Clause de non-concurrence dans les franchises de restauration rapide
Un litige opposait un franchisé du réseau de restauration rapide Quick, spécialisé dans la vente de hamburgers et son gérant au franchiseur quant à l’étendue de la clause de non-concurrence insérée dans leur contrat de franchise.
La clause était ainsi rédigée :
« Pendant toute la durée du présent contrat, le franchisé et l’intervenant s’interdisent de créer, participer, exploiter ou s’intéresser d’une quelconque manière, directement ou indirectement, par eux-mêmes ou par personne interposée, seul ou conjointement avec une autre personne, entreprise ou société, en quelque qualité que ce soit et notamment en qualité d’actionnaire, administrateur, dirigeant de droit ou de fait, mandataire, gérant, salarié ou associé, à toute entreprise, société ou commerce ayant une activité identique, substituable ou similaire et qui serait dès lors concurrente de celle de l’une des unités du réseau Quick en franchise ou non relevant de la restauration rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison à domicile quelle qu’elle soit […],sauf accord préalable écrit du franchiseur qui répondra dans les 30 jours de la demande. »
Ayant découvert que le gérant de son franchisé détenait directement ou indirectement une participation majoritaire dans une société exploitant un restaurant sous enseigne Pizza Hut, spécialisée dans la vente de pizzas, alors qu’il s’y était expressément opposé, le franchiseur avait saisi le juge d’une demande de résiliation du contrat de franchise pour non-respect de l’obligation de non-concurrence et en paiement de la clause pénale prévue par le contrat, d’un montant de 150 000 euros.
Les sociétés Quick et Pizza Hut ayant une activité de restauration rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison rapide, la cour d’appel de Paris devait déterminer si la vente de pizzas et de hamburgers sont des activités substituables ou similaires dans le cadre de cette activité.
Après avoir rappelé que sont considérés comme substituables et se trouvant sur le même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande, la Cour s’est attachée à examiner le comportement du demandeur à l’aune de plusieurs indices : nature du bien, utilisation qui en est faite, caractéristiques de l’offre, à savoir les stratégies de commercialisation mises en place par les offreurs, comme la différenciation des produits ou celle des modes de distribution, différences de prix ou préférences des demandeurs.
A cet égard, la Cour relève que si une note de la DGCCRF, portant sur la restauration hors domicile, distingue bien plusieurs familles au sein de la restauration rapide selon la nature des produits vendus (hamburgers, sandwiches, viennoiseries, pizzas, sushis, etc.), cette seule différence ne peut occulter les autres points communs à tous les acteurs de ce marché à savoir essentiellement : un service presque instantané ; un produit à faible coût ; des choix de menus limités et standardisés ; des articles avec des spécificités et une qualité constante, élaborés avec des produits alimentaires semi-élaborés ou finis ; des ventes aux comptoirs avec des produits (nourriture et boissons) pouvant être consommés sur place ou à emporter ; une vaisselle et un conditionnement jetable ; des horaires d’ouverture larges ; des méthodes ou systèmes pouvant être mis en œuvre par une main d’œuvre semi-qualifiée.
Enfin, la clientèle visée regroupe les jeunes, les familles, les actifs, les touristes, ayant un mode de consommation précis : pause courte et nomadisme alimentaire.
Les modes de fabrication et de consommation sont en revanche, selon la Cour, des critères inopérants.
Pour la Cour d’appel, le consommateur qui fait le choix du secteur de la restauration rapide le fera en raison des particularités de ce secteur (prix et mode de distribution) et non pas des produits proposés : ainsi, il choisira un hamburger indifféremment d’une pizza.
Elle en a déduit que, lorsqu’ils sont vendus par des restaurants de restauration rapide, un hamburger et une pizza constituent des produits substituables. Les activités de Quick et de Pizza Hut étant par ailleurs concurrentes, puisque relevant du secteur de la restauration rapide, la clause de non-concurrence qui visait expressément ce secteur était applicable au litige (CA Paris, 13 décembre 2017, n°15/20195).
La Cour conclut à sa violation par le franchisé et son gérant dans la mesure où la prise de participation de ce dernier dans la société exploitant le restaurant sous enseigne Pizza Hut constituait une prise de participation prohibée par cette clause.
Elle prononce en conséquence la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchisé et de son gérant. En revanche, elle réduit le montant dû au titre de la clause pénale de 150 000 à 10 000 euros, en application de son pouvoir de modération (article 1231-5 nouveau du Code civil).
Auteur
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat counsel au sein du département de doctrine juridique