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Rupture de relations commerciales établies : précisions, paradoxes et nouveautés

Rupture de relations commerciales établies : précisions, paradoxes et nouveautés

L’action en responsabilité pour rupture brutale de relations commerciales établies, sur le fondement de l’article L442-6 du Code de commerce, apparaît toujours plus protéiforme, offrant aux juges la possibilité d’en nuancer les contours à l’infini.


Apportant une précision opportune en pratique, la Cour de cassation juge, dans un arrêt du 1er mars 2017, qu’une reprise des relations commerciales après une première notification de rupture exclut l’existence de manquements graves de nature à justifier, par la suite, une rupture avec un préavis abrégé.

Ainsi, une attitude conciliante face à des manquements peut être interprétée comme une forme de tolérance et empêcher de s’en prévaloir ultérieurement pour justifier une rupture des relations commerciales sans préavis. Aussi, la prudence commande d’adopter une attitude cohérente et proportionnée.

En cas de manquements imputables à son partenaire, leur formalisation est vivement recommandée pour se prévaloir, en cas de litige, de leur existence. De même, toute notification de rupture causée par des manquements devra être expressément motivée, de façon exhaustive. Sans cette précaution, il sera ensuite difficile d’exciper de leur existence pour justifier une rupture des relations commerciales sans préavis suffisant.

La Cour de cassation rappelle, à cette occasion, que le préjudice résultant de la rupture brutale doit être évalué en considération de la durée du préavis jugé nécessaire, peu important que la victime ait, pendant cette période, identifié -ou tenté d’identifier- d’autres débouchés.

Ainsi, la reconversion réussie de la victime postérieurement à la rupture, n’interférera pas d’une part, sur la durée du préavis manquant et d’autre part, sur le chiffrage du préjudice. Ce dernier sera calculé, selon une jurisprudence devenue classique, au regard de la perte de marge brute subie.
En parallèle, les difficultés économiques éprouvées par l’auteur de la rupture, invoquées pour justifier un préavis abrégé, ne seront pas prises en considération lorsqu’elles ne relèvent pas d’un cas de force majeure.

Dans ce cas d’espèce, l’articulation de ces paramètres aboutit à un résultat paradoxal, aux termes duquel ni les difficultés économiques de l’auteur de la rupture, ni la reconversion réussie de la victime ne viennent infléchir la position de la Cour de cassation. Toutefois, cette solution doit être tempérée à la lumière d’un autre courant jurisprudentiel (Cass. com., 12 février 2013, Caterpillar), retenant le contexte économique pour apprécier le caractère prévisible et délibéré de la rupture et partant, sa brutalité.

Davantage novateur, un arrêt de la Cour de cassation du 20 septembre 2017, directement inspiré d’un arrêt de la CJUE du 14 juillet 2016, approuve la Cour d’appel de Paris d’avoir jugé qu’en présence d’une relation contractuelle tacite reposant sur un faisceau d’éléments concordants (relations commerciales établies de longue date, régularité des transactions…), l’action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies relevait de la matière contractuelle et non délictuelle.

Cette décision, conforme à la jurisprudence européenne mais dont la portée reste encore à définir, pourrait emporter des conséquences majeures sur la détermination de la juridiction compétente et du droit applicable en présence de relations commerciales internationales.

 

Auteurs

Xavier Vahramian, avocat associé, Contentieux & arbitrage, CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats

Marion Cabanes, avocat, Contentieux & arbitrage, CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats

 

Rupture de relations commerciales établies : précisions, paradoxes et nouveautés – Article paru dans le magazine Acteurs de l’économie le 1er décembre 2017