Contenu de la facture d’un commissionnaire de transport
Des sociétés exploitant des magasins de distribution d’ameublement sous diverses enseignes ont, sans contrat écrit, confié le transport de leurs marchandises pendant plus de vingt ans à une société commissionnaire de transport.
Soutenant avoir découvert l’existence d’une marge « dissimulée » par ce dernier, intégrée dans les coûts de fret facturés et contraire à leurs accords, elles ont mis fin à leurs relations contractuelles et l’ont assigné en responsabilité, le 23 mai 2013, afin d’obtenir la communication de l’ensemble des factures de fret émises par les transporteurs depuis le 6 décembre 2007 et d’être indemnisées de leur préjudice.
Cette demande a été rejetée aux motifs, d’une part, que la revente avec marge d’une prestation acquise d’un sous-traitant est légitime et correspond à la pratique normale des affaires et, d’autre part, qu’aucun contrat écrit ou élément établissant que le commissionnaire avait renoncé à la facturation d’une marge commerciale sur le prix du transport qu’il payait au transporteur n’avait été produit.
La Cour de cassation a estimé que les factures émises par le commissionnaire à l’égard de son commettant étaient conformes aux exigences de l’article L.441-3 du Code de commerce : en effet, elles mentionnaient bien le « prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus », lequel peut s’entendre du prix effectivement payé par le donneur d’ordre au commissionnaire. La facture n’avait pas à mentionner le prix effectivement payé par le commissionnaire au transporteur.
Cette solution de la Chambre commerciale diverge de celle qui avait été retenue par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, dans un schéma identique de commissionnaire de transport à l’achat (Cass. crim., 19 février 2003), selon laquelle en pareille situation la facture du commissionnaire ne pouvait pas se contenter d’indiquer un prix forfaitaire et le prix du transport, comme celui de la commission, devaient être indiqués afin que le commettant puisse s’assurer du rôle d’intermédiaire joué par le commissionnaire.
Sans doute la position de la Chambre commerciale résulte-t-elle des dispositions de la réglementation spécifique au secteur des transports et notamment du contrat type de commission de transport issu du décret 2014-530 du 22 mai 2014 qui prévoit en son article 10.1 que « le prix est librement fixé sur la base des informations fournies par le donneur d’ordre. Il comprend le coût des différentes prestations fournies, notamment le prix du transport stricto sensu, incluant toute éventuelle instruction spécifique, le cas échéant, celui des prestations accessoires convenues, auxquels s’ajoutent les frais liés à l’établissement et à la gestion administrative et informatique du contrat de transport ainsi que le coût de l’intervention du commissionnaire ».
La portée de cet arrêt doit donc, à notre avis, être limitée au seul schéma de la commission de transport, la solution dégagée par la Chambre criminelle rappelée ci-dessus devant continuer à s’appliquer aux relations entre les commettants et les commissionnaires opérant dans d’autres secteurs que celui du transport.
Cass. com., 20 septembre 2017, n°16-17152
Auteur
Nathalie Pétrignet, avocat associée, spécialisée en matière de droit de concurrence national et européen, pratiques restrictives et négociation commerciale politique de distribution et aussi en droit des promotions des ventes et publicité.