Cession de fonds de commerce : pas de transfert automatique des contrats liés à l’exploitation du fonds
Un concessionnaire automobile est contractuellement lié depuis près de cinq ans à un prestataire de services, spécialisé en nettoyage et transformation de véhicules, lorsqu’il cède son fonds de commerce. L’acte de cession du fonds mentionne en annexe les contrats repris par le cessionnaire. Il ne vise pas le contrat de prestations de services.
Deux mois après la cession du fonds de commerce, le cessionnaire, qui a confié au prestataire des travaux de nettoyage et de transformation de véhicules, cesse toute relation commerciale avec celui-ci faute d’accord sur le tarif des prestations. Le prestataire assigne alors tant le cédant que le cessionnaire ; ces derniers sont condamnés en première instance, le premier pour n’avoir pas respecté un préavis raisonnable sur le fondement de l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce, le second pour avoir poursuivi les relations avec le prestataire et refusé la tarification du prestataire sans avoir pu ignorer l’existence du contrat conclu par le cédant.
La Cour d’appel infirme la décision de première instance et exclut la responsabilité du cessionnaire qui n’était pas tenu de respecter le préavis d’un contrat qui ne lui était pas opposable (CA Paris, 12 janvier 2018 n°15/20452). En revanche, elle confirme la responsabilité du cédant pour avoir rompu le contrat de prestations de services, sans avoir respecté un préavis conforme aux critères posés par l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce et la jurisprudence subséquente. La Cour d’appel relève qu’en ayant procédé à la vente de son fonds de commerce sans faire insérer le contrat de prestations parmi les contrats cédés, le cédant avait mis fin brutalement de facto à la relation commerciale entretenue avec le prestataire, la relation ayant débuté avec la société acquéreuse n’étant pas une poursuite de la relation ancienne mais une nouvelle relation commerciale.
Cette analyse est classique. Sauf exceptions légales (tels notamment les contrats de travail et d’assurance), la cession d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit le transfert à l’acquéreur des contrats précédemment conclus pour l’exploitation du fonds (Cass. Com., 24 juin 1997, n°94-16.929 ; Cass. Com., 20 octobre 2009, n°07-18.687), sauf mention expresse de l’acte de cession de fonds (Cass. com., 18 septembre 2007, n°05-20.708).
Les nouvelles dispositions du Code civil qui reconnaissent la cession de contrat ne sont pas de nature à modifier cette solution jurisprudentielle. Les articles 1216 et suivants du Code civil admettent en effet cette cession tout en précisant ses conditions et ses effets mais, si ces textes insistent sur l’accord du cédé, en l’occurrence, le prestataire, il n’en demeure pas moins que le cessionnaire doit également accepter de reprendre les droits et obligations du contrat en cause. Ainsi, la réforme du droit des obligations n’a pas remis en cause le principe selon lequel une cession de fonds de commerce n’emporte pas de plein droit le transfert des contrats nécessaires à l’exploitation du fonds cédé.
Auteur
Brigitte Gauclère, avocat counsel, droit commercial, droit de la distribution et immobilier