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Consultation publique de l’ARCEP sur le projet de recommandation relatif à la cohérence des déploiements des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné

Consultation publique de l’ARCEP sur le projet de recommandation relatif à la cohérence des déploiements des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné

Plus de neuf mois après les annonces de SFR tendant à « fibrer » tout le territoire et de six mois après l’avis n°2017-1293 du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat sur la couverture numérique du territoire, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a mis en consultation publique un ensemble de projets de recommandations relatives à la cohérence du déploiement des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH), qui visent :

  • d’une part, à clarifier l’interprétation du cadre réglementaire actuel;
  • d’autre part, à exposer sa vision des actions que les opérateurs devraient mener dans le cadre du déploiement des réseaux FttH pour assurer une bonne articulation des réseaux privés et publics.
    Le régulateur craint en effet aujourd’hui que certaines pratiques mises en œuvre par des opérateurs ne fassent peser des risques sur la cohérence des déploiements, tenant en particulier à:
  • des stratégies de préemption de territoires par des opérateurs d’infrastructure, c’est-à-dire la publication de projets de déploiement non suivis rapidement de mise en œuvre, avec pour effet de dissuader d’autres opérateurs de déployer plus promptement leurs réseaux ;
  • la superposition inefficace de réseaux, c’est-à-dire la publication de projets de déploiement couvrant des territoires déjà couverts par des réseaux ou par des projets.
    Des critiques portent ainsi sur des pratiques de SFR en Alsace, mais également d’Orange dans les Yvelines : ces opérateurs nationaux ont déployé leur réseau, sur fonds propres, dans certaines communes situées dans le périmètre de réseaux d’initiative publique (RIP) ou de projets ayant fait l’objet d’une convention d’engagements avec une collectivité locale.
  • l’écrémage, c’est-à-dire des projets qui ne prévoient pas la couverture des lignes les plus coûteuses, tout en rendant impossible leur couverture par un autre opérateur.

L’Autorité estime que ces pratiques sont a priori inefficaces et contradictoires avec plusieurs objectifs de régulation fixés par la loi, notamment le développement des investissements et l’aménagement numérique des territoires.

Les projets de recommandations ont pour objectif d’inviter les opérateurs d’infrastructure à mieux articuler leurs déploiements et à assurer la meilleure mobilisation des capacités industrielles de chacun en faveur du déploiement efficace et cohérent des nouveaux réseaux en fibre optique.

Les acteurs du secteur avaient jusqu’au 15 mai 2018 pour transmettre leurs observations à l’ARCEP, en particulier s’agissant des conséquences de ces pratiques et des modalités permettant de les prévenir au mieux. A noter que le régulateur s’interroge sur la manière de renforcer la portée et les modalités de mise en œuvre de la consultation préalable des opérateurs prévue par les décisions n°2010-1312 du 14 décembre 2010 et n°2015-0776 du 2 juillet 2015, de sorte que le déploiement des réseaux ne puisse démarrer avant l’accomplissement en bonne et due forme des règles y afférentes.

Observations complémentaires :

On ne peut que se montrer satisfaits que l’ARCEP se saisisse enfin des pratiques de déploiement de certains opérateurs, potentiellement « déloyales ». Les documents mis en consultation publique conduisent toutefois à quelques observations :

  • d’une part, cette consultation publique n’aboutira qu’à un ensemble de recommandations qui, par nature, n’auront pas de portée contraignante. Or, du fait du nombre des pratiques dénoncées, on était fondé à penser que l’ARCEP prendrait plutôt une décision tendant à préciser ou à modifier le cadre juridique du déploiement des réseaux à fibre optique, impérative pour les opérateurs ;
  • d’autre part, les projets de recommandations ont vocation à compléter les engagements que des opérateurs souhaitent proposer au Gouvernement, relatifs au déploiement de la fibre en zones moins denses d’initiative privée (zones « AMII »), dont l’ARCEP serait saisie conformément à l’article L.33-13 du Code des postes et des communications électroniques. Ces projets viennent ainsi préciser les règles du jeu des déploiements, tandis que le dispositif fondé sur l’article L.33-13 du Code porte sur l’ampleur et le calendrier desdits déploiements. Il faut cependant souligner que les doutes sont nombreux sur la réalité des sanctions susceptibles de frapper Orange et SFR dans le cas où ces opérateurs ne respecteraient pas les engagements qu’ils ont récemment publiés.

Il convient désormais d’attendre la publication de ces textes, qui mériteront alors une analyse plus approfondie. Il sera intéressant de voir si l’ARCEP adopte une position tranchée, compte tenu notamment des messages portés par certains acteurs lors du GRACO du 4 avril dernier à propos des bienfaits des pratiques de ces opérateurs pour accélérer la couverture en très haut débit du territoire.

 

Auteur

Audrey Maurel, avocat, droit des communications électroniques