Comment déterminer le point de départ du délai de consultation du CSE?
24 août 2018
Dans le cadre de ses consultations, récurrentes comme ponctuelles, le comité social et économique (CSE) dispose, afin de rendre un avis, d’un délai d’examen suffisant et d’informations précises et écrites transmises ou mises à disposition par l’employeur. En l’absence d’avis à l’expiration de ce délai, le comité est réputé avoir rendu un avis négatif. La détermination du point de départ de ce délai constitue donc un enjeu capital pour les entreprises comme pour les représentants du personnel.
NB : Les décisions évoquées dans le présent article ont été rendues à propos du comité d’entreprise. Néanmoins, compte tenu de la proximité de rédaction des textes applicables au CSE avec ceux applicables au comité d’entreprise, elles semblent transposables à cette nouvelle instance.
Les délais impartis au CSE pour rendre un avis
En l’absence d’accord conclu sur ce thème avec les délégués syndicaux ou avec le CSE, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai d’un mois (C. trav., art. L.2312-16 et R.2312-6). En cas d’intervention d’un expert, ce délai est porté à deux mois. Il est porté à trois mois en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant à la fois au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissement.
En principe, ce délai commence à courir à compter de la communication des informations pour la consultation ou de la notification de leur mise à disposition dans la base de données économiques et sociales (BDES) (C. trav., art. R.2312-5).
En effet, afin d’être en mesure de rendre un avis éclairé dans le délai qui lui est imparti, le CSE doit disposer d’informations suffisantes. S’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants pour se prononcer, il peut saisir le président du Tribunal de grande instance (TGI) statuant en la forme des référés pour que celui-ci ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants (C. trav., art. L.2312-15). Néanmoins, dans la mesure où cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai de consultation du CSE, le juge doit non seulement être saisi, mais aussi se prononcer avant son expiration (Cass. soc., 21 sept. 2016, n°15-13.363).
Ainsi, la fixation du point de départ de ce délai est essentielle afin de déterminer si le CSE peut valablement agir ou non devant le président du TGI. Afin de contourner cette difficulté, certains comités soutiennent qu’à défaut d’informations suffisantes, le délai de consultation n’a jamais commencé à courir.
L’analyse de la jurisprudence récente révèle une distinction entre les circonstances qui permettent de reporter le point de départ du délai de consultation et celles qui ne peuvent donner lieu qu’à la communication d’informations supplémentaires et à une éventuelle prolongation du délai, pour autant que l’action du CSE soit encore recevable.
Consultations récurrentes, absence de BDES et point de départ du délai
S’agissant des trois consultations récurrentes (orientations stratégiques, politique sociale et situation économique et financière), la BDES revêt une importance capitale : alimentée par l’employeur, elle regroupe les informations nécessaires pour que les élus puissent se prononcer en connaissance de cause. Elle constitue ainsi le support de préparation de ces consultations.
Par un arrêt du 28 mars 2018, la Cour de cassation a précisé que, dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques, le délai n’est pas opposable au comité d’entreprise tant que l’employeur n’a pas mis à sa disposition la BDES, peu important la qualité des informations remises au comité par d’autres moyens (Cass. soc., 28 mars 2018, n°17-13.081).
Cette solution, rendue à propos du comité d’entreprise, paraît transposable aux consultations annuelles sur la politique sociale et la situation économique et financière de l’entreprise. Les articles L.2323-13 et L. 2332-17 disposent en effet que les informations relatives à ces consultations sont mises à la disposition du comité d’entreprise dans les conditions prévues à l’article L.2323-9. Or ce dernier article prévoit expressément que les éléments d’information transmis de manière récurrente au comité sont mis à la disposition de ses membres dans la BDES. Il y a donc lieu de considérer que pour chaque consultation récurrente, l’absence de base de données fera obstacle à l’écoulement du délai de consultation.
Elle semble également transposable au CSE, dans la mesure où le Code du travail prévoit clairement qu’une BDES « rassemble l’ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l’employeur met à disposition du comité social et économique » et qu’elle « permet la mise à disposition des informations nécessaires aux trois consultations récurrentes » (C. trav., art. L.2312-18 et R.2312-7).
Reste à déterminer si cette solution peut s’appliquer dans l’hypothèse où une base de données a été mise en place mais contient des informations insuffisantes ou incomplètes. À cet égard, des éléments de réponse à cette dernière interrogation pourraient provenir de la jurisprudence relative aux consultations ponctuelles du comité.
Consultations ponctuelles, qualité de l’information délivrée et point de départ du délai
Contrairement aux informations listées par le Code du travail qui doivent figurer dans la BDES en vue des consultations récurrentes, le contenu de l’information qui doit être délivrée à l’occasion d’une consultation ponctuelle n’est pas prédéterminé.
La fixation du point de départ du délai en devient plus délicate : ce délai commence-t-il à courir dès lors que l’employeur a remis des informations au CSE, peu important leur qualité, à charge pour ce dernier de saisir le président du TGI s’il estime l’information insuffisante ?
La Cour de cassation a répondu par la négative s’agissant de l’information-consultation d’un comité d’entreprise sur un projet de fusion. Elle a considéré que le délai commence à courir uniquement si l’information délivrée au comité lui permet d’apprécier l’importance de l’opération envisagée et ainsi de saisir le président du TGI, s’il estime que l’information communiquée est insuffisante (Cass. soc., 21 sept. 2016, n°15-19.003).
Ce faisant, elle juge que toute information n’est pas de nature à déclencher le délai de consultation du comité : seule une information concrète permettant au comité d’appréhender l’opération sur laquelle il est consulté est à même de déclencher ce délai.
En l’espèce, après une présentation globale de l’opération de fusion-absorption envisagée, un document rappelant les finalités et les deux phases envisagées de l’opération, avec un nouveau processus de consultation à mettre en œuvre au terme de la fusion juridique, avait été remis par l’employeur.
Cette information était suffisante pour déclencher le délai de consultation et il revenait alors au comité, qui estimait ne pas être mesure de rendre un avis, de saisir le président du TGI avant l’expiration dudit délai.
Consultations récurrentes, qualité de l’information et point de départ du délai
Le délai de consultation commence-t-il à courir, s’agissant d’une consultation récurrente, lorsque la BDES a été mise en place mais contient des informations insuffisantes ou incomplètes ?
À cet égard, plusieurs TGI ont jugé que le délai de consultation ne commence pas à courir si les informations intégrées dans la BDES sont insuffisantes (TGI Toulouse, 26 oct. 2016, n°16/01818; TGI Nanterre, 18 janv. 2017, n°17/00057 ; TGI Nanterre, 28 févr. 2017, n°17/00550). En l’espèce, il s’agissait de contenus très descriptifs et lacunaires au regard de la liste des informations prévues par le Code du travail.
Ces juridictions semblent considérer que, si la BDES est incomplète, le délai de consultation ne commence pas à courir sans distinguer la qualité de l’information effectivement délivrée.
Mais, plus récemment, dans un arrêt du 12 juillet 2018 (n°18/04069), la cour de Versailles semble s’inspirer de la distinction opérée par l’arrêt du 21 septembre 2016 (n°15-19.003). Après avoir résumé les apports des arrêts précités du 21 septembre 2016 et du 28 mars 2018, la Cour a considéré qu’en présence d’informations incomplètes ou non-actualisées rendues disponibles dans la BDES, mais accompagnées d’une note d’information remise lors de la première réunion d’information-consultation sur les orientations stratégiques, le délai de consultation imparti au CSE avait bien commencé à courir et qu’il incombait à ce dernier de saisir le président TGI avant l’expiration dudit délai. Il faut cependant noter que les circonstances de cette affaire étaient particulières, le comité ayant agi aux fins d’obtenir la suspension de la mise en œuvre d’un PSE au motif que la consultation sur les orientations stratégiques n’avait pas été correctement menée préalablement au projet de restructuration.
En tout état de cause, bien que la position de la Cour de cassation soit attendue sur cette question, il ne fait aucun doute que le lien étroit établi entre BDES et consultation du comité implique que les entreprises veillent à l’alimentation régulière de cette base afin d’être en mesure de se prévaloir d’une date quasi certaine du point de départ du délai de consultation.
À cet égard, les entreprises pourront utilement recourir à la nouvelle possibilité d’adaptation, par accord, du contenu et des modalités de fonctionnement de la BDES (C. trav., art. L.2312-21).
Article publié dans Les Echos Exécutives le 21 août 2018
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