UberPop une nouvelle fois qualifié de service de transport par la CJUE
Après avoir récemment qualifié UberPop de « service dans le domaine des transports » (CJUE, 20 décembre 2017, C-434/15, Asociación Profesional Elite Taxi c/ Uber Systems SpainSL), ce qui a notamment pour conséquence d’exclure l’application des règles de droit de l’Union européenne applicables aux « services », telles la directive 2006/123 du 12 décembre 2006, et de soumettre ce type de prestations aux règles spécifiques prévues par le Traité en matière de transport, la Cour de justice de l’Union européenne réitère cette analyse, tout en l’appliquant de manière encore plus large à la notion de « service de la société de l’information ».
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de décembre 2017, la directive 2006/123 excluait expressément de son champ d’application les « services de transport ». La question était donc de savoir si, dans le service en cause, l’aspect « transport » primait sur la prestation de services d’intermédiation ; la Cour avait conclu positivement.
La question préjudicielle qui lui était posée cette fois-ci par le tribunal de grande instance de Lille concernait le point de savoir si l’interdiction, introduite par la loi dite « Thévenoud » en 2014 et codifiée à l’article L.3124-13 du Code des transports, d’organiser des systèmes de mise en relation entre clients et personnes fournissant, sans autorisation, à titre onéreux, des prestations de transport, constituait une règle relative aux « services de la société de l’information » soumise à l’obligation de notification préalable prévue par la directive 98/34 du 22 juin 1998 (remplacée aujourd’hui par la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015). Si le service d’Uber avait reçu cette qualification, la règle nationale aurait été invalide et inopposable, puisque la France n’avait pas notifié les dispositions de la loi Thévenoud à la Commission européenne préalablement à leur entrée en vigueur.
Dans cette affaire, la Cour reprend le même raisonnement que celui appliqué en décembre 2017 consistant à déterminer si, dans la prestation en cause le caractère numérique du service qui pourrait entraîner sa qualification de « service de la société de l’information » est ou non accessoire à la prestation de transport (le service de la société de l’information étant défini comme tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services). Se référant directement à son arrêt du 20 décembre 2017 la Cour indique que, sous réserve de la vérification par le juge national que le service d’intermédiation concerné est bien, en substance, identique à celui qu’elle a qualifié de « service dans le domaine des transports » dans cet arrêt, le service en cause ne peut être qualifié de « service de la société de l’information » puisqu’il s’agit d’un service d’intermédiation qui « fait partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est le service de transport » et constitue donc à ce titre un « service dans le domaine des transports ». Comme elle l’avait déjà fait dans la précédente affaire UberPop, la Cour fait ici primer au terme d’un raisonnement « par analogie » l’aspect « transport » sur l’aspect « numérique » du service pour exclure celui-ci du champ d’application de l’obligation de notification (CJUE, 10 avril 2018, C-320/16, Uber France).
Auteurs
Claire Vannini, avocat associé, droit de la concurrence national et européen
Lola Nihotte, avocat, droit européen et concurrrence