesquels commercialisaient ces données via le GIE Infogreffe. Depuis, il a vocation à permettre la mise à disposition, à titre gratuit, de ces données. La conclusion d’une licence suffit donc maintenant aux opérateurs pour disposer gratuitement des données concernées.
C’est donc assez logiquement que le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce a contesté la légalité du décret n°2015-1905 du 30 décembre 2015 prévoyant les modalités de transmission et de mise à disposition des informations constitutives du registre national du commerce et des sociétés (RCS), et de l’arrêté pris pour son application.
Si le décret a été partiellement annulé, en tant qu’il mettait à la charge du GIE Infogreffe certaines obligations de transmission de données, là où la loi n’avait visé que les greffiers des tribunaux de commerce, le Conseil d’Etat a en revanche validé, de manière très claire et didactique, l’ensemble du dispositif de mise à disposition gratuite des données du RCS (CE, 12 juillet 2017, n°397403).
Il a en effet refusé aux greffiers des tribunaux de commerce la protection reconnue aux producteurs de bases de données, en rappelant que l’article L.341-1 du Code de la propriété intellectuelle protège les bases de données « qui répondent au critère selon lequel l’obtention, la vérification ou la présentation de leur contenu attestent un investissement substantiel ».
Or, si le fait que la base de données concernée soit constituée dans le cadre d’une activité professionnelle principale n’exclut pas en soi le bénéfice de cette protection, il aurait fallu que les greffiers engagent des dépenses constituant des investissements et dont ils auraient pris « l’initiative et le risque ». Ce qui n’était démontré par aucun élément produit à l’appui du recours.
Les greffiers ne sauraient davantage revendiquer la propriété des données intégrées au RCS, qu’ils ont reçues et traitées « en qualité d’officier[s] public[s] et ministériel[s], percevant des droits à ce titre ».
Le moyen selon lequel les greffiers devront transmettre des données détenues avant l’entrée en vigueur de la loi n’a pas été davantage accueilli.
Si l’ouverture des données du RCS semble donc légale, du point de vue des contraintes qu’elle impose aux greffiers des tribunaux de commerce, on peut néanmoins s’interroger sur sa validité au regard de l’usage de certaines données nominatives, comme les civilités et adresses des dirigeants de sociétés. Ceux-ci sont le plus souvent des personnes physiques dont les données personnelles sont protégées et ne peuvent être reproduites sans accord préalable. Même si la collecte de ces données dans le RCS est expressément dispensée de cette formalité par l’article 22 II 1° de la loi du 6 janvier 1978, il n’est pas certain que cela vaille dans le cadre de leur réutilisation à des fins commerciales…
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management.