Le traitement fiscal des ventes à réméré d’immeubles
La vente à réméré est prévue à l’article 1659 du Code civil, aux termes duquel « la faculté de rachat est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement dont il est parlé à l’article 1673 ».
Le réméré est une institution ancienne du Code civil, qui connait actuellement un regain d’utilisation en tant qu’instrument de financement, par le biais d’une cession temporaire d’un immeuble. Aussi, se développe la pratique de telles ventes d’immeubles, proposées par des investisseurs personnes morales, et il nous est apparu intéressant de préciser le cadre fiscal dans lequel ces opérations s’inscrivent.
En matière d’impôts directs
Lorsque dans un contrat de vente (et ceci vaut pour une vente d’immeuble), le cédant s’est réservé la faculté de reprendre la chose vendue moyennant restitution du prix et des accessoires dans un délai n’excédant pas cinq ans (C. civ., art. 1659, 1660 et 1673), il faut considérer que la possibilité d’exercer le droit de rachat dans le délai stipulé constitue seulement une condition résolutoire replaçant les parties dans le même état où elles se trouvaient avant la vente1.
Ainsi, à la suite de l’exercice de la faculté de rachat, la résolution de la vente qui en découle doit replacer les parties dans leur situation initiale. Il en résulte les conséquences suivantes.
- S’agissant des acquéreurs (cessionnaires), personnes morales
Lorsque la faculté de rachat est exercée en temps utile, elle annule le contrat de vente et le transfert de propriété qui en avait été la conséquence.
L’annulation de la vente doit donc être constatée dans les résultats de l’exercice en cours à la date de l’exercice de la faculté de rachat.
Lors de conclusion de la vente
L’acquéreur a acquis l’immeuble pour le prix stipulé dans l’acte et l’a inscrit à l’actif de son bilan comme s’il s’agissait d’une acquisition ordinaire.
Lors de l’exercice de la faculté de rachat
Lors de l’annulation de la vente, l’entreprise cessionnaire se voit restituer le prix qu’elle a acquitté pour acquérir le bien objet de la vente annulée et doit en contrepartie remettre le bien au cédant.
En pratique, il est le plus souvent constaté que le cessionnaire ne réalise pas, à l’occasion de la résolution, de profit ou de perte économique compte tenu du fait que le vendeur s’engage en principe à rembourser non seulement le prix principal, mais encore les frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires, etc.
Il n’en demeure pas moins que compte tenu de l’annualité des exercices fiscaux, la société cessionnaire peut réaliser un profit au titre de l’exercice de résolution de la vente.
Par ailleurs, il faut tenir compte de l’impact des amortissements antérieurement déduits si le bien acquis a fait l’objet d’amortissement et de la réintégration des provisions le cas échéant constatées et qui deviennent sans objet du fait de l’annulation de la vente, dont les montants majorent à due-concurrence le produit de « résolution » de la cession d’immeuble.
- S’agissant des cédants
Lors de la conclusion de la vente
Lors de la vente à réméré, le vendeur constate une plus-value ou une moins-value correspondant à la différence entre le prix de d’acquisition et le prix de cession de l’immeuble relevant soit du régime des BIC/IS2 soit de celui des plus-values immobilières des particuliers selon que le cédant est une personne physique ou une entreprise.
Lors de l’exercice de la faculté de rachat
Dans l’hypothèse où le contrat de vente est résolu ou rescindé, le cédant peut obtenir, sur réclamation, une restitution des impositions initialement acquittées. La demande de dégrèvement de l’imposition initialement établie peut être présentée dans un délai dont le point de départ est constitué par la date de la résolution et qui expire le 31 décembre de la deuxième année suivant cette date3.
Par ailleurs, dès lors que l’anéantissement rétroactif du contrat, qui résulte de la résolution de la vente portant sur un immeuble, a en principe pour effet de replacer les parties dans la situation antérieure à la vente, l’Administration avait indiqué qu’en cas de revente ultérieure du même immeuble, la plus-value imposable devait être calculée sur la base du prix d’acquisition initial et que, de même, la date d’acquisition de l’immeuble à retenir devait correspondre à la date d’entrée d’origine du bien dans le patrimoine du cédant.
A titre d’exemple, l’administration fiscale avait précisé que ces principes étaient notamment applicables pour le calcul de la plus-value réalisée lors de la revente d’un bien acquis par une société civile immobilière lorsqu’une résolution judiciaire avait été prononcée à son profit pour défaut de remboursement du solde du prix de vente par l’acquéreur4.
Si cette solution n’a pas été reprise dans la base BOFiP5, elle parait conserver son bien-fondé.
En matière de TVA
Il résulte de l’article 1673 du Code civil que « le vendeur qui use du pacte de rachat doit rembourser non seulement le prix principal, mais encore les frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires, et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu’à concurrence de cette augmentation. Il ne peut entrer en possession qu’après avoir satisfait à toutes ces obligations ».
Au plan de la TVA, l’administration fiscale a précisé que, sous réserve que la faculté de rachat ait été prévue dans le contrat de vente lui-même et que le rachat soit effectué dans le délai stipulé audit contrat, l’exercice du réméré est considéré comme l’accomplissement d’une condition résolutoire.
Il ne fait alors aucun doute que l’exercice du réméré faisant jouer une clause résolutoire, la restitution de l’immeuble et du prix au vendeur initial ne constituent pas une nouvelle mutation de l’immeuble, qui relèverait de la TVA si celui-ci est achevé depuis moins de cinq ans, et l’acte est simplement enregistré au droit fixe de 125 euros.
Plus énigmatique est la question du régime de TVA des sommes s’ajoutant au prix restitué : s’agit-il de dommages et intérêts réparant un préjudice, donc de sommes hors du champ d’application de la TVA ? Ou bien d’agios exonérés de TVA car rémunérant une forme de crédit ? Ou bien encore d’une prestation de services soumise à la TVA ?
La seule jurisprudence existant, à notre connaissance sur ce point, est un jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 29 septembre 2017, ayant jugé que cette « marge » est la contrepartie d’une prestation soumise à la TVA car : « la base de la taxe litigieuse constitue la contrepartie de la possibilité de résolution de l’acte authentique de cession immobilière ». Mais, cette solution méritera d’être confirmée, car à vrai dire nous ne voyons pas en quoi cette caractéristique, inhérente à cette forme de vente, constituerait une prestation de services détachable de la vente elle-même !
Au plan des droits d’enregistrement
L’acte constatant le réméré est passible de la taxe de publicité foncière au taux fixe de 125 euros prévu par l’article 680 du Code général des impôts.
Mais, la perception de cette taxe fixe, à l’exclusion du droit proportionnel, est subordonnée à l’accomplissement des conditions suivantes :
- la faculté de réméré doit avoir été stipulée dans le contrat même de vente ;
- le retrait doit être exercé dans le délai stipulé qui ne peut excéder cinq années ;
- l’acte constatant le retrait doit revêtir la forme authentique ou avoir date certaine avant l’expiration du délai, même autrement que par l’enregistrement ;
- le retrait doit être exercé par le vendeur lui-même ou son ayant cause à titre universel et non par un tiers cessionnaire de la faculté de rachat.
En conclusion, il apparait que la vente à réméré est un contrat qui permet une solution de crédit intéressante autorisée par la garantie que constitue le transfert de propriété de l’immeuble, mais qui nécessite d’anticiper différentes problématiques fiscales.
Notes
1 BOI-ENR-DMTOI-10-10-30-40 n°60.
2 Bénéfices industriels et commerciaux/impôts sur les sociétés.
3 BOI-RFPI-PVI-10-30 n°30, 11 février 2013
4 Rép. Houillon : AN 22 août 1994 p. 4272 n°15716.
5 Bulletin officiel des finances publiques.
Auteurs
Richard Foissac, avocat associé, fiscalité
Philippe Tournès, avocat associé, TVA
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