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Loi « ESSOC » : nouvelles régularisations, baisse des intérêts de retard et mesures visant à renforcer la sécurité juridique

Loi « ESSOC » : nouvelles régularisations, baisse des intérêts de retard et mesures visant à renforcer la sécurité juridique

La loi introduit un certain nombre de mesures favorables, applicables immédiatement, et prévoit aussi des mesures expérimentales dont certaines font l’objet d’une consultation publique.
La loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance dite loi ESSOC présente de nombreuses mesures dont nous commentons ci-après les plus importantes.

Ecartons d’emblée deux mesures emblématiques du texte, d’une part, la création d’un droit à régularisation en cas d’erreur et, d’autre part, un droit au contrôle et à l’opposabilité du contrôle. Il s’agit de mesures supplétives qui ne devraient pas s’appliquer en matière fiscale.

Mesures favorables en matière d’intérêts de retard et de régularisation

1. Réduction des intérêts de retard (art. 5, art. 14 et art. 15)

Le taux de l’intérêt de retard sera réduit de 50% en cas de dépôt spontané par le contribuable de bonne foi d’une déclaration rectificative, avant l’expiration du délai de reprise de l’administration. La déclaration devra être accompagnée du paiement des droits dus ou, si l’imposition donne lieu à un avis d’imposition, le paiement devra intervenir à la date limite de paiement, sauf accord du comptable public sur un plan de règlement des droits simples. Cette mesure s’applique aux déclarations rectificatives déposées à compter du 11 août 2018.

2. Régularisation en cours de contrôle (art. 9)

La loi étend aux contrôles sur pièces et à la procédure d’examen de situation fiscale personnelle (ESFP) le champ d’application de la procédure de régularisation en cours de contrôle (LPF, art. L 62) qui permet au contribuable de bonne foi de demander la limitation de l’intérêt de retard à 70% de son montant s’il souscrit dans les 30 jours de sa demande une déclaration complémentaire et acquitte immédiatement les sommes dues.

La procédure était réservée jusqu’alors aux procédures de vérification et d’examen de comptabilité. Le paiement doit en principe être immédiat, sauf si un plan de règlement des droits simples a été accepté par le comptable public. Ces nouvelles règles s’appliquent :

  • s’agissant du contrôle sur pièces, aux demandes d’information ou aux propositions de rectification adressées au contribuable depuis le 11 août 2018 ;
  • et aux contrôles dont les avis ont été adressés depuis le 11 août 2018 en ce qui concerne les vérifications et examens de comptabilités ainsi que les ESFP.

3. Régularisation de la déclaration des commissions, courtages et honoraires (art. 7)

La loi légalise la doctrine administrative selon laquelle il est possible, sous certaines conditions, de régulariser sans pénalité la déclaration, prévue à l’article 240 du CGI, des commissions, courtages, ristournes commerciales, vacations, honoraires, etc. des trois années précédentes (au lieu de la déclaration de l’année en cours). Il doit s’agir d’une première demande de régularisation, par une personne pouvant justifier que les rémunérations omises ont été déclarées par leurs bénéficiaires dans les délais légaux, et l’administration doit pouvoir en vérifier l’exactitude. La demande de régularisation pourra avoir lieu au cours d’un contrôle fiscal de la personne soumise à l’obligation déclarative, ce qui est nouveau.

4. Régularisation du défaut de production de certains documents (art. 8)

L’amende égale à 5% des sommes omises pour des infractions portant sur le tableau des provisions, le relevé des frais généraux, les états spécifiques aux groupes intégrés, l’état et le registre des plus-values en sursis d’imposition, l’état de suivi des moins-values et l’état de suivi des plus-values en cas de transfert du siège ou d’un établissement à l’étranger ne sera pas applicable en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes. Les intéressés doivent réparer leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l’administration avant la fin de l’année qui suit celle au cours de laquelle le document devait être présenté. Cette faculté s’applique aux déclarations déposées à compter du 11 août 2018.

A. Mesures tendant à renforcer la sécurité juridique dans les relations avec l’administration

1. Extension des garanties contre les changements de doctrine (art. 9 et 11)

La procédure de « rescrit-contrôle » prévue par la doctrine administrative figure désormais dans la loi. Elle permet à un contribuable faisant l’objet d’une procédure de vérification ou d’examen de comptabilité (contrôle à distance) de demander à l’administration, avant l’envoi d’une proposition de rectification, de prendre formellement position sur un point particulier alors même qu’aucun rehaussement n’est envisagé. La réponse qu’apporte l’administration lui est opposable sous réserve que la situation du contribuable n’a pas été modifiée.

Par ailleurs, dans le cadre d’une vérification ou d’un examen de comptabilité ou d’un ESFP, l’absence de rectification sur des points examinés par le vérificateur constituera une prise une prise de position tacite opposable. Le contribuable doit être de bonne foi, et la garantie n’est accordée que si l’administration « a pu se prononcer en toute connaissance de cause ».

L’administration aura l’obligation, pour les contrôles dont les avis seront adressés à compter du 1er janvier 2019, de mentionner dans la proposition de rectification ou l’avis d’absence de rectification, l’ensemble des points examinés sans donner lieu à rectification.

2. Commissions des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires (art. 25)

Les commissions des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, en principe uniquement compétentes pour régler des questions de fait, peuvent se prononcer sur des questions de droit dans trois cas, qui sont étendus au caractère de charge déductible ou d’immobilisation d’une dépense.

3. Recours hiérarchique dans le cadre du contrôle sur pièces (art. 12)

L’article L 54 C du LPF ouvre à tous les contribuables la possibilité d’exercer un recours hiérarchique contre un rehaussement notifié dans le cadre d’une procédure contradictoire (sauf procédure d’office) autre que celles de vérification et d’examen de comptabilité ou d’ESFP (car ces dernières bénéficient déjà de cette possibilité).

Le nouveau recours hiérarchique ainsi ouvert dans le cadre d’un contrôle sur pièces peut être exercé à compter de l’envoi de la proposition de rectification et à tout moment dans le délai d’introduction d’une réclamation que la demande de recours hiérarchique suspend.

La demande de recours hiérarchique n’a pas légalement d’effet suspensif sur la mise en recouvrement, et s’appliquera à toute proposition de rectification adressée à compter du 11 août 2018.

B. Perspectives d’évolution

1. Durée des contrôles menés par les administrations (art. 32)

A titre expérimental, dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes et pour une durée de quatre ans, la durée cumulée des contrôles menés par les administrations ne pourra excéder une durée cumulée de neuf mois sur une période de trois années dans les entreprises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros.

La loi prévoit toutefois que certains contrôles sont, par nature ou par objet, exclus du décompte :

  • ceux réalisés à la demande de l’entreprise ;
  • ceux diligentés en raison d’indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire ;
  • et, enfin, ceux dont les objectifs s’inscrivent dans le cadre de réglementations particulières énumérées par la loi (respect des règles du droit de l’UE, santé et sécurité, exécution d’un contrat, contrôles par les professions concernées par leurs autorités de régulation).

L’entrée en application de cette expérimentation est subordonnée à la publication d’un décret en Conseil d’Etat.

2. Relation de confiance (art. 17)

Le gouvernement est habilité jusqu’au 11 avril 2019 à légiférer par voie d’ordonnances pour améliorer la sécurité juridique des entreprises soumises à des impôts commerciaux.

Dans le prolongement de cette habilitation législative, l’administration a ouvert une consultation publique sur quatre propositions :

  • une proposition dite « confiance plus », qui prendrait le relais de l’actuelle « relation de confiance »;
  • la mise en place d’un « examen de conformité fiscale », mission d’audit et de validation de points fiscaux confiée aux commissaires aux comptes ;
  • une incitation à la « responsabilité civique » des entreprises. Celles qui rendraient publics certains éléments de leur situation fiscale (résultats des contrôles, situation au regard du paiement des impôts et taxes) bénéficieraient d’avantages comme un traitement plus rapide de leurs demandes de remboursement ou un espacement des contrôles ;
  • un « guichet de régularisation permettrait aux entreprises de régulariser certaines anomalies résultant de comportements fiscaux intentionnels ».

 

Auteurs

Elisabeth Ashworth, avocat associé, responsable des questions de TVA et de taxe sur les salaires au sein de l’équipe de doctrine fiscale

Emmanuelle Féna-Lagueny, avocat counsel en matière d’impôts directs au sein du département de doctrine fiscale

 

Loi « ESSOC » : nouvelles régularisations, baisse des intérêts de retard et mesures visant à renforcer la sécurité juridique – Article paru dans le magazine Option Finance le 15 octobre 2018