Une donation peut être réalisée par société interposée
En principe une donation appauvrit le donateur et enrichit corrélativement le donataire. C’est le cas lorsqu’un père donne directement son entreprise à son fils. Mais que se passe-t-il lorsque le père avantage une société dont son fils est associé ? L’écran constitué par la personnalité morale de la société interposée est-il un obstacle à l’existence d’une telle donation ?
La Cour de cassation répond négativement à cette question dans un arrêt du 24 janvier 2018. Malgré l’existence de la société interposée qui a bénéficié de l’enrichissement, elle considère que le réel donataire est le fils associé de ladite société. Au cas particulier, sous couvert d’un simple contrat de location gérance au profit d’une société créée et gérée par son fils, un père avait en réalité transféré la propriété de son fonds de commerce.
En conséquence, dans la succession du père, le fils doit rapporter l’augmentation de valeur procurée aux titres sociaux par ce transfert. De ce fait, les autres héritiers bénéficieront également de cet enrichissement comme si le fonds de commerce n’avait jamais quitté le patrimoine du père. Cet enjeu civil se double d’un enjeu fiscal car la donation doit être rappelée dans la succession pour y être taxée.
La portée de cet arrêt est considérable car la solution adoptée est susceptible de s’appliquer à tous les avantages que des parents procurent indirectement à leur enfant sous couvert d’opérations de financement ou de restructuration de sociétés familiales dont leur enfant est associé.
A retenir
L’existence d’une société interposée entre le père et son fils associé n’empêche pas qu’une donation puisse être considérée comme ayant été consentie directement par le père à son fils.
Auteur
Sylvie Lerond, avocat counsel, responsable du service droit du patrimoine