Cessions immobilières : comment préserver son gain ?
Pour un particulier, la perspective de vendre un bien immobilier qui a pris de la valeur depuis son acquisition est aussi souvent synonyme de taxation. Pourtant, de nombreux dispositifs d’exonération totale subsistent.
En général, pour un particulier, le gain de cession du bien bâti (maison, appartement) se trouve amputé d’un impôt qui décroît en fonction de la durée de détention du bien. Cette dégressivité de la fiscalité a d’ailleurs été récemment consacrée par le Conseil Constitutionnel au regard du principe fondamental d’égalité devant les charges publiques. En effet, rappelons que l’absence totale de prise en compte du facteur « temps » à l’égard des terrains non bâtis – voulue par le législateur dans sa dernière loi de finances – a été censurée.
Ainsi, l’application pure et simple du régime de droit commun avec son système d’abattements aboutit désormais à une exonération d’impôt sur le revenu au bout de 22 ans s’agissant des immeubles bâtis (contre 30 ans pour les terrains non bâtis), l’exonération des prélèvements sociaux (dont le taux actuel est fixé à 15,5%) n’intervenant dans tous les cas qu’au bout de 30 ans.
En complément, il est possible de bénéficier d’un abattement exceptionnel de 25% sur la plus-value résiduelle, sous réserve que la cession intervienne entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014 et, de façon plus restrictive jusqu’au 31 décembre 2016.
A défaut d’être patient, il existe d’autres dispositifs prévoyant l’exonération de la plus-value de cession et permettant de percevoir le fruit d’un bon investissement immobilier sans frottement fiscal.
1. Les exonérations tenant à la situation du vendeur
– Lorsqu’un particulier cède sa résidence principale, la plus-value réalisée est totalement exonérée d’impôt (article 150 U, II-1°et 3° du Code général des impôts – ci-après « CGI »).
Cette exonération bien connue s’applique quelle que soit la nature du bien vendu (appartement, maison, chalet) et elle concerne également ses dépendances (caves, garages, chambre de bonne…) à condition qu’elles soient cédées simultanément.
Précisons que l’immeuble doit constituer, au jour de la cession, la résidence habituelle et effective du contribuable. En pratique, il devra y être installé depuis suffisamment longtemps avant la vente – son courrier, ses factures lui parvenant à cette adresse – pour éviter une requalification de la part de l’administration fiscale.
Une question récurrente consiste à se demander, lorsqu’on a d’ores et déjà acquis sa prochaine résidence principale, si la cession de la précédente, devenue inhabitée, reste exonérée. A ce sujet, il est admis que l’exonération ne soit pas écartée sous deux conditions : d’un part, le logement ne doit pas avoir été donné en location ou occupé gratuitement avant la cession et, d’autre part, la cession doit intervenir dans « les délais normaux de vente ». En la matière, l’analyse prendra en compte la conjoncture économique, les caractéristiques du bien et les diligences accomplies par le contribuable.
– Lorsqu’un particulier cède sa résidence secondaire pour acquérir sa résidence principale, il peut également être dispensé de l’impôt sur la plus-value (article 150 U, II-1° bis du CGI).
Cette exonération s’adresse exclusivement à ceux qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale.
Appliquée aux cessions intervenues depuis le 1er février 2012, elle est conditionnée à trois critères cumulatifs :
- Le vendeur ne doit pas avoir été propriétaire de sa résidence principale au cours des 4 ans précédant la vente.
- Il doit s’agit de la première vente d’une résidence secondaire depuis le 1er février 2012, que ce logement soit donné en location, réservé à l’usage de son propriétaire ou vacant.
Par conséquent, le bénéfice de l’exonération, qui fait l’objet d’une demande expresse du cédant, est unique. - Le vendeur doit remployer le prix de la vente, intégralement ou partiellement, dans un délai de 24 mois pour acheter ou faire construire sa résidence principale, étant entendu que seule la fraction du prix réinvestie bénéficie de l’exonération.
Précision intéressante pour les contribuables les plus mobiles : l’exonération n’est subordonnée à aucune durée minimale de conservation du logement ou d’affectation à la résidence principale du cédant.
– En tant que retraité ou invalide, deux dispositifs coexistent.
Le premier s’adresse aux titulaires de pensions de vieillesse ou de la carte d’invalidité et concerne la cession de tout immeuble, qu’il constitue ou non la résidence principale du cédant (article 150 U, III du CGI).
Cette exonération est subordonnée à des conditions de ressources portant sur l’avant dernière année précédant celle de la cession (2012 pours 2014) : un plafonnement du revenu fiscal de référence et le non assujettissement à l’ISF.
Le second dispositif d’exonération cible la cession de l’ancienne résidence principale d’une personne retraitée ou handicapée lorsqu’elle intègre un établissement spécialisé (article 150 U, U-1° ter du CGI).
Les mêmes plafonds de ressources sont appliqués. En outre, l’immeuble doit être resté inoccupé du jour du départ de son propriétaire jusqu’au jour de la cession.
S’agissant de la cession d’une résidence principale, on peut raisonnablement se poser la question de l’intérêt de ce dispositif par rapport au tout premier qui, lui, ne tient pas compte de l’âge et de la santé du contribuable. Il est pourtant bien réel puisqu’un délai de deux ans lui est accordé pour vendre son bien après l’avoir quitté.
2. Les exonérations tenant à la qualité de l’acquéreur
– La plus-value est exonérée dans le cadre d’une expropriation à condition qu’elle ait lieu suite à une déclaration d’utilité publique (article 150 U, II-4° du CGI). Autrement dit, les cessions volontaires aux collectivités locales sont exclues du dispositif.
Dans le cas d’une expropriation exonérée, l’exproprié doit réutiliser intégralement l’indemnité reçue pour acheter, construite, reconstruire ou agrandir un ou plusieurs biens immobiliers dans un délai de 12 mois à compter de la perception de l’indemnité.
On précisera qu’aucune condition tenant à la durée de conservation des biens acquis en remploi n’est prévue. De même, l’affectation du bien acquis est libre (immeuble bâti ou non, habitation ou exploitation).
– Les particuliers qui cèdent un bien immobilier, bâti ou non, à un organisme en charge du logement social bénéficient également d’une exonération de taxe sur la plus-value (article 150 U, II 7° et 8° du CGI).
Ce régime, qui a récemment été prorogé, concerne les ventes réalisées entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015.
Les acquéreurs entrant dans le champ du dispositif peuvent être par exemple un organisme HLM, une société d’économie mixte gérant des logements sociaux, l’Association foncière logement.
Notons qu’une opération incluant un intermédiaire peut également entrer dans le dispositif, par exemple une cession au profit d’une collectivité territoriale qui prend l’engagement de rétrocéder le bien immobilier aux bailleurs sociaux dans un délai d’un à 3 ans selon les cas.
3. Les exonérations tenant aux conditions de la cession
– Certaines cessions ne donnent pas lieu à imposition en raison du montant de la transaction (article 150 U, II-6° du CGI).
Indépendamment du calcul même de la plus-value, la cession de biens de faible valeur est exonérée d’impôt sur le revenu. C’est le cas lorsque le prix de vente n’excède pas 15.000 € (par exemple un parking ou une cave).
Lorsque plusieurs cessions ont lieu la même année, l’exonération peut s’appliquer plusieurs fois, le montant de chaque cession étant inférieur à 15.000 €.
Ce plafond est apprécié au regard de la valeur en pleine propriété du bien. En cas de cession d’un bien démembrement, un prorata devra être opéré pour déterminer l’éligibilité ou non au dispositif.
– Les plus-values d’échange réalisées dans le cadre de certaines opérations de remembrements ou opérations assimilées sont exonérées (article 150 U, II-5° du CGI).
L’exonération de la plus-value n’est pas définitive, puisqu’en cas de revente du bien remembré ou échangé, la plus-value réalisée est calculée en considérant fictivement que l’immeuble cédé a été acquis au même prix, à la même date et selon le même mode que l’immeuble qui avait été apporté en échange au remembrement.
– La plus-value réalisée au titre de la cession, entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014, d’un droit de surélévation est susceptible d’être exonérée (article 150 U, II-9° du CGI).
Rappelons que le droit de surélévation est le droit réel d’édifier une construction prolongeant verticalement les façades d’un immeuble préexistant tout en rehaussant le faîtage du toit.
Le dispositif de faveur s’applique à condition que l’acquéreur (personne physique ou morale) prenne l’engagement de réaliser et d’achever des locaux destinés à l’habitation dans un délai de 4 ans à compter de la date de son acquisition.
A propos des auteurs
Christophe Frionnet, avocat associé, spécialisé en fiscalité directe, il traite plus particulièrement des questions liées à la fiscalité des groupes de sociétés et des organismes à but non lucratif, à la fiscalité patrimoniale et à la fiscalité immobilière.
Stéphanie Némarq, avocat spécialisé en impôts directs
Article paru dans la revue Option Finance du 17 mars 2014