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Commerce électronique : interdiction prochaine du géoblocage au sein de l’Union européenne

Commerce électronique : interdiction prochaine du géoblocage au sein de l’Union européenne

Afin de faciliter le commerce en ligne entre les États membres, l’Union européenne interdit le géoblocage injustifié à compter du 3 décembre 2018.

Aujourd’hui, l’article 20 de la directive 2006/123/CE pose déjà un principe de non-discrimination dans l’accès aux services fournis par un prestataire ayant son établissement dans un autre État membre, tout en réservant le cas de différences de traitement justifiées par des « critères objectifs », mais cette disposition s’est montrée insuffisante à mettre fin aux discriminations appliquées en fonction de la nationalité ou du lieu de résidence des clients. Le règlement 2018/302 du 28 février 2018 vient donc compléter et clarifier ce texte en interdisant toute discrimination directe et indirecte « fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients » dans trois hypothèses déterminées, sans aucune possibilité de justification. En cohérence avec le champ d’application de la directive de 2006 (art. 2), ces interdictions ne concerneront pas notamment les services financiers (banque, crédit, assurance et réassurance, etc.), les services de communications électroniques, les services de transport y compris portuaires et les services audiovisuels y compris cinématographiques. Ces exclusions pourront toutefois être réexaminées d’ici le 23 mars 2020 puis tous les 5 ans.

Accès aux interfaces en ligne

Le règlement pose le principe d’un libre accès aux différentes versions du site internet d’un professionnel à tout client européen (consommateur ou entreprise intervenant comme utilisateur final) : il interdit le blocage ou la limitation de l’accès ainsi que la redirection du client sans son accord vers une autre version du site auquel celui-ci a voulu accéder, sauf lorsque ces pratiques sont nécessaires pour se conformer à une exigence légale applicable aux activités du professionnel (article 3). Ainsi, il sera possible de refuser ou de limiter l’accès du site lorsque l’affichage d’un contenu est interdit par un Etat membre. Dans cette hypothèse, le professionnel devra d’expliquer clairement « dans la langue de l’interface en ligne à laquelle le client a initialement cherché à accéder » que ces restrictions d’accès sont nécessaires à des fins de mise en conformité.

Accès aux biens et aux services

Le règlement interdit l’application de conditions générales d’accès aux biens ou aux services (prix, conditions de paiement et conditions de livraison) qui seraient discriminatoires lorsque le consommateur cherche à (article 4.1) :

  • acheter des biens qui sont soit livrés dans un Etat membre vers lequel la livraison est proposée par le professionnel, soit retirables dans un lieu convenu d’un commun accord, si les conditions générales d’accès prévoient une telle option ;
  • obtenir des services fournis par voie électronique, à l’exception des services permettant l’accès à des contenus protégés par le droit d’auteur (vidéos, musiques, ebooks, etc) ;
  • obtenir des services autres que ceux fournis par voie électronique, « en un lieu situé sur le territoire d’un État membre dans lequel le professionnel exerce son activité » (services fournis dans un lieu physique précis, comme des prestations hôtelières).

L’interdiction des discriminations injustifiées n’empêche toutefois pas les professionnels de proposer « des conditions générales d’accès, notamment des prix de vente nets, qui varient d’un État membre à l’autre ou au sein d’un Etat membre et qui sont proposées, de manière non discriminatoire à des clients situés sur un territoire spécifique ou à certains groupes de clients » (article 4.2). De même, cette interdiction n’affecte pas l’application de restrictions territoriales en matière de service après-vente ni n’impose au professionnel une obligation de livraison transfrontière des biens vers un autre Etat membre que celui pour lequel il propose une telle livraison (considérant 20). Elle n’impose pas non plus au professionnel de se conformer aux prescriptions légales nationales non contractuelles applicables aux biens et services concernés dans l’Etat membre du client (prescription d’étiquetage notamment) ou d’informer les clients de ces exigences (art. 4.3).

Plus généralement, l’interdiction énoncée ne s’applique pas lorsqu’une disposition spécifique du droit de l’Union ou des législations nationales empêche le professionnel de vendre les biens ou de fournir les services à certains clients ou aux clients situés sur certains territoires En matière de vente de livres, les professionnels continueront de pouvoir appliquer des prix différents selon la localisation des clients pour respecter les législations en vigueur conformément au droit de l’Union ((art. 4. 5).

Non-discrimination pour des motifs liés au paiement

Le règlement interdit également la discrimination en matière de moyens de paiement fondée sur des considérations liées à la nationalité ou le lieu de résidence ou d’établissement d’un client, à la localisation du compte de paiement, au lieu du prestataire de services de paiement ou au lieu d’émission de l’instrument de paiement lorsque (article 5) :

  • le paiement est effectué par voie électronique, par virement, prélèvement ou utilisation d’un instrument de paiement lié à une carte au sein de la même marque et catégorie de paiement ;
  • les exigences posées en matière d’authentification par la directive 2015/2366 sont respectées ;
  • le paiement est effectué dans une devise acceptée par le professionnel.

Soulignons que le nouveau règlement n’aura pas d’incidence sur les accords restreignant les ventes actives ou passives au sens du règlement d’exemption 330/2010 qui concernent des transactions ne relevant pas du champ d’application des interdictions de discrimination qu’il énonce. En revanche, pour éviter que les restrictions aux ventes passives, lorsqu’elles ne relèvent pas de l’article 101 du TFUE ou sont exemptées au titre du paragraphe 3 de cet article, ne soient utilisées pour contourner l’interdiction des discriminations, le règlement prévoit la nullité de plein droit des clauses imposant au professionnel d’agir en violation de cette interdiction. Cette dernière disposition est applicable aux contrats conformes à l’article 101 conclus avant le 2 mars 2018 et aux contrats conformes de l’article L. 420-4 du Code de commerce conclus à compter du 23 mars 2020 (art. 11).

Règlement (UE) 2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE

 

Auteurs

Nathalie Pétrignet, avocat associé, droit de concurrence national et européen, pratiques restrictives et négociation commerciale politique de distribution et aussi en droit des promotions des ventes et publicité.

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat counsel au sein du département de doctrine juridique

 

Commerce électronique : interdiction prochaine du géoblocage au sein de l’Union européenne – Article paru dans la Lettre Concurrence/Economie de juillet-août 2018