2018, année de la régulation de l’innovation digitale ?
Alors que l’année 2017 a marqué l’aboutissement des dernières réformes post-crise imposant aux établissements bancaires et financiers un alourdissement de leurs obligations réglementaires, ces derniers doivent désormais faire face à de nouveaux défis bien plus structurants liés au déploiement de technologies innovantes par de nouveaux entrants dans leur domaine d’activité.
Pour répondre à ces enjeux, les acteurs traditionnels sont contraints de cibler leurs efforts sur la maîtrise des coûts et l’efficacité opérationnelle pour recentrer leur champ d’intervention sur les activités à forte valeur ajoutée et repenser ainsi leur offre de service.
Face à cette évolution durable des modèles d’activité, les régulateurs sont contraints d’opérer des choix stratégiques particulièrement engageants.
En effet, si la supervision unique et la convergence ont été le leitmotiv des régulateurs basés en Europe continentale, force est de constater que l’irruption des nouvelles technologies dans les différents métiers de la banque et de la finance et les gisements d’opportunité considérables qu’elles représentent poussent les Etats vers une logique de concurrence réglementaire et politique accrue.
Désormais, face aux stratégies de régulation faisant la promotion de l’équilibre entre la protection de l’investisseur et les incitations à l’innovation défendues par de grands Etats tels que la France, l’Allemagne et les Etats-Unis (au niveau fédéral) s’opposent, de manière plus frontale que par le passé, des stratégies de régulation qualifiées par certains de « course au moins-disant réglementaire ». Sont ainsi pointés du doigt des Etats comme la Suisse, le Royaume-Uni, Malte, Chypre ou bien encore Israël et Singapour s’agissant du recours aux intelligences artificielles ou au lancement d’Initial Tokens/Coins Offerings (« ITOs/ICOs« ).
Ces rapports de force conduisent logiquement les premiers à pousser pour une approche concertée au niveau international et européen. Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que l’année 2018 sera marquée par le lancement de chantiers de coordination internationale avec en première ligne:
- la préparation de la Présidence argentine du G 20 avec à l’agenda des réflexions sur l’encadrement des monnaies virtuelles ;
- la publication du plan d’action Fintechs de la Commission européenne le 7 mars 2018 ;
- l’adoption en France du « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (Pacte) comprenant différents volets en lien avec les activités proposées par les Fintechs (ICOs, gamme de services pouvant être proposés par des nouveaux entrants, etc.) ; et
- la poursuite des réflexions des différentes task forces du Financial Stability Board et de l’Organisation internationale des commissions de valeurs mobilières et sur les risques émergents liés aux nouvelles technologies.
Quels que soient les impacts des orientations futures en matière de régulation et de supervision financière, l’approche poursuivie par les autorités compétentes devrait donc s’articuler autour de deux grands principes directeurs :
- la gestion des risques émergents liés à l’irruption de nouvelles technologies (dont la plupart n’ont pas encore été clairement identifiés) dès lors que ces risques pourraient avoir des effets sur la stabilité financière et la sécurité des marchés ; et
- le traitement concurrentiel des acteurs de marché. A cet égard, la question qui se pose est celle de la détermination du cadre réglementaire applicable aux nouveaux entrants et, précisément, celle de savoir si ce dernier sera sensiblement différent de celui auxquels sont soumis les acteurs traditionnels qu’ils concurrencent désormais.
Encadrement des activités Fintechs
UE : plan d’action transverse aux nouvelles technologies (7 mars 2018)
Régulation des DLT
UE : EU Blockchain & Observatory Forum + consultation publique sur un EU DLT pour les entreprises européennes cotées
France : publication des décrets d’application de l’ « Ordonnance DLT » (avril 2018)
ITOs/ICOs
UE : évaluation du cadre existant par les trois régulateurs européens (ESAs)
France : volet ITOs/ICOs dans le projet Pacte (fin 2018) et modifications de la réglementation de l’AMF
Monnaies virtuelles :
International : Orientations G 20 sur la régulation des monnaies virtuelles
UE : évaluation du cadre existant par les ESAs et table-ronde (second semestre 2018)
France : mission ministérielle confiée à Jean-Pierre Landeau
Auteurs
Karima Lachgar, Head of Market Intelligence & Regulatory Watch
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services financiers