Les actions de préférence revigorées par le projet PACTE
Parmi les très nombreuses dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (dite « loi PACTE« ) présenté au Conseil des ministres le 18 juin 2018, les rédacteurs du texte ont réservé une place centrale à celles qui ambitionnent d’améliorer le financement des entreprises. Sous cette rubrique, on doit faire état de plusieurs mesures concernant les actions de préférence, dont le régime serait ainsi « sécurisé et modernisé » (Projet, art. 28).
Rappelons simplement que les actions de préférence sont légalement définies comme des actions, « avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature… ». Comme on le voit, la définition est très large et permet de multiples combinaisons, y compris celles consistant à imaginer des préférences « négatives », c’est-à -dire offrant moins de droits (privation du droit de vote par exemple) aux porteurs de ces actions par rapport à ceux dont disposent les porteurs d’actions ordinaires. Pourtant, le législateur n’a pas, loin s’en faut, accordé aux associés une totale liberté dans la structuration de la préférence logée dans de telles actions.
Aussi, partant du constat que les actions de préférence sont insuffisamment utilisées par les entreprises, la réforme envisagée propose d’assouplir le régime qui leur est applicable sur trois aspects principaux.
D’abord, s’agissant des sociétés qui ne sont pas cotées, il serait possible de créer des actions de préférence à droit de vote double ou même, ce qui n’est actuellement envisageable (même si la question est discutée) que dans les SAS, à droit de vote multiple ; et ce, sans qu’il soit nécessaire que celles-ci soient entièrement libérées ni de justifier d’une inscription nominative depuis au moins deux ans (C. com., art. L. 228-11, al. 1er). Ensuite, il serait possible de retirer le droit préférentiel de souscription à toutes les actions de préférence comportant des droits financiers limités, ce qui n’est autorisé en droit positif français que pour les actions sans droit de vote à l’émission (C. com., art. L. 228-11, al. 5). Or, il s’agit là d’une contrainte qui va au-delà des exigences imposées par le droit communautaire (Dir. 2017/1132 du 14 juin 2017, art. 72, 2, a). Enfin, les hypothèses d’intervention d’un commissaire aux apports seraient clarifiées au cas où les actions de préférence comportent des avantages particuliers : sa désignation serait requise en cas d’émission d’actions non seulement au profit d’un ou plusieurs actionnaires déjà présents dans la société (C. com., art. L. 228-15, al. 1er) mais aussi au profit des personnes qui acquièrent cette qualité du fait de la souscription.
Ces règles nouvelles ne seraient applicables qu’aux actions de préférence émises à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Toutes ces propositions sont pertinentes. Elles restent néanmoins en-deçà des celles formulées tant par la Chambre de commerce de Paris (6 juil. 2017) que par le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (26 janv. 2018), s’agissant en particulier des sociétés cotées. Observant que ces dernières recourent très peu à la formule, une des idées consisterait à mettre en place une action de préférence standard ayant des caractéristiques prédéterminées sur la base d’un catalogue d’options limitées. Il n’est pas dit certes que, lors de la discussion du projet Pacte, cette suggestion ne sera pas reprise.
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