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Plus-values et revenus mobiliers : une réforme qu’il faut savoir anticiper

Plus-values et revenus mobiliers : une réforme qu’il faut savoir anticiper

A compter du 1er janvier 2018, un prélèvement forfaitaire unique de 30%, incluant l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, et désigné par le sigle « PFU », s’appliquera à la plupart des revenus et des gains « mobiliers ». Cette réforme est inscrite à l’article 11 du projet de loi de finances pour 2018 qui vient d’être adopté en 1ère lecture à l’assemblée nationale.

Elle améliorera la lisibilité de l’impôt et simplifiera la déclaration, sous réserve des cas où il serait plus intéressant d’opter pour l’application des règles du barème progressif de l’impôt sur le revenu. Il est temps de s’intéresser aux conséquences de cette réforme et aux éventuelles actions à prendre d’ici la fin de l’année.

Une simplification, sauf dans la mesure où la renonciation au PFU peut se révéler intéressante

Les revenus et les gains « mobiliers » concernés par le PFU sont ceux qui ne sont pas visés par un régime spécifique. Ne sont par exemple pas visés par le PFU :

  • les intérêts de certains livrets d’épargne exonérés d’impôt sur le revenu,
  • les revenus et les gains retirés des plans d’épargne en actions,
  • les revenus et les gains retirés des contrats d’assurance-vie, du moins pour les produits relatifs aux primes versées avant le 27 septembre 2017 qui continueront à faire soit l’objet du prélèvement libératoire représentatif de l’impôt sur le revenu au taux de 7,5%, 15% ou 35% (selon la durée du contrat) soit à être taxés en application des règles du barème progressif (le PFU concernera en revanche les produits afférents aux primes versées à compter du 27 septembre 2017, mais avec une spécificité : la possibilité de bénéficier d’un taux réduit pour la fraction de ces primes inférieure à 150 000 euros si le contrat a au moins 8 ans).

Globalement, le futur régime d’imposition sera nettement plus lisible, avec un taux connu d’avance et sans règle de déduction telle que la CSG déductible ou les abattements prévus dans le cadre de l’imposition selon les règles du barème progressif, pour les dividendes ou les plus-values. Les règles nouvelles seront donc d’application facile, avec une assiette identique pour l’impôt sur le revenu et pour les prélèvements sociaux, et la déclaration n’aura plus à comprendre les déductions au titre de l’impôt sur le revenu. Le futur régime de « flat tax » se rapprochera, en termes de simplicité et de taux, des règles d’imposition généralement connues à l’étranger.

Les intérêts, les dividendes et les revenus assimilés continueront à être versés sous déduction des prélèvements sociaux et d’un prélèvement non libératoire représentatif de l’impôt sur le revenu dont le taux sera ramené à 12,8% à compter du 1er janvier 2018 (soit un prélèvement global de 30% avec les 17,2% de prélèvements sociaux applicables à compter de cette même date).

La mise en place prévue au 1er janvier 2019 du prélèvement à la source ne changera d’ailleurs rien à cette règle d’imposition. Il faut rappeler que lorsque ces revenus sont directement perçus de l’étranger, le contribuable français qui les encaisse a la responsabilité d’adresser les prélèvements aux services fiscaux (en remplissant une déclaration n°2778 pour les intérêts et les revenus assimilés, ou une déclaration n°2778-DIV pour les dividendes ou distributions assimilées).

D’ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 réserve une mauvaise surprise si les prélèvements sociaux n’ont pas été payés en 2017 à l’occasion de la perception notamment d’intérêts ou de dividendes : ces prélèvements risquent d’être calculés en 2018 en tenant compte de la hausse qui porterait leur taux à 17,2% même si les revenus ont été perçus en 2017 (voir sur ce point les développements à l’avant dernier paragraphe).

Lorsque ce prélèvement de 30% aura été retenu sur le versement des revenus mobiliers, les contribuables n’auront en principe aucune démarche supplémentaire à effectuer : ces revenus figureront sur la déclaration de revenus de l’année, à souscrire l’année suivante, et dans le cadre du PFU l’impôt sur le revenu définitif sera en principe égal à l’impôt déjà prélevé sur les revenus (12,8% de l’assiette brute), et aucune régularisation ne sera donc effectuée. Seules quelques exceptions sont à signaler :

  • la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) au taux de 3% ou 4% sera ajoutée pour les contribuables qui en sont redevables, le taux d’imposition global pouvant ainsi être porté à 34%,
  • par exception à la règle d’imposition sur une assiette brute dans le cadre du PFU, l’impôt sur le revenu pourra être moins élevé si le contribuable déclare des pertes en capital subies dans le cadre du financement participatif (crowdlending), qui sont imputables dans certaines conditions sur les intérêts perçus dans ce même cadre, ou s’il a droit à des crédits d’impôt étrangers : dans ces deux cas, l’impôt sur le revenu définitif sera moindre, ouvrant droit à la restitution de la différence,
  • si le législateur décidait de modifier l’impôt sur le revenu, par une loi publiée avant la fin de l’année du versement, l’impôt sur le revenu définitif pourrait augmenter ou diminuer par rapport au prélèvement effectué,
  • enfin, le contribuable pourra renoncer au PFU en optant pour le calcul de l’impôt sur le revenu selon les règles du barème progressif, mais cette option devra alors porter sur l’ensemble des revenus ou gains de l’année visés par le PFU.

S’agissant des intérêts, l’option sera intéressante essentiellement pour les contribuables non imposables. Si les intérêts relevaient intégralement de la première tranche du barème (visée par le taux de 14%), l’impôt sur le revenu ressortirait à 13,05% en tenant compte de la fraction de CSG déductible, soit une imposition légèrement supérieure au taux forfaitaire prévu dans le cadre du PFU. S’agissant des dividendes, l’option pour l’imposition au barème serait intéressante même s’ils relevaient intégralement de la première tranche (visée par le taux de 14%) : selon les règles du barème, outre la déductibilité partielle de la CSG, les dividendes sont en effet imposables sur une assiette réduite d’un abattement de 40% sous certaines conditions, et des frais de garde. Mais l’imposition au barème cesserait en principe d’être favorable s’ils relevaient intégralement des tranches supérieures (à partir du taux de 30%).

L’option pour le barème pourra être encore plus favorable pour des plus-values car, à condition que les titres aient été souscrits ou acquis avant 2018, elles pourront bénéficier d’un abattement pour durée de détention au taux de 50%, 65% voire 85%. La complexité sera plus importante si les actionnaires réalisent, au cours de l’année, des plus-values relevant de différents taux d’abattement. A titre d’illustration, en cas d’imposition dans la tranche relevant du taux maximum de 45%, mais avec le bénéfice d’un taux d’abattement pour durée de détention de 85% (cession de titres souscrits ou acquis dans une PME de moins de 10 ans), l’impôt sur le revenu définitif atteint au maximum 6,75% (sans tenir compte de la déductibilité partielle de la CSG qui peut réduire l’impôt sur le revenu à payer l’année suivante), à comparer avec les 12,8% prévus dans le cadre du PFU.

La CSG sur les plus-values est normalement payée à la suite de l’avis d’imposition qui résulte de la déclaration des revenus, c’est-à-dire au cours de l’année suivant celle de la cession. Or, entre l’année de la cession et l’année du paiement de la CSG, les contribuables peuvent changer de tranche d’imposition. La déduction partielle de la CSG, qui réduira de 6,8 point les revenus imposables de l’année du paiement de la CSG, pourra produire un effet nul si les contribuables ont cessé d’être imposables, ou entraînera une réduction pouvant aller jusqu’à 3,06 point de l’impôt sur les revenus de l’année du paiement de la CSG (cas où l’effacement à hauteur de 6,8 point porte sur des revenus imposables dans la tranche marginale à 45%).

Si le taux d’abattement est de 65% (abattement de droit commun pour les titres cédés après une détention d’au moins 8 ans), l’option pourra être intéressante même pour les contribuables imposables dans les tranches élevées (visées par le taux de 41% ou par celui de 45%)… mais à condition que l’effet joué par la CSG déductible joue à plein (voir ci-dessus). Le but du propos est de démontrer que des calculs précis devront être réalisés par les contribuables, au moment de la déclaration des revenus, et que l’opportunité d’opter dépendra notamment du montant des plus-values sans abattement, des dividendes, des intérêts et autres revenus de capitaux mobiliers visés par le PFU que le contribuable percevra au titre de la même année. Car le projet de loi limite les hypothèses d’option, en prévoyant que l’option doit être globale.

Ces opportunités finiront sans doute par disparaître, car le projet de loi de finances pour 2018 prévoit la disparition de l’abattement pour durée de détention pour les titres acquis ou souscrits à compter du 1er janvier 2018.

Le projet durcit aussi deux régimes particuliers s’agissant des cessions réalisées à compter du 1er janvier 2018. Les cessions entre membres du groupe familial ne pourront plus bénéficier de l’abattement renforcé (sauf en cas de cession de titres souscrits ou acquis dans une PME qui avait moins de 10 ans, ce régime spécifique étant maintenu pour les titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018), et seul l’abattement de droit commun restera applicable en cas d’option pour le barème (dès lors que les titres ont été acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018), soit un abattement plafonné à 65%.

Il en ira de même pour les dirigeants de PME partant à la retraite.

Toutefois, plus précisément, les dirigeants de PME partant à la retraite pourront bénéficier, sous conditions, d’un abattement fixe de 500 000 € qui s’appliquera à toute plus-value réalisée à compter du 1er janvier 2018 comme suit :

  • l’abattement conduira à n’imposer les 500 000 premiers euros de plus-value qu’aux prélèvements sociaux au taux de 17,2%, et le reliquat éventuel sera imposé au PFU ou selon les règles du barème (en cas d’option globale),
  • mais le projet de loi prévoit que, même en cas d’imposition selon les règles du barème, aucun abattement pour durée de détention ne s’appliquera, sauf si les contribuables renoncent à bénéficier de l’abattement fixe de 500 000 euros. Dans quelques cas, l’abattement pour durée de détention (notamment si les titres cédés ont été souscrits ou acquis dans des PME de moins de 10 ans) pourrait être plus intéressant.

Notons pour finir que les plus-values resteront imposables l’année suivant la cession, à la suite de la déclaration d’impôt sur le revenu. Si le PFU s’applique, l’assiette imposable redeviendra identique pour les deux impositions (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux), sans avoir à appliquer et déclarer d’abattement pour durée de détention, en déduisant seulement les moins-values de même nature de l’année ou des dix années antérieures (le projet réécrit la règle pour, au moins pour l’avenir, prévoir l’imputation obligatoire des moins-values disponibles, en commençant par les moins-values de la même année, et régler ainsi les questions d’interprétation qui pouvaient se poser jusque-là : voir Feuillet rapide 31/17 p. 15 s.). Le prélèvement global atteindra donc 30% des plus-values de l’année, nettes des moins-values imputables dans le cadre du PFU (voire jusqu’à 34% sous l’effet de la contribution sur les hauts revenus pour les contribuables qui en sont redevables). La mise en place prévue au 1er janvier 2019 du prélèvement à la source ne changera d’ailleurs rien à cette règle d’imposition.

Réflexions sur les stratégies à adopter d’ici la fin de l’année 2017

L’entrée en vigueur de la réforme approchant, les contribuables ont encore quelques semaines pendant lesquelles ils peuvent réagir. Citons quelques exemples.

Les contribuables percevant des intérêts imposables peuvent, en application de la législation actuelle, soit être soumis à l’impôt sur le revenu selon les règles du barème sans le moindre abattement soit bénéficier d’un taux forfaitaire de 24% à condition de ne pas percevoir plus de 2 000 € d’intérêts imposables par an. Ces deux caractéristiques pouvant dissuader les contribuables, il faut se réjouir que l’imposition sera sensiblement réduite grâce au PFU. Ainsi certains contribuables pourront, dès l’approche de la fin 2017, réfléchir à consentir davantage de prêts rémunérés (crowdlending notamment) ou à investir davantage sous la forme d’obligations ou de livrets bancaires n’échappant pas à la fiscalité, avec une fiscalité beaucoup plus favorable pour les intérêts versés à compter du 1er janvier 2018.

Il pourrait aussi être tentant d’anticiper la souscription ou l’acquisition de titres (actions ou parts sociales dans des sociétés relavant de l’IS). En effet, si la souscription ou l’acquisition n’intervenait qu’à compter du 1er janvier 2018, ces titres ne pourraient plus bénéficier d’aucun abattement pour durée de détention en cas d’option pour l’imposition au barème. Or, comme on l’a vu plus haut, l’abattement de 65% (ou celui de 85% qui concerne les cessions de titres souscrits ou acquis dans des PME de moins de 10 ans) peut produire, en cas d’option pour le barème, des effets plus intéressants que le PFU.

En raison de la disparition, à compter du 1er janvier 2018, du régime concernant les cessions significatives dans le cadre familial (abattement renforcé sous certaines conditions), les contribuables concernés peuvent envisager de réaliser des cessions éligibles avant la fin 2017.

Les dirigeants de PME partant à la retraite pourront également être tentés de céder, avant la fin 2017, leurs titres ouvrant droit à un abattement pour durée de détention renforcé en plus de l’abattement fixe de 500 000 €. On a vu en effet que le projet de loi actuel oblige les contribuables qui réaliseront une plus-value à compter du 1er janvier 2018 à choisir entre l’abattement fixe et l’abattement proportionnel. Il faut aussi savoir que les éventuels compléments de prix convenus fin 2017 mais perçus seulement à compter de 2018 ne sont pas visés par une clause de sauvegarde. Ainsi, même si la cession a été réalisée fin 2017, ces compléments de prix devront soit bénéficier du reliquat d’abattement fixe de 500 000 € non utilisé lors de la cession soit, en cas d’option pour le barème, d’un abattement pour durée de détention. Et, autre évolution du régime d’imposition, l’abattement renforcé, pouvant aller jusqu’à 85%, ne s’appliquera que si les titres cédés par le dirigeant de PME partant à la retraite avaient été souscrits ou acquis dans une PME de moins de 10 ans.

Enfin, de nombreux actionnaires peuvent avoir intérêt à céder certains titres avant la fin de l’année pour bénéficier du régime d’imposition actuel : on a en effet vu que lorsqu’un fort taux d’abattements pour durée de détention s’applique, l’imposition au barème peut être plus favorable. Or cette imposition ne s’appliquerait à l’avenir qu’en cas d’option globale pour le PFU. Soulignons également le cas des cédants de participations substantielles qui sont non-résidents : ces contribuables peuvent être soumis au prélèvement spécifique de l’article 244 bis B du CGI lorsque la convention fiscale n’y fait pas obstacle. Or le projet prévoit que pour les cessions à compter du 1er janvier 2018, le taux de 12,8% représentant l’impôt sur le revenu sera d’application obligatoire. Les plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2018 peuvent donc supporter une imposition plus élevée que sous le régime actuellement en vigueur, qui prévoit un taux de prélèvement de 45%, mais une assiette pouvant être réduite par un abattement pour durée de détention (dont le taux peut aller jusqu’à 85%).

Précisons au sujet des cessions de titres qui interviendront avant la fin 2017 que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit une hausse des prélèvements sociaux à 17,2% qui s’applique « au titre des périodes intervenant à compter du 1er janvier 2018 ». Selon l’interprétation retenue par l’étude d’impact et par le rapport de la commission des affaires sociales, et même si cela peut paraître surprenant, les gains de cession réalisés en 2017 seraient donc (comme les gains d’acquisition d’actions gratuites, les plus-values professionnelles, les revenus fonciers et, sauf s’ils ont supporté les prélèvements sociaux en 2017, les revenus de capitaux mobiliers et les revenus imposés comme BIC, BNC et BA) soumis aux prélèvements sociaux au taux de 17,2% du fait de la hausse de la CSG.

Enfin, certains contribuables qui le peuvent pourront décaler certaines cessions de titres ou la perception de certaines distributions par exemple, s’ils estiment que le PFU qui entrera en vigueur au 1er janvier 2018 sera plus favorable.

 

Auteur

Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale

 

Plus-values et revenus mobiliers : une réforme qu’il faut savoir anticiper – Avis d’expert publié le 7 octobre 2017 sur l’espace abonné (Navis) des Editions Francis Lefebvre