Application de la garantie de paiement aux marchés de travaux conclus dans le cadre d’une opération de crédit-bail immobilier
L’article 1799-1 du Code civil instaure une garantie de paiement, d’ordre public, au profit de l’entrepreneur pour les sommes qui lui sont dues.
Cette garantie est obligatoire lorsque le montant du marché excède le seuil de 12.000 euros H.T. (Décret n°99-658 du 30 juillet 1999).
La garantie prend des formes différentes selon que le maître de l’ouvrage recourt ou non à un crédit spécifique :
- dans le premier cas, l’entrepreneur dispose d’un paiement direct contre le banquier ;
- dans le second cas (absence de recours à un crédit spécifique ou recours partiel), le maître d’ouvrage doit constituer une caution solidaire pour les marchés conclus pour la satisfaction de besoins ressortissant à une activité professionnelle en rapport avec ces marchés, s’il n’est pas fourni d’autres garanties ayant la même fonction.
Par un arrêt récent du 3 mai 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur les modalités d’application de cette garantie pour les marchés de travaux conclus dans le cadre d’une opération de crédit-bail immobilier.
En l’espèce, une entreprise, qui avait exécuté des travaux de charpente métallique, a assigné en paiement tant les crédit-bailleurs (maîtres d’ouvrage) que le crédit-preneur.
La cour d’appel d’Agen, par un arrêt du 13 février 2017, s’attachant au caractère financier du crédit-bail pour l’entreprise qui y a recours pour un projet de construction, avait rejeté la demande de garantie de paiement formée par l’entrepreneur contre les crédit-bailleurs au motif que :
- le concours financier des crédit-bailleurs étant constitutif d’opérations de crédit, il y avait lieu de constater que le crédit-preneur avait bien eu recours à un crédit spécifique, au sens de l’article 1799-1 du Code civil, pour le financement de son projet ;
- les fonds avaient été versés directement par ces derniers entre les mains de l’entrepreneur ;
- les dispositions du texte précité ne prévoient pas la possibilité d’exiger un tel cautionnement sous astreinte pour l’entrepreneur, lequel n’avait, au demeurant, pas adressé de mise en demeure pour revendiquer le paiement des travaux exécutés.
La Cour de cassation casse cet arrêt d’appel au visa de l’article 1799-1 du Code civil en considérant que c’est le crédit-bailleur, maître de l’ouvrage, qui est tenu de fournir la garantie de paiement de l’article 1799-1 du Code civil, et qu’au cas particulier celui-ci n’avait pas eu recours à un crédit spécifique pour financer les travaux.
C’est donc bien le crédit-bailleur, et lui seul, qui est le redevable de la garantie de paiement au profit de l’entrepreneur en tant que maître d’ouvrage. Avec cette affirmation, la Haute juridiction s’attache à la réalité juridique de ce type d’opération. Même si le preneur en a le plus souvent l’initiative, en fixe les caractéristiques techniques et l’enveloppe financière, il n’en demeure pas moins qu’il n’en est pas le maître d’ouvrage : pour preuve la délégation de ladite maîtrise d’ouvrage par le crédit-bailleur au crédit-preneur dont est le plus fréquemment assorti ce type de contrat.
Cass. 3e civ., 3 mai 2018, n°17-16.332
Auteurs
Jean-Luc Tixier, avocat associé, droit immobilier et droit public
Simon Estival, avocat, droit immobilier
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