Le nouvel «accord emploi/compétitivité» : la flexibilité pour les entreprises
20 décembre 2017
L’accord emploi/compétitivité, créé par l’ordonnance Macron 2017-1385 du 22 septembre 2017, est plus souple que les précédents : accords de maintien de l’emploi, de préservation ou de développement de l’emploi, de mobilité interne et de réduction du temps de travail.
Objectif : flexibiliser la relation de travail et unifier les dispositifs existants
En principe, le contrat de travail doit primer sur l’accord collectif lorsqu’il est plus favorable que ce dernier1. Mais, dorénavant, pour « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi », un accord d’entreprise peut s’imposer au contrat de travail, même s’il est moins favorable au salarié.
Cet « accord emploi/compétitivité » remplace les anciens dispositifs d’accords dits « de flexibilité » : les accords de maintien de l’emploi2 (AME), de préservation ou de développement de l’emploi3 (APDE), de mobilité interne4 et de réduction du temps de travail5, jugés complexes de mise en œuvre.
C’est l’article L.2254-2 du Code du travail qui hébergeait jusqu’à présent les APDE qui est modifié pour créer le régime juridique des accords emploi/compétitivité, le tout s’insérant dans le chapitre IV intitulé « Rapports entre conventions et accords collectifs de travail et contrat de travail« .
Ce type d’accord peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée, pour :
- aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;
- aménager la rémunération dans le respect du SMIC et des salaires minimas conventionnels ;
- ou déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Le contenu de l’accord de compétitivité est très souple…
L’accord peut porter sur les trois domaines précités, et les aménagements possibles sont extrêmement variés. Contrairement à ce qui existait dans les anciens dispositifs, il n’est prévu ni garantie de rémunération, ni encadrement de sa baisse éventuelle, sous réserve du respect du SMIC et des salaires minimas conventionnels. Il n’est pas non plus prévu de maintien de la qualification professionnelle, ou de limites imposées à la mobilité comme dans les anciens accords de mobilité interne.
Le projet de loi de ratification des ordonnances précise que les accords peuvent acter « les modalités d’accompagnement des salariés, ainsi que l’abondement du CPF au-delà du montant minima » de 100 heures, tel que fixé par décret.
L’accord peut être conclu dans un contexte défensif (difficultés économiques) ou offensif (développement et croissance de l’entreprise).
La seule obligation est de prévoir un préambule à l’accord, précisant les objectifs poursuivis. Il n’est plus explicitement prévu la nullité de l’accord en l’absence de préambule comme cela était le cas auparavant pour les APDE. Pour autant, il ne faudra nullement négliger cet aspect de l’accord, car le risque pourrait être la déqualification par le juge de la nature de l’accord. Et si l’accord perdait sa nature d’accord emploi/compétitivité au sens du nouvel article L.2254-2 du Code du travail, son impact sur le contrat de travail ne serait pas le même. L’enjeu est donc d’importance.
Concrètement, un accord emploi/compétitivité peut donc imposer au salarié une baisse de sa rémunération pour un même nombre d’heures de travail, notamment dans un contexte de difficultés économiques de l’entreprise. Légalement, il n’est nul besoin de rencontrer des difficultés économiques pour le faire, mais il faudra emporter la conviction des parties à la négociation pour les amener à signer un accord majoritaire sur le sujet. Une approche pédagogique et convaincante devra donc être adoptée.
Sans que ce soit une obligation, l’accord peut préciser les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, et le cas échéant, l’examen de la situation des salariés à son terme ; les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés, les mandataires sociaux et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés ; et les modalités de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés.
… Excepté pour les accords modulant le temps de travail
Si l’accord met en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, il doit impérativement respecter les dispositions du Code du travail sur les accords d’aménagement du temps de travail (art. L.3121-41, 3121-42, 3121-44 et 3121-47 concernant le décompte des heures supplémentaires, l’information des salariés sur le changement dans la répartition de leur durée du travail, etc.).
Avec qui peut-on conclure un accord de compétitivité ?
L’accord doit être majoritaire, et donc être signé par des syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, ou à défaut, être signé par des syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 30 % des suffrages à ces mêmes élections, et approuvé par référendum à la majorité des suffrages exprimés.
L’impact de l’accord de compétitivité sur le salarié
L’accord de compétitivité prime de plein droit sur le contrat de travail du salarié, qui a toutefois la possibilité de refuser cette modification contractuelle résultant de l’application de l’accord, dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’employeur a communiqué dans l’entreprise sur l’existence de l’accord de compétitivité.
Le projet de loi de ratification des ordonnances comporte un amendement qui « a pour objet de préciser le point de départ du délai d’un mois imparti au salarié qui refuse l’application d’un accord de compétitivité à son contrat de travail ». Désormais, selon le projet de loi, « le salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus par écrit à l’employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a informé les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de cet accord6« . Le salarié refusant l’application de l’accord peut être licencié, selon la procédure de licenciement pour motif personnel, pour un motif spécifique qui constitue d’office une cause réelle et sérieuse. Il ne s’agit donc pas d’un licenciement pour motif économique, et le salarié ne pourra pas contester le motif du licenciement.
Le salarié licencié peut s’inscrire comme demandeur d’emploi, mais ne bénéficie pas obligatoirement d’un dispositif d’aide au reclassement (contrat de sécurisation professionnelle, congé de reclassement, etc.), contrairement à ce qui était prévu dans les anciens dispositifs. Mais la négociation de l’accord pourrait contenir un dispositif spécifique d’accompagnement dont le contenu serait entièrement laissé à la liberté des parties.
L’employeur doit abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié (de 100 heures).
Le nouvel accord de compétitivité : quelles perspectives ?
La souplesse des textes sur l’accord de compétitivité ne manque pas de donner lieu à des interrogations sur sa mise en œuvre et son devenir.
Par exemple, en cas d’accord à durée déterminée, que se passe-t-il à l’issue de sa période d’application ? Le contrat de travail initial est-il « réactivé » dans toutes ses composantes (durée du travail, salaire, lieu de travail, etc.) ? Cela peut s’avérer difficile. Quid par exemple si le lieu de travail n’existe plus du fait d’une réorganisation de l’entreprise ?
La question du devenir de l’accord devra être abordée dès le stade de sa négociation et dans le corps de l’accord.
On l’aura compris, le champ des possibles est très large avec l’accord emploi/compétitivité « nouvelle formule », réelle opportunité de flexibilité pour les entreprises. Les syndicats suivront-ils l’employeur dans cette démarche, en l’absence de difficultés économiques avérées ? Il faut espérer que la pratique s’emparera de ce nouvel outil qui devrait être un des moyens d’éviter les restructurations passant par des plans de sauvegarde de l’emploi.
Notes
1 article L.2254-1 du Code du travail
2 anciens articles L.5125-1 et s. CT
3 ancien article L.2254-2 CT
4 anciens articles L.2242-17 et s. CT
5 ancien article L.1222-8 CT
6 Amendement n°266
Auteurs
Guillaume Bossy, avocat associé, droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon
Aude Bonnard, avocat, droit social, CMS Bureau rancis Lefebvre Lyon
Le nouvel « accord emploi/compétitivité » : la flexibilité pour les entreprises – Article paru dans Les Echos Exécutives le 11 décembre 2017
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