Application de la licence légale aux web radios : validation par le Conseil constitutionnel
Le 7 Juillet 2016, la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (loi dite CAP) a été promulguée. Cette loi a pour objectif de protéger et garantir la liberté de création, ainsi que de moderniser la protection du patrimoine culturel.
Lors des débats, un amendement concernant l’extension de la licence légale aux web radios, a été adopté. Il a modifié l’article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) pour rendre la rémunération due à raison de l’usage de phonogrammes à des fins de commerce applicable à toutes les radios, quel que soit leur mode de diffusion, y compris celles diffusées sur Internet en flux continu, sans intervention de l’utilisateur sur la programmation. Les web radios sont ainsi placées sous le même régime juridique que les radios « classiques », dites hertziennes.
Cette extension du régime de la licence légale, souhaitée par le Gouvernement au nom de la neutralité technologique, semble être une aubaine pour les nouveaux acteurs du numérique et apparaît comme une réelle progression pour le développement du secteur musical.
Néanmoins, son adoption a provoqué les foudres des producteurs de phonogrammes qui, par le biais de la Société civile des producteurs phonographiques (SCCP) et de la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), ont contesté, devant le Conseil d’Etat, la légalité de l’arrêté du 13 février 2017 pris pour l’application des articles L.214-1 et suivants tels que modifiés par la loi CAP. Les requérants ont développé, à l’appui de leur recours, des arguments mettant en cause la constitutionnalité des dispositions législatives qui justifient l’adoption de l’arrêté.
C’est dans ce contexte que le Conseil Constitutionnel a été saisi par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’expansion du régime de la licence légale aux web radios (CE, 17 mai 2017, n°408785).
Les producteurs de phonogrammes soutenaient principalement que le nouvel article L.214-1 du CPI portait atteinte à leur liberté contractuelle et d’entreprendre, dans la mesure où il les privait de la faculté de négocier le montant de leur rémunération par voie conventionnelle. Il porterait également atteinte aux droits d’auteurs des artistes-interprètes qui ne pourraient s’opposer à la diffusion d’un phonogramme sur certaines web radios alors même que l’article L.212-3 du CPI soumet, par principe, à l’obtention de l’autorisation préalable de l’artiste-interprète toute diffusion de l’une de ses œuvres et que l’article L.213-1 aménage un régime d’autorisation préalable à tout usage au bénéfice des producteurs de phonogrammes.
Au vu des arguments soulevés par les requérants, le Conseil constitutionnel se devait de déterminer si les limitations apportées aux droits des producteurs de phonogrammes et des artistes-interprètes par l’article L.214-1 du CPI étaient proportionnées par rapport aux objectifs de diffusion culturelle poursuivis par le législateur.
Dans sa décision du 4 août 2017, le Conseil constitutionnel se positionne en faveur de l’extension de la licence légale aux web radios en affirmant, d’une part, que « les dispositions contestées n’entraînent pas une privation de liberté » et, d’autre part, que « le législateur a entendu faciliter l’accès des services de radio par Internet, […], et ainsi favoriser la diversification de l’offre culturelle proposée au public » (CC, 4 août 2017, n°2017-649 QPC). Par ailleurs, il indique que « les dispositions contestées ne limitent ainsi les prérogatives des titulaires de droits voisins qu’à l’égard des services de radio par Internet dont les modalités d’offre et de diffusion sont [désormais] comparables à celles de la radiodiffusion hertzienne ». En outre une rémunération équitable est assurée, dans la mesure où « le barème et les modalités de versement de cette rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d’activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes ou, à défaut d’accord, par une commission administrative paritaire ».
Ce faisant, le Conseil a validé l’approche du législateur qui souhaitait rendre le partage des revenus entre les producteurs et artistes-interprètes plus équitable.
Auteur
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.