Diminution du taux de l’impôt sur les sociétés et transformation du CICE en allègement de charges patronales
Le projet de loi de finances pour 2018 (« PLF ») prévoit une baisse du taux de l’IS à 25 %, appliquée progressivement à l’ensemble des sociétés d’ici 2022, ainsi que la suppression progressive du CICE, lequel sera transformé, à compter du 1er janvier 2019, en allégement de charges patronales inscrit au projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2018.
Diminution progressive du taux normal de l’IS
Le précédent gouvernement avait déjà engagé une baisse progressive du taux de l’IS, avec l’objectif d’atteindre le taux de 28% à compter du 1er janvier 2020, soit 28,9% en tenant compte de la contribution sociale.
L’exposé des motifs de l’article 41 du PLF 2018 relève que « la moyenne pondérée européenne, hors France, s’établit à 25,6% et à 26,2% si l’on ne considère que les plus grandes économies (l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, la Suède et le Royaume-Uni) ».
Aussi est-il envisagé d’aller au-delà , en prévoyant une baisse du taux de l’IS à 25% à horizon 2022 « soit un taux de 25,8 % en tenant compte de la contribution sociale », avec une mise en œuvre de cette diminution progressive un peu différente de celle qui a été fixée l’an dernier (dispositif actuel).
Modalités pratiques
Ainsi, l’examen comparé des deux dispositifs peut-il être présenté comme suit :
Année | Dispositif actuel | Nouveau dispositif envisagé |
---|---|---|
2018 | 28% pour l’ensemble des entreprises dans la limite de 500.000 € de bénéfice ; la portion excédentaire étant imposée à 33,33% (ou 34,43% contribution sociale incluse) | 28% pour l’ensemble des entreprises dans la limite de 500.000 € de bénéfice ; la portion excédentaire étant imposée à 33,33% (ou 34,43% contribution sociale incluse). |
2019 | - 28% sur l’intégralité des bénéfices, pour les sociétés ayant un CA inférieur à 1 milliard d’euros ; - 28% dans la limite de 500.000 € de bénéfices, pour les entreprises ayant un CA supérieur à 1 milliard d’euros, la portion excédentaire étant imposée à 33,33% (ou 34,43% contribution sociale incluse). | 28% pour l’ensemble des entreprises dans la limite de 500.000 € de bénéfice ; la portion excédentaire étant imposée à 31% (32,02% contribution incluse). |
2020 | 28%, soit 28,92% contribution incluse. | 28%, soit 28,92% contribution incluse. |
2021 | 28%, soit 28,92% contribution incluse. | 26,5%, soit 27,37% contribution incluse. |
2022 | 28%, soit 28,92% contribution incluse. | 25%, soit 25,83% contribution incluse |
Précisons tout d’abord que le PLF prévoit de maintenir, pour les PME dont le CA est inférieur à 7.630 K€, le taux de 15% applicable dans la limite de 38.120 € de résultat imposable.
Mais le PLF renonce à l’extension à compter de 2019 du taux de 15% (dans la limite de 38.120 € de résultat imposable) aux PME au sens du droit de l’Union européenne (celles dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 50 millions d’euros).
Précisons tout d’abord que le PLF prévoit de maintenir, pour les PME dont le CA est inférieur à 7.630 K€, le taux de 15% applicable dans la limite de 38.120 € de résultat imposable.
Mais le PLF renonce à l’extension à compter de 2019 du taux de 15% (dans la limite de 38.120 € de résultat imposable) aux PME au sens du droit de l’Union européenne (celles dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 50 millions d’euros).
Relevons ensuite que le nouveau dispositif serait identique au dispositif actuel en 2018 et en 2020. Mais en 2019 :
- le nouveau dispositif pourra se révéler pénalisant pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires ne dépassant pas 1 milliard d’euros : les entreprises concernées supporteront en définitive un taux de 31% sur la fraction de leurs bénéfices supérieure à 500.000 €, au lieu d’être imposées à 28% sur la totalité de leur bénéfice : elles supporteront donc une imposition supplémentaire de 3% au-delà de 500.000 € de bénéfices.
-  le nouveau dispositif avantagera les entreprises ayant un chiffre d’affaires excédant 1 milliard d’euros, puisqu’elles supporteront en définitive un taux de 31%, et non de 33,33%, soit une imposition moindre de 2,33% sur la fraction de leurs bénéfices supérieure à 500.000 € (sans compter l’effet positif en termes de contribution sociale).
Enfin, le PLF envisage la poursuite de la diminution au-delà de celle mise en place l’année dernière, en prévoyant un taux de 26,5% (27,37% contribution incluse) et un taux de 25% (25,83% contribution incluse) applicables respectivement en 2021 puis à compter de 2022.
Revue des principales autres conséquences
La baisse du taux de l’IS devrait avoir en premier lieu pour conséquence une baisse mécanique de la contribution sociale de 3,3% calculée sur l’IS, les taux ressortant – contribution incluse – à 28,92% (28%), 32,02% (31%) en 2019, 27,37% (26,5%) et 25,83% (25%).
En second lieu, cette baisse devrait mécaniquement impacter l’appréciation faite de certains dispositifs prévus par le Code général des impôts, au nombre desquels notamment l’article 209 B I, 1° du CGI (par référence à l’article 238 A), et l’article 212 I b du CGI.
En troisième lieu, la baisse du taux de l’IS devrait entraîner un accroissement mécanique de la participation des salariés et du montant dû au titre du forfait social.
Au-delà , la baisse progressive du taux de l’IS devrait avoir des conséquences au regard du régime de l’intégration fiscale et du point de vue des impôts différés.
Du point de vue de l’intégration fiscale, pour les exercices 2018 et 2019, le taux d’IS de 28 % s’appliquerait en effet pour l’ensemble des entreprises dans la limite d’un résultat fiscal de 500.000 euros (soit le résultat fiscal d’ensemble dans les groupes intégrés) ; la fraction excédentaire des bénéfices étant quant à elle imposée au taux de 33,33% en 2018 puis 31% en 2019.
Dans ce contexte, il conviendra d’être attentif, en 2018 et en 2019, à l’opportunité de la présence ou non (à l’entrée ou à la sortie) de certaines sociétés dans l’intégration, afin de ne pas franchir le seuil de 500.000 euros de résultat fiscal en 2018, ou 2019.
Par ailleurs, et bien que le principe de liberté en matière de répartition d’impôt dans l’intégration fiscale ait été récemment réaffirmé par le Conseil d’Etat (CE, 13 octobre 2016, n° 388410, SA Safran), il n’en demeure pas moins que cette répartition ne doit pas conduire à porter atteinte à l’intérêt social propre de chaque société ni aux droits des associés ou actionnaires minoritaires (CE, 12 mars 2010, n° 328424, Wolseley Centers France). Partant, les filiales intégrées qui auraient été soumises individuellement à un IS au taux de 28 % ne devront pas, selon nous, dans le contexte où le groupe serait quant à lui soumis à un IS au taux de 33,33 % (en 2018) ou 31% (en 2019), supporter une charge d’impôt supérieure à celle qu’elles auraient supportée en l’absence d’intégration fiscale (en l’absence de tolérance administrative énoncée à ce stade, à l’instar de la tolérance énoncée par la doctrine administrative BOI-IS-GPE-30-30-10 n° 290 en ce qui concerne les contributions additionnelles à l’impôt sur les sociétés).
Du point de vue des impôts différés, tant en normes françaises (CRC 99-02) qu’en normes IFRS (IAS 12), les actifs et passifs d’impôts différés doivent être évalués selon la méthode du report variable, c’est-à -dire en utilisant le taux d’impôt et les règles fiscales en vigueur à la clôture de l’exercice et qui seront applicables lorsque la différence future – l’économie ou la charge future d’impôt – se réalisera (règlement CRC n° 99-02).
L’impact d’un changement de taux d’imposition ou de législation fiscale est pris en compte dans les états financiers, dès lors que le nouveau taux est voté à la date de clôture (à défaut, dans l’annexe, lorsque le vote intervient entre la date de clôture et celle de l’arrêté des comptes).
L’entrée en vigueur de la loi sur la baisse du taux de l’IS devant intervenir avant le 31 décembre 2017, les entreprises clôturant leur exercice à compter de cette date devront tenir compte de cette mesure dans l’évaluation de leurs impôts différés. Ainsi, les impôts différés devront être calculés en tenant compte du taux d’imposition applicable à l’exercice de réalisation de l’imposition future.
Les avantages liés au nouveau dispositif devraient se traduire, pour les grandes entreprises disposant d’impôts différés actifs significatifs, par de nouvelles charges s’expliquant par la baisse des taux d’imposition applicables en 2019, en 2021 et en 2022.
Transformation du CICE en allègement de charges
Le taux de CICE devrait diminuer de 7% à 6% pour les rémunérations versées au cours de l’année 2018, puis le CICE serait supprimé au 1er janvier 2019, cette suppression étant accompagnée d’un allégement permanent de cotisations sociales de 6 points pour les rémunérations n’excédant pas 2,5 fois le SMIC, et un allègement jusqu’à 10 points, pour les rémunérations au niveau du SMIC (l’allègement est dégressif jusqu’à 1,6 fois le SMIC).
En 2019, la baisse de charges produira un effet intéressant en termes de trésorerie, puisque son effet sera immédiat et se cumulera avec le bénéfice du CICE au titre de l’année 2018.
Cette transformation du CICE en baisse de charges patronales devrait entraîner une augmentation mécanique du résultat taxable, de l’IS et de la contribution de 3,3% (à taux constant), ainsi que de la réserve spéciale de participation des salariés (en lien avec l’augmentation du bénéfice net pris en compte, et malgré l’impact à terme sur les capitaux propres) et du forfait social.
En substance, un CICE de 100 transformé demain en un allégement de charges de 100 devrait se traduire par un IS supplémentaire d’environ 32 (sur la base d’un taux d’IS – majoré de la contribution – de 32,02% en 2019) et par un surcoût en matière de participation que l’on peut évaluer, forfait social inclus, à 6, en retenant un ratio salaires / valeur ajoutée de 15%.
La transformation du CICE en baisse de charges patronales devrait en revanche être sans conséquence sur le calcul de la CVAE, le CICE étant actuellement comptabilisé (conformément à la note d’information de l’ANC du 28 février 2013) au crédit d’un sous-compte dédié du compte 64 « charges de personnel », et les charges de personnel n’étant pas déductibles de la valeur ajoutée prise en compte pour le calcul de la CVAE.
Auteurs
Christophe Leclère, avocat, droit fiscal
Adrien Sanvelian, avocat, droit fiscal