Caractère discrétionnaire du non-renouvellement des concours bancaires
A propos d’un litige classique né du non-renouvellement de concours bancaires, la Cour de cassation vient de procéder à certains rappels utiles tout en apportant des précisions inédites quant à la responsabilité susceptible d’être encourue par les établissements de crédit (Cass. com., 25 novembre 2017, n°16-16.839 F-P+B+I).
Au cas particulier, une entreprise confrontée à des difficultés financières avait demandé à sa banque de lui renouveler les lignes de crédit que celle-ci lui accordait depuis plusieurs années. La banque avait accepté ce renouvellement mais selon des modalités un peu différentes et pour un terme déterminé. Après un premier renouvellement des crédits pour une durée déterminée, la banque avait dénoncé, quelques jours après leur échéance, l’ensemble des concours octroyés en mettant l’entreprise en demeure de lui rembourser, sous huitaine, le solde débiteur de ses comptes courants. L’entreprise l’avait alors assignée en responsabilité pour rupture abusive et brutale de crédit. En vain.
La Cour de cassation a approuvé la cour d’appel de Paris pour avoir rejeté l’ensemble des griefs formulés à l’encontre de la banque. En effet :
- les concours à durée déterminée n’avaient pas été brutalement rompus ou abusivement dénoncés mais, après un renouvellement, avaient pris fin par la survenance de leur terme, sans qu’il soit nécessaire pour la banque de respecter un préavis ;
- la décision d’un établissement de crédit de ne pas renouveler un concours revêt toujours un caractère discrétionnaire, de sorte que le banquier n’est responsable du fait d’une telle décision de refus que s’il est tenu par un engagement. Or, le renouvellement de concours bancaires à durée déterminée succédant à un concours à durée indéterminée, auquel il a été mis fin avec préavis, n’est pas, à lui seul, de nature à caractériser l’existence d’une promesse de reconduction du crédit au-delà du terme ;
- les dispositions de l’article L. 442-6, I 5° du Code de commerce relatives à la responsabilité encourue pour rupture brutale d’une relation commerciale établie ne s’appliquent pas à la rupture ou au non-renouvellement de crédits consentis par un établissement de crédit à une entreprise, opérations exclusivement régies par les dispositions du Code monétaire et financier.
S’il est acquis de longue date que la décision de ne pas accorder un crédit relève du libre arbitre de l’établissement de crédit, « hors le cas où [celui-ci] est tenu par un engagement antérieur » (Cass. ass. plén., 9 octobre 2006), la solution vaut désormais clairement aussi pour le non-renouvellement d’un crédit, sous la même réserve. Ainsi pas plus qu’il n’existe pour les entreprises de droit au crédit, il n’existe pou r elles de droit acquis au maintien du crédit. Et la seule circonstance qu’un crédit à durée déterminée ait été plusieurs fois renouvelé ne saurait caractériser l’engagement du banquier à reconduire ce crédit au-delà de son terme.
C’est également la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation se prononce sur l’application de l’article L. 442-6, I 5° du Code de commerce au non-renouvellement de crédits consentis à une entreprise, pour l’exclure.
Pour la Haute juridiction, ces opérations étant régies par les seules dispositions du Code monétaire et financier (art. L. 313-12), les dispositions du Code de commerce qui posent le principe du respect d’un préavis de rupture tenant compte de la durée de la relation commerciale doivent nécessairement être évincées. Rappelons que l’article L. 313-12 précité n’impose aux établissements de crédit le respect d’un préavis minimal de 60 jours pour rompre un concours que si celui-ci est à durée indéterminée. Pareille obligation n’existe pas à l’égard des crédits à durée déterminée quand bien même ces derniers auraient été plusieurs fois renouvelés ou succèderaient à un contrat à durée déterminée auquel il a été mis fin dans le respect du préavis prescrit. Tout en levant certaines incertitudes, la portée générale du principe dégagé par la Cour de cassation a le mérite de faire prévaloir une solution uniforme, quelle que soit la durée des concours bancaires dénoncés.
Auteur
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris