Le Conseil d’Etat précise la notion de ligne de service public de transport
L’article L.3111-18 du Code des transports permet aux autorités organisatrices de transport de limiter ou d’interdire, après avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), des services librement organisés de transport par autocar lorsque ceux-ci portent « une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d’être concurrencées ou à l’équilibre économique du contrat de service public de transport concerné ».
En effet, depuis l’adoption de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « loi Macron »), ces services peuvent concurrencer directement le transport ferroviaire.
Dans cette affaire, la société Eurolines avait déposé auprès de l’ARAFER deux déclarations portant sur un service de transport par autocar entre Angers et Nantes, visant à réaliser trois dessertes par jour depuis chacune de ces villes, le service étant exploité par deux autocars à chaque horaire déclaré.
Estimant que les services déclarés par Eurolines sur la liaison entre Angers et Nantes porteraient une atteinte substantielle à l’équilibre économique de ses propres services de transport ferroviaire, la région Pays de la Loire a saisi l’ARAFER d’un projet d’interdiction de ces services.
L’ARAFER n’a pas totalement suivi la région et n’a validé qu’en partie son projet d’interdire les services déclarés par la société Eurolines. En effet, l’avis favorable qu’elle a émis à cette interdiction en a limité la portée à un seul des deux autocars envisagés.
Insatisfaite, la région a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir de cet avis. Elle demandait également au Conseil d’Etat d’enjoindre à l’ARAFER de réexaminer le projet d’interdiction et d’émettre un nouvel avis.
A l’appui de son recours, la région reprochait surtout à l’ARAFER d’avoir retenu comme périmètre d’analyse l’ensemble de la ligne ferroviaire conventionnée Nantes – Le Mans et non le seul segment de cette ligne allant d’Angers à Nantes qui en serait distinct. En effet, dans son avis, l’ARAFER a comparé la perte de recettes commerciales induite par le report de clientèle du service de transport organisé par la région vers le service déclaré par la société Eurolines avec, d’une part, les recettes commerciales de l’ensemble de la ligne Nantes – Le Mans et, d’autre part, le montant de la compensation versée par la région au titre de cette ligne.
Il n’est pas sans intérêt de rappeler sur ce point que, quelques mois plus tôt, le Conseil d’Etat avait jugé que l’appréciation du caractère substantiel de l’atteinte à l’équilibre économique nécessitait de prendre en compte l’ensemble des recettes procurées à l’exploitant ferroviaire, et non les seules recettes commerciales (CE, 23 décembre 2016, n°399081, Région Aquitaine Limousin Poitou Charentes).
Pour écarter le grief invoqué par la région, le Conseil d’Etat a rappelé que « l’exploitation d’un service de transport par autocar n’est susceptible d’être limitée ou interdite par l’autorité organisatrice de transport que si cette exploitation conduit à porter une atteinte substantielle à l’équilibre économique non d’un simple segment de transport, mais d’une ligne dans son ensemble, voire de plusieurs lignes ; […] une ligne de transport régulier se caractérise par une autonomie de fonctionnement résultant de ses conditions d’exploitation, faisant l’objet d’un traitement comptable spécifique dans le cadre de la convention de service public« .
Et il en a déduit que, si la région soutenait que l’ARAFER aurait commis une erreur de fait en appréciant l’atteinte substantielle à l’équilibre économique à l’égard de la ligne Nantes – Le Mans et non pas à l’égard de la ligne Angers – Nantes, elle n’apportait aucun élément de nature à établir que cette ligne constituerait, au regard de ses conditions d’exploitation et de son traitement comptable, une ligne de transport pour l’application des dispositions de l’article L.3111-8 du Code des transports.
Le Conseil d’Etat a également rejeté le moyen tiré de l’erreur d’appréciation, en jugeant que l’ARAFER avait procédé à une analyse circonstanciée de la substituabilité du service envisagé par Eurolines avec celui organisé par la région et que les éléments retenus par l’ARAFER pour estimer la perte de recettes commerciales induite par le report de clientèle vers le service d’autocar déclaré se fondaient sur des constats objectifs et n’apparaissaient pas sérieusement contestables.
Le Conseil d’Etat a ainsi rejeté la requête (CE, 4 octobre 2017, n°400552).
Auteurs
Claire Vannini, avocat associé en droit de la concurrence national et européen
Eleni Moraïtou, avocat en droit de la concurrence national et européen