Renforcement des obligations informatives à la charge des opérateurs de plates-formes en ligne par trois décrets du 29 septembre 2017 : le point sur un régime complexe
Le droit de la consommation impose aux professionnels des obligations informatives complexes et extrêmement fournies. Le 29 septembre 2017, trois nouveaux décrets sont venus encore alourdir ces règles visant particulièrement les opérateurs de plates-formes en ligne. L’occasion de faire un point sur les obligations qui leur sont applicables.
Rappel des règles en vigueur
On sait que le Code de la consommation prévoit plusieurs strates d’obligations informatives, dont l’application dépend de la nature des contrats en cause. Aux obligations générales applicables à tout contrat conclu entre professionnels et consommateurs (articles L.111-1 et suivants du Code de la consommation), s’ajoutent les obligations propres à chaque type de contrat. Les obligations applicables aux opérateurs de plates-formes en ligne sont ainsi énoncées aux articles L.111-6 et suivants, celles applicables aux contrats conclus à distance font l’objet des articles L.221-1 et suivants, ainsi de suite.
Ces obligations étant cumulatives, elles constituent une réelle préoccupation pour le professionnel concerné, d’autant plus que les sanctions encourues ne sont pas anodines.
Pour autant, le Code de la consommation ne prévoit aucune formalité spécifique pour la communication de ces informations que l’on pourrait qualifier de « droit commun ». Il faudra, pour déterminer le formalisme applicable, se référer aux mécanismes et usages provenant notamment du Code civil… et faire preuve de bon sens. De manière certaine, il pourra être retenu que l’information doit être fournie avant la signature du contrat. Surtout, cette obligation étant mise à la charge du professionnel, ce dernier préférera un support écrit pour des raisons probatoires évidentes.
La notion de support durable, dont les contours sont ambigus, semble être cantonnée aux contrats conclus à distance (articles L.221-1 et suivants du Code de la consommation).
Les opérateurs de plate-forme en ligne, comme tout professionnel, doivent se conformer a minima à ces obligations générales. Ils sont également redevables d’obligations informatives spécifiques issues de deux sources complémentaires :
- le Code de la consommation dont les articles L.111-6 et suivants ont été modifiés par la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique ; et
- la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).
Les obligations propres aux opérateurs de plate-forme en ligne
Les opérateurs de plate-forme en ligne sont définis à l’article L.111-7 I du Code de la consommation tel que modifié par l’article 49 de la loi pour une République numérique, comme : « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ».
Tout opérateur entrant dans le champ de cette définition est soumis aux obligations décrites aux articles L.111-6 à L.111-7-2 du Code de la consommation, qui concernent essentiellement la fourniture d’informations loyales, claires et transparentes sur les conditions d’utilisation du service, la qualité des annonceurs et la nature des relations contractuelles ou de tout autre lien influençant le classement des annonceurs sur la plate-forme.
Par ailleurs, et pour complexifier un système déjà difficilement lisible, l’article 19 de la LCEN ajoute des mentions informatives obligatoires, se recoupant largement avec les obligations de droit commun prévues par les articles L.111-1 et suivants du Code de la consommation.
Conformément à l’article 14 de la LCEN, ces dispositions s’appliquent à toute activité de commerce électronique, définie comme « l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services ». Ce texte est donc pleinement applicable aux opérateurs de plateformes en ligne.
Outre ces deux sources, les opérateurs de plates-formes en ligne devront désormais prendre en compte trois nouveaux corps de règles spécifiques issus des décrets du 29 septembre 2017. Au vu de l’exposé de l’état des obligations informatives, on comprend alors que l’ajout de règles supplémentaires vient encore alourdir le dispositif existant.
Ces décrets ont été pris en application de la loi pour une République numérique et intégrés au Code de la consommation.
Ce décret précise le contenu de l’obligation d’information selon la nature de l’activité de l’opérateur, ainsi que les modalités de communication de ces informations. L’opérateur est tenu de respecter des « bonnes pratiques », dans un souci de transparence et de loyauté. La date d’entrée en vigueur de ces dispositions est fixée au 1er janvier 2018.
Ce décret définit le nombre de connexions (5 millions de visiteurs par mois) au-delà duquel les opérateurs de plates-formes en ligne doivent élaborer et diffuser aux consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer les obligations de clarté, de transparence et de loyauté mentionnées à l’article L.111-7 du Code de la consommation. La date d’entrée en vigueur de ces dispositions est fixée au 1er janvier 2019.
Ce dernier décret impose une obligation de transparence quant à l’existence et au fonctionnement des éventuelles procédures de contrôle et de classement des avis. L’opérateur est également tenu d’indiquer l’existence ou non d’une contrepartie fournie en échange du dépôt d’un avis, ainsi que le délai maximal de publication et de conservation des avis. La date d’entrée en vigueur de ces dispositions est fixée au 1er janvier 2018.
On notera d’emblée que ces décrets sont muets quant au formalisme applicable à la délivrance de ces obligations informatives. Alors que les informations propres, par exemple, aux contrats conclus à distance, doivent être fournies sur un support dit « durable », ces décrets ne donnent aucune indication similaire. En l’absence d’exigence légale expresse, il semble que les informations devant être communiquées au titre des dispositions applicables aux opérateurs de plates-formes en ligne peuvent l’être sur tout support et ne sont pas soumises à l’exigence de support durable.
En tout état de cause, ces nouvelles obligations ne sont pas surprenantes eu égard à la spécificité de l’activité de plates-formes en ligne. Le souci général de transparence lié au développement de l’Internet explique le renforcement de la protection du consommateur.
Cependant, au regard de nos précédents développements, on comprend que l’entrée en vigueur de ces décrets ne permettra pas une rationalisation du régime. A contre-courant de la tendance actuelle à la rationalisation des textes légaux, ce domaine du droit de la consommation souffre encore d’une inflation législative.
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Clotilde Patte, juriste, droit de la propriété intellectuelle