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Nouvelle convention franco-luxembourgeoise : quels impacts pour les investisseurs français?

Luxembourg

Le Luxembourg a longtemps été une plate-forme incontournable pour la structuration des investissements de private equity1.

Cette situation va sans doute devoir être reconsidérée en raison de la signature, le 20 mars 2018, d’une nouvelle convention fiscale qui ne se contente pas de remettre dans le droit commun les relations entre la France et le Luxembourg, mais aligne la pratique conventionnelle de la France sur les standards issus du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting).

Ainsi, la résidence2 est dorénavant fondée sur le critère de l’assujettissement à l’impôt et non plus sur le lieu du centre effectif de direction. Les entités luxembourgeoises non soumises à l’impôt sur les sociétés qui bénéficiaient préalablement de la convention sortent ainsi du champ d’application de la nouvelle convention.

S’agissant des dividendes3, la nouvelle convention reprend la définition élargie, qui assimile aux dividendes les revenus réputés distribués. Un taux de 15% s’applique de façon générale mais est susceptible d’être réduit à 0% en cas de distribution au bénéfice d’une société résidente de l’autre Etat, lorsque le bénéficiaire détient directement au moins 5% du capital de la société distributrice pendant une période de 365 jours incluant le jour du paiement des dividendes. Ce dispositif conventionnel est susceptible de faire échec à l’application de la retenue à la source sur les revenus distribués lorsque l’Administration remet en cause la déductibilité d’intérêts au titre d’un prêt accordé par un actionnaire luxembourgeois au motif que le taux appliqué aurait été supérieur au taux de marché.

Pour l’application des dispositions relatives aux intérêts et aux dividendes, les organismes de placement collectif « comparables » de chaque Etat peuvent bénéficier de la convention à hauteur des participations détenues par des résidents de chaque Etat, et par des résidents d’Etats avec lesquels le pays de source des revenus a conclu une convention d’assistance administrative4. En l’état de la législation5, qui prévoit une exonération, cette clause ne semble pas avoir vocation à jouer, d’autant que le droit interne ne s’intéresse pas au statut fiscal des porteurs de parts.

S’agissant des plus-values6, la France ne conservera son droit d’imposition que pour les plus-values réalisées sur des participations substantielles (i.e., ouvrant droit à 25% ou plus des bénéfices de la société) réalisées par des personnes physiques ayant résidé en France à tout moment au cours des cinq années précédant la cession.

Ce sont surtout les clauses anti-abus qui marquent une étape importante dans la pratique conventionnelle française. La clause la plus emblématique est celle qui dénie le bénéfice de la convention lorsque l’on peut raisonnablement conclure, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances propres à la situation, que l’octroi d’un avantage conventionnel était un des objets principaux d’un montage ou d’une transaction7. En outre, le préambule prévoit expressément que la convention n’a pas pour objet de créer des possibilités d’évasion fiscale ; ne sont pas considérés comme résidents les trustees ou fiduciaires8 ; des dispositifs particuliers ont été prévus en matière d’élimination des doubles impositions pour éviter les doubles exonérations9. Enfin, le protocole prévoit que la France peut appliquer ses mécanismes anti-abus10.

La convention pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2019. Et, quand bien même les opérateurs ont été sensibilisés aux risques d’abus liés à certaines structures luxembourgeoises en raison de l’attention toute particulière que leur porte l’administration fiscale, ils devront apprendre à composer avec le « motif principalement fiscal ».

Notes

1 Pour les aspects immobiliers, voir l’article « Nouvelle convention franco-luxembourgeoise : impacts et enjeux pour les investisseurs immobiliers français » par Julien Saïac et Mary Lédée paru dans la Lettre de l’Immobilier le mardi 22 mai 2018
2 Article 4
3 Article 10
4 Protocole, n° 1
5 Articles 119 bis 2 et 125 A III du Code général des impôts et en dehors du cas des Etats et territoires non coopératifs
6 Article 13
7 Article 28
8 Article 4§5
9 Article 22
10 Protocole n° 7

 

Auteur

Benoît Foucher, avocat en fiscalité internationale

 

Droit des contrats : une loi de ratification à ne pas négliger ! – Article paru dans La Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity  supplément du numéro 1467 du magazine Option Finance le 18 juin 2018